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Putsch manqué: «Il fallait filer la patate chaude aux civils» (Colonel Karim Traoré)

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«La solution de la crise» du 16 septembre 2015 au Burkina «était entre les mains des civils et non des militaires» et «il fallait (leur) filer la patate chaude», selon le colonel Abdoul Traoré qui aurait conseillé au général Gilbert Diendéré de leur céder le pouvoir pour qu’ils le gèrent. Cet officier qui était impliqué dans la médiation pour le règlement de plusieurs conflits dans des pays africains, notamment dans la sous-région, a été invité à la barre ce mercredi 3 octobre 2018, pour son audition.

Le colonel Abdoul Karim Traoré, magistrat au tribunal militaire burkinabè et accusé dans le dossier du putsch manqué de 2015, pour complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, a affirmé qu’il était dans «une dynamique d’aider pour une sortie de crise», quand il donnait ses avis au général Diendéré.

Cet inculpé interrogé sur les faits à lui reprochés, a dit ne pas les reconnaitre, «ni par action ni par omission». Après avoir appris, le 16 septembre 2015, de ce qui se passait, le colonel Traoré aurait tenté de joindre le chef d’état-major général des armées de l’époque (Pingrenoma Zagré) pour s’informer davantage, mais en vain.

Selon l’accusé, expert en médiation, c’est plus tard qu’il aurait contacté le général Diendéré qui lui aurait dit de venir au ministère de la Défense à Ouaga 2000. Pour un de ses avocats, Me Timothée Zongo, c’est ainsi qu’il aurait été «invité» dans cette affaire. «C’est sa curiosité en tant que écrivain qui voulait des éléments pour son prochain livre, qui l’a amené» dans cette histoire.

Au ministère de la Défense, le général qui ne lui aurait pas dit clairement ce qui se passait, a amené le colonel Abdoul Karim Traoré à suivre son cortège pour se rendre au camp Naba Koom II. C’est là-bas que le général Diendéré lui aurait tout expliqué. Selon le colonel, l’ex-chef d’état-major particulier de la présidence sous Blaise Compaoré, lui aurait dit que «le pouvoir ne l’intéressait pas».

Après avoir été mis au courant que le coup a été perpétré par des éléments de l’ex-Régiment de sécurité présidentielle (RSP) et que du fait que les autres militaires n’ont pas été associés, la hiérarchie n’a pas voulu s’ingérer, le colonel Traoré aurait confié au général que cette affaire «est mauvaise» et l’aurait conseillé de contacter des membres de l’ex-opposition, notamment Roch Kaboré, Zéphirin Diabré, Me Bénéwendé Sankara et Ablassé Ouédraogo, qui ont lutté contre la modification de l’article 37 de la Constitution, pour leur expliquer la situation et les laisser gérer. Pour lui, le général Gilbert Diendéré était dans une disposition de négociation.

Cet accusé aurait également donné des avis sur la déclaration du Conseil national de la démocratie (CND). «Quand j’ai vu (le document) j’ai dit au général que s’il est dans une dynamique de dialogue, il ne doit pas suspendre la Constitution et la Charte de la transition, (comme cela est consigné dans la déclaration)», car «si on le fait, il n’y aura plus de négociation», a déclaré le colonel Karim Traoré, ex-conseiller technique de l’ex-ministre burkinabè des Affaires étrangères, Djibrill Bassolé. Il a fait noter que le général Diendéré lui aurait dit, après, qu’il n’a pas pu prendre contact avec les acteurs politiques ci-dessus cités, du fait de son calendrier chargé.

«J’ai vécu les événements mais je n’y ai pas participé», a-t-il soutenu, notant que pendant la période du putsch manqué, il a eu à donner ses «avis sur certaines choses». «Je voulais une sortie de crise qui devait se faire méthodiquement», a-t-il signifié. Pour le colonel Traoré, le coup d’Etat «ne pouvait pas aboutir», vu la circonstance dans laquelle le Burkina y était.

Cet officier qui ne se reproche rien dans cette affaire de putsch manqué, a laissé entendre que quand il a appris qu’il y a eu des morts, il aurait dit ce qu’il pensait à certains haut-gradés de l’armée. «J’ai parlé de leur irresponsabilité, ils pouvaient me sanctionner pour ça», a dit le colonel Traoré.

Poursuivant dans sa narration des faits, cet accusé qui a reconnu avoir reçu 5 000 000 FCFA de la part du Diendéré, a confié qu’au moment des événements, il aurait vu «le général pleuré, tellement il n’était pas content de la situation». «Je l’ai vu supplier des gens, au téléphone, pour qu’ils rentrent» à la base, a relaté le colonel, confiant qu’ «un jour, un élément est venu dire au général qu’il a été envoyé pour lui faire savoir qu’il n’est pas irremplaçable».

Autre faits qui chargeraient le colonel Traoré, selon le parquet militaire, seraient des conversations qu’il aurait eues avec certains responsables de la rébellion malienne, sur les événements du 16 septembre 2015. Lui qui a laissé entendre qu’il «n’était pas favorable au putsch», aurait envoyé des messages de soutien au général Dindéré. Il a été aussi celui qui a appelé le général Djibrill Bassolé à venir poser ses doléances à l’équipe de médiation. S’il a reconnu certains messages, ça n’a pas été le cas des échanges avec des rebelles du Nord Mali.

L’audience a été suspendue vers 17h et reprendra demain jeudi 4 octobre 2018.

Par Daouda ZONGO