Accueil A la une RD CONGO: Dr Mukwege ou le glaive de la victoire?

RD CONGO: Dr Mukwege ou le glaive de la victoire?

0
Dr. Denis Mukwege

Quand un Etat se fourvoie à outrance dans sa conduite politique, il se dirige le plus souvent vers son implosion. La guerre civile, entre toutes autres conséquences, en est souvent le résultat attendu. Comme c’est le cas actuellement pour l’Ethiopie. Un deus ex machina (homme providentiel) peut ou ne pas surgir pour un sauvetage. En Chine de Mao ou à Cuba de Fidel Castro, plutôt, les deux icônes de la révolution populaire furent vent debout contre la mise en coupe réglée de leurs pays par le capitalisme compradore.

La RD Congo se trouve être dans ces deux cas de figure réunis. Prise dans un tourbillon politique inédit, où se mêlent tous les éléments destructeurs d’un Etat, elle est en passe de sombrer. Inexorablement. En fait, à travers l’histoire dramatique que traverse le pays, depuis maintenant plus d’un demi-siècle, on n’a jamais vu ni entendu ce qui se passe aujourd’hui. Ils ont été tous négatifs, les régimes précédents, de Mobutu aux Kabila père et Kabila fils, mais ils se sont gardé de certaines bassesses. Quant à elle, la gouvernance de Tshisekedi est descendue jusqu’au «ras des pâquerettes», dirait un observateur français lyrique. C’est-à-dire trop bas.

On ne le dira jamais assez, c’est le départ qui était mauvais, assis sur un mensonge létal. En démocratie libérale, un président est élu par le peuple et non nommé par qui que ce soit. On connaît l’épisode de l’arrivée frauduleuse au pouvoir de Félix Tshisekedi. Toutefois, le vin ayant étant tiré, il fallait bien le boire… jusqu’à la lie. Mais, c’est un vin frelaté, toxique. En cela, les exemples sont légion, mais on ne va mettre en exergue que trois exemples les plus emblématiques d’entre eux. Qui disent tout. Et qui autorisent de parler, à bon escient, de changement d’homme nouveau à la tête de l’Etat.

Qui ne dit mot consent

Le premier défaut de la cuirasse du régime en place concerne le fonctionnement même de l’administration au sommet de l’Etat. Le cabinet proprement du chef de l’Etat est composé d’un conseil éléphantesque de presque 500 conseillers, au point de ne plus savoir «qui fait quoi», quand et où: donc, un véritable capharnaüm, dont les conséquences abreuvent ipso facto tout l’appareil d’Etat.

L’autre défaut caractéristique, tout autant grave, repose sur la corruption et l’escroquerie. Toujours au sommet de l’Etat. Elles y prospèrent même, dans la mesure où tous ces conseillers en herbe et des ministres fauchés voudraient chacun plonger le museau à la mangeoire. «C’est l’occasion unique de s’enrichir», se disent-ils. Mais, le cas le plus intéressant, croustillant s’il en est, concerne cette incontestable escroquerie d’Etat nommée «RAM (Registre des Appareils Mobiles )». Une taxe illégale imposée, prince-sans-rire, sur l’usage des téléphones portables. Unique au monde! L’arnaque a récolté quelque 25 millions de dollars. L’argent s’est volatilisé de la plus belle des manières. Depuis, Tshisekedi est resté muet comme une carpe. Or, «qui ne dit mot consent», dit-on. Le cas échéant, il est permis de penser que le Chef de l’Etat y est directement associé.

Enfin, le cas concernant le «Projet de Cent Jours», mené tambour battant par les médias pro-tshisekedistes. Dans le but de démontrer les assises d’un Etat de droit. Il a fait sortir des caisses de l’Etat 400 millions de dollars, qui ont vite pris les chemins de Paradis fiscaux. Les suspects, au rang desquels Vital Kamerhe, directeur de cabinet présidentiel, ont été jugés et condamnés, dans un procès public radio-télévisé, retransmis en direct.  Aujourd’hui, tous respirent l’air de la liberté. Pénards, dans leurs luxueuses villas. Et, Kamerhe, l’âme de cet exploit digne d’Arsène Lupin, ce gentleman-cambrioleur, créé par le romancier français Maurice Leblanc, a été publiquement réhabilité par Tshisekedi. Il attend dans l’antichambre du Palais d’être nommé à un grand poste… juteux. La «saison étant celle de la récolte dans les caisses de l’Etat». Belle métaphore glanée sur les réseaux sociaux.

Pendant ce temps, à titre d’exemple, en France, François Fillon, pour une histoire de «simples soupçons», a été écarté sans ménagement du rang des candidats présidentiels. Il y a six ans. Jusqu’à être poussé à la retraite politique anticipée. A ce jour, les ennuis judiciaires, à ce propos, lui collent au dos.

La crise de la raison

Que dire du social et du culturel, ces branches fragiles sur un tronc constitué de la politique et de l’économique, en manque de sève? Un arrêt sur image, un seul, suffit pour tout résumer, à ce sujet: à Kinshasa, une capitale de 12 millions d’habitants, il n’existe qu’une seule et unique formation hospitalière de référence d’un autre âge, héritage de la colonisation belge. Sans entretien. De ce fait, les femmes y accouchent à même le sol. Alors que le président de la République a «pris ses vacances», se prélassant à la station balnéaire espagnole de Marbella. Marbella, c’est un peu l’équivalent de Las Vegas, aux Etats-Unis. On y savoure pleinement, paraît-il, le sens du «mythe des trois valeurs vitales»:  santé, confort et plaisir. Moyennant, bien sûr, pièces sonnantes et trébuchantes… en or massif. Autrement dit, des centaines de milliers de dollars, quand on sait que le fils d’Etienne Tshisekedi, épicurien hors pair, se promène avec une cohorte d’amis officiels et officieux. Afin de donner plus de tonus à ses fêtes nocturnes.

Que dire, en clef de voûte, des parties du territoire congolais cédées pour une occupation militaire au Rwanda, au Burundi et à l’Ouganda… et même du droit d’exploitation d’une mine d’or concédé au Rwanda? Que dire…?

Du jamais vu, à travers tous les régimes politiques qui se sont succédé. Comment un «président peut faire ça?» Ce point d’interrogation a tout d’un questionnement philosophique, par rapport à cette chape de plomb qui continue de s’abattre sur le peuple, des décennies durant. La réponse est simple. La RD Congo, après la période caractérisée par l’inconscience et l’irresponsabilité, jusqu’à la direction de Kabila fils, est entrée sous l’autorité de Félix Tshisekedi dans la phase d’une «crise de la raison». Cette dernière est collective, puisque le peuple divisé, ne regarde plus à des leaders politiques, mais à des gourous tribaux. Réduite à une catégorie précise de la société, cette crise se met facilement en lumière. Il s’agit des mass-medias, et des journalistes à titre individuel, qui vont s’inféoder auprès des hommes politiques. Au point d’être serviles. Cela s’est passé en Côte d’Ivoire: le pays a basculé dans la violence. Au Rwanda, l’implication de la presse en politique sur la base ethnique, a conduit, en partie, au génocide des Tutsi.

Ne pensait-on pas que le tribalisme, combattu avec succès par Mobutu, était une notion déjà oubliée? Pourtant, quiconque observe objectivement aujourd’hui la société congolaise, ne peut manquer de conclure à sa renaissance. Or, il est dit que le tribalisme était l’opium des peuples africains. De son sein en sort souvent le phénomène des milices politiques. Celles-ci ont déjà pignon sur rue à Kinshasa et à Lubumbashi, deuxième ville du pays. Dans la capitale, elle a un nom: des «wewa», tshisekedistes endoctrinés à dominante kasaïenne, tribu du président. S’ils s’exhibent aujourd’hui pour la démonstration de force sur des motos, qui en sait sur leur évolution demain, s’ils ne porteront pas des armes, à l’instar des «tontons macoutes» haïtiens de mauvaise mémoires, sous Duvalier en Haïti? Enfin, l’influence des pasteurs sur les affaires de l’Etat. Pasteurs, qui, du reste, n’ont de pasteurs que le nom, parce qu’en réalité ce sont de vrais charlatans. En quête de l’argent. Certes, nul n’a le droit de juger un autre, mais tout le monde a le droit de crier haro sur les actes nuisibles pour la société. Surtout, quand il y a ras le bol.

Médecin, pasteur, prix Nobel

Mis bout à bout, ces quelques éléments ne constituent pas moins un tableau synoptique, permettant de qualifier le désordre congolais: chaos, désastre, crise de la pensée… La réalité est que le Navire-Congo tangue violemment avant le naufrage annoncé. Pour un œil qui tente de «passer de l’autre côté du miroir»,  c’est-à-dire au-delà des apparences, les violentes manifestations de la population ces jours-ci à l’est du pays contre la présence de troupes de la MONUSCO (ONU), sont un avis de tempête sous tout le ciel congolais. Où est le deus ex machina, en bouée de sauvetage, fantasmé dans les rêves et les déclarations d’espoir des Congolais? On en sait quelque chose sur cette rengaine: «Le Congo se relèvera un jour; un dirigeant, fort, surgira de l’ombre». Où est-il?

Aujourd’hui, à la veille d’élections générales fin 2023 (si elles ont lieu), les Congolais se perdent en conjectures, à l’idée de trouver cet «l’homme qu’il faut à la place qu’il faut». Un nouvel homme, politiquement vierge, éduqué, informé et patriote jusqu’au bout des ongles, pour la reconquête d’un pays en passe de disparaître. Un homme fort, non seulement portant le glaive de combat pour des victoires militaires assumées, s’il le faut, mais un homme de paix, habillé de vertu au dialogue et au compromis… toujours avantageux pour le peuple.

Partant de cette hypothèse, l’exercice est aisé. Il élimine, d’emblée, toute la classe politique en place. Tous, parce qu’ils constituent des vieilles outres, qui n’ont plus le mérite de contenir du nouveau vin, brassé pour la gaité du peuple. Ils sont nombreux des Congolais acceptés dans la société des savants, mais ils restent encore inconnus. A l’avantage de quelqu’un dont le nom est porté aux nues, à l’interne, et célèbre, à l’international. Il s’agit du Dr Denis Mukwege: médecin obstétricien, pasteur, fils de pasteur, et prix Nobel de la paix. Un CV qui a gagné ses lettres de noblesse! Jusque-là inégalé.

Dr Mukwege, on le connaît, tout comme on connaît ses ouvres. Il a un surnom: «l’homme qui répare les femmes», et il en a réparé des milliers. On connait son engagement pour l’instauration d’un tribunal pénal international, contre les crimes commis en RD Congo par le Rwanda, au risque de sa vie. On connaît sa pensée sur l’avenir du Congo, à travers son discours historique, le 10 décembre 2018 à 0slo, devant un parterre de personnalités du monde émerveillées. Tout un programme cohérent. On a la perception de sa personnalité, à travers ses nombreux ouvrages, dont «La force des femmes», dans lequel il démontre sa capacité à affronter les obstacles pour le bien de toute femme congolaise qu’il appelle, par respect, «maman».

Est-ce lui le deus ex machina? Un bruit de couloir a laissé entendre qu’il se proposait de poser sa candidature à la présidentielle de 2023. Est-ce lui le glaive de la victoire qu’attendent les Congolais?

Par Jean-Jules LEMA LANDU, journaliste congolais, réfugié en France