Ils sont voisins. Ils sont tous deux présidents de la république, l’un de la Côte d’Ivoire et l’autre de la Guinée. Ils sont tous deux dans l’attente d’une élection présidentielle. Ils sont tous deux en délicatesse avec leurs oppositions respectives. L’Ivoirien Alassane Ouattara qui a accueilli le Guinéen Mamadi Doumbouya, ont bien des traits en commun. Mais ils ont également des dissemblances, et par des moindres. Si l’Ivoirien est arrivé au pouvoir par les urnes, son hôte guinéen lui, y a accédé par la force et, bien qu’il entend, probablement, bientôt, se faire une virginité par l’élection présidentielle programmée, en principe, pour cette année 2025. Une présidentielle, qui, tout comme les autres scrutins, sera organisée par la jeune structure de la Direction générale des élections (DGE) née sur les cendres de la Commission nationale électorale indépendante (CENI).
Mais, ce n’est certainement pas pour apprendre à porter le costume cravate et chapeau qu’il pourrait, sauf tsunami, après élection, troquer avec son treillis et son béret rouge, que le général Mamadi Doumbouya a fait un tour chez son aîné ivoirien. Officiellement, cette première visite du président de la transition guinéenne sur les bords de la Lagune Ebrié, a pour but de raffermir les relations diplomatiques et commerciales entre les deux pays. Et aussi, à en croire le général, de remercier, au passage, son homologue ivoirien, qui, suite au coup d’Etat de septembre 2021, a opté pour la «compréhension» à l’endroit de la Guinée, au lieu du «jugement».
Toutefois, les deux hommes ont-ils pu discuter, sans évoquer les questions électorales qui les préoccupent tous à l’heure où, chacun d’eux, sans s’être déclaré officiellement candidat, y pense tous les matins en se rasant? Du reste leur carré de fidèles et leurs partisans sont déjà en campagne pour eux. Certes, la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO), l’Union africaine et l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), ne regardent plus la Guinée avec le mauvais œil, mais, ne font pas moins pression sur elle pour qu’elle organise des élections pour sanctionner la fin de la transition et acter le retour sur les rails de la démocratie, par la remise du pouvoir aux civils.
La sécurité aux frontières, à l’heure où le terrorisme s’exporte avec une facilité déconcertante, était probablement au menu de cette visite, même si c’est entre deux bouchées d’attiéké, le plat national ivoirien à base de manioc. Question: Alassane Ouattara et son «jeune frère» qui était aussi, sans aucun doute, en opération de charme auprès de la forte communauté guinéenne vivant en Côte d’Ivoire, ont-ils mis sur la table la question des Guinéens contraints à l’exil politique par le régime de la transition? Il faut espérer que oui, afin que ceux-ci, en citoyens jouissant de leurs droits, puissent participer à des élections ouvertes, en tant que candidats ou électeurs. Dans l’intérêt de la démocratie et pour que son frère cadet continue à jouir de la bienveillance des institutions africaines et internationales et retrouver la confiance des peuples épris de justice et de paix, Alassane Ouattara doit pouvoir lui prodiguer ce conseil d’ainé.
En tout cas, les sujets d’échanges n’ont pas dû manquer au cours des tête-à-tête entre les deux voisins, candidats certains à la présidentielle, mais non encore officiellement déclarés!
Par Wakat Séra