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Procès Sankara: «Si (…), tu vas rejoindre tes camarades», a lancé Hyacinthe Kafando à Alouna Traoré

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Alouna Traoré, seul survivant des personnes qui prenaient part à la réunion le 15 octobre 1987 avec Thomas Sankara

Le seul survivant de l’assassinat de l’ancien chef de l’Etat burkinabè, le capitaine Noël Isidore Thomas Sankara et de ses treize compagnons qui tenaient une réunion le 15 octobre 1987, Alouna Traoré, lors de sa déposition à la barre du Tribunal militaire le mardi 21 décembre 2021, a affirmé que le présumé exécutant du coup de force sanguinaire, Hyacinthe Kafando, lui a proféré des menaces avant de le libérer le lendemain des évènements. « Toi-là, si tu ne la fermes pas, tu vas rejoindre tes camarades », lui a menacé le putschiste selon le témoignage du rescapé.

Le Tribunal a interrogé lors de cette audience, huit témoins dont Alouna Traoré, le soixante-dixième témoin à passer à la barre depuis le début du procès. Si pour certains, à la suite de leur déposition, l’une ou des parties prenantes au procès ont posé des questions pour plus de précisions afin de lever les points flous, ou pour des confrontations avec certains accusés en vue de les charger davantage ou de les décharger de leurs infractions, d’autres par contre ne pouvant pas apporter des informations à une teneur de plus-value, se sont juste limités à leur déclaration avant d’être remerciés par le président du Tribunal, Urbain Méda, non sans les inviter à rester dans la salle pour la poursuite de l’audience.

Il s’agit de la secrétaire de direction à la présidence, Anne Berthe Oubida, Madi Pafadnam, Noaga Daniel Tenkodogo, Nonga-Ninré Sawadogo, Dimassé Sosso, Noaga Alexis Ouédraogo, Gérard Sompougdou et Alouna Traoré.

Administrateur civil de formation, ce juriste de formation, fait preuve de par son éloquence, d’une brillante formation révolutionnaire qu’il a reçu sous la période du Conseil national révolutionnaire (CND), dont les deux leaders, le capitaine Thomas Sankara qui était le président et le capitaine Blaise Compaoré qui était le ministre de la Justice en sont venus, à la suite d’une crise, à règlement de compte sanglant. Ayant beaucoup de cordes à son arc sous la Révolution vu ses compétences, Alouna Traoré faisait partie entre autres de la cellule de « propagande et de l’agitation politique ».

Selon ce témoin clé des évènements du 15 octobre 1987, ce sont les éléments de la garde de sécurité rapprochée de Blaise Compaoré qui ont perpétré l’action sanglante le jeudi 15 octobre 1987 autour de 16H. S’il est formel que ce sont les agents de Blaise Compaoré qui ont tué ses camarades, cependant il sera mis en doute par un accusé, Nabonswendé Ouédraogo qui lui soutient n’avoir pas été sur les lieux des faits le jour du drame. A noter que le témoin et l’accusé viennent du même village.

Après les relances du parquet et de la partie civile, le témoin n’avait pas eu le choix après un bref temps de silence de dire qu’il a vu Nabonswendé Ouédraogo parmi les assaillants. « Je suis affirmatif, j’ai vu Nabonswendé » qu’il qualifie même de tireur d’élite selon ce qui se racontait chez eux au village, a-t-il martelé. Mais, quand l’avocat de l’accusé a demandé la confrontation, après avoir écouté le témoin, il a conclu que Alouna Traoré a dit qu’il a vu son client par simple déduction parce que, se disant que son client faisait partie des éléments de garde de Blaise Compaoré. A la suite des confrontations, le témoin se ravisera pour dire que celui qu’il a vu et qu’il a gravé dans sa mémoire, c’est Nabié Nsoni, l’un des assaillants qui l’aurait identifié vivant parmi les treize pour demander qu’on le conduise dans une salle e l’enfermer.

Retenu à la Gendarmerie où il avait été acheminé et emprisonné, quand est venu le moment de le libérer, Hyacinthe Kanfando, le chef des gardes de la sécurité du capitaine Blaise Compaoré, lui aurait fixé le regard et dire : « Toi-là, si tu ne la fermes pas, tu vas rejoindre tes camarades ». « Et comme on ne piétine pas les testicules d’un aveugle deux fois, alors j’ai compris le message et j’ai décampé de Ouagadougou pour me retrouver par la suite à Bobo-Dioulasso avant de poursuivre les jours qui ont suivi en Côte d’Ivoire », a poursuivi le témoin.

Pour le survivant du coup d’Etat du 15 octobre 1987, l’action du commando « est un assassinat politique ». Il a confessé que l’affaire l’a traumatisée à tel point qu’il a eu des « troubles de comportements » dus à un « surmenage » parce qu’il n’arrivait pas à oublier ce qui étaient arrivés à ses compagnons.

M. Traoré dit ne pas croire au complot de 20H que Thomas Sankara aurait élaboré à son temps pour éliminer Blaise Compaoré, comme d’ailleurs à toutes les autres rumeurs. « L’atmosphère était pourrie et tendue. Si je m’en tenais à ces rumeurs, je n’allais pas pouvoir me concentrer pour servir la Révolution. L’atmosphère m’intéressait peu », a-t-il déclaré.

Le témoin dit avoir été surpris par le drame du 15 octobre 1987 parce qu’il ne s’attendait pas à ce dénouement de la crise qui était amplifié par tracts et autres rumeurs orduriers.

Par Bernard BOUGOUM