Accueil Editorial RD Congo: l’iceberg de Tshisekedi

RD Congo: l’iceberg de Tshisekedi

0
Le président congolais, Félix Tshisekedi (Ph. d'archives)

Les arbitrages présidentiels sont tombés, dimanche 6 novembre. Après une longue série de consultations tous azimuts. Cela étant, Félix Tshisekedi est-il parvenu à saisir l’indispensable fil d’Ariane pour sortir le pays du labyrinthe? Car, qu’on le veuille ou non, la crise est bien là et risque de prospérer dans la durée. En dépit ou à cause de la nouvelle posture du chef de l’Etat.

Quant à la forme, le désormais adversaire officiel de Joseph Kabila, ancien président, a su jouer, dans son adresse, avec les codes des genres littéraires. En somme, un beau discours, aux accents on ne peut plus patriotiques. Discours volontariste, à souhait. Style fleuri. Mais, air de déjà vu!

Pour le fond, il y a à redire. Dans ses grandes lignes, les délibérations de Tshisekedi ont respecté le schéma classique que l’on connaît, celui faisant la part belle à la langue de bois: énumération fastidieuse de tous les domaines structurant le développement, en général. C’est ainsi que plusieurs pages ont été consacrées à la «littérature» sur l’instabilité, la sécurité, la gouvernance démocratique, l’éducation…

On le lui concède. Tous les dirigeants du monde utilisent ce manège pour endormir les peuples: longs discours, creux. Passons. Et, intéressons-nous à la poutre maîtresse de son plaidoyer, à savoir la rupture programmée de la coalition entre sa plateforme, le CACH et celle du FCC, appartenant à son désormais rival, Kabila. «Elle ne m’a pas permis de mettre en œuvre mon programme et de répondre aux attentes des Congolais», a soutenu le président de la république.

Là, Tshisekedi n’a pas raté le coche. Il le ratait, on chanterait le requiem, sur le champ, pour son régime. Car, c’est sur ce point précis que l’attendaient tous les Congolais. Qu’est-ce qu’il en dit? Il ne va pas tout droit au but. Il se fait plutôt un tantinet diplomate: «La majorité actuelle s’étant effritée, une nouvelle majorité est nécessaire», fait-il comprendre. Soit, en termes crus: «La coalition CASH-FCC a volé en éclats».

Et, sans attendre que les observateurs extérieurs prennent parti pour en dire un mot, il se glorifie tout seul en qualifiant son discours de «tournant décisif dans la construction de la démocratie». Un point de vue qui n’engage que lui-même. Et, sans doute, ses partisans qui, dimanche soir, roulaient des mécaniques dans les rues de Kinshasa, la capitale.

La riposte de Kabila

On en est là, à la partie visible de l’iceberg. La partie cachée est celle qui comporte les mécanismes à travers lesquels le chef de l’Etat se propose de «former une nouvelle majorité». Il va s’armer d’instruments constitutionnels. Et promet pour ce faire de nommer un «informateur».

En termes homogènes, cela veut dire que la personne désignée pour cette tâche s’emploiera à faire venir dans le giron de son chef, des députés appartenant au groupement politique de Kabila. Il faudra au moins en «débaucher» plusieurs dizaines, en vue d’atteindre le but. Or, en l’état, cette hypothèse ne tient pas la route, étant donné que le camp de Kabila a procédé à resserrer ses rangs. A coups, paraît-il, des espèces sonnantes et trébuchantes. En un flux impressionnant!

On devine tout de suite à quel jeu vont se livrer les compétiteurs: la circulation des masses d’argent pour «acheter ou revendre» le député. Celui-ci devient de ce fait une marchandise, au vrai sens du mot. C’est la loi, dirait l’inconscient! Mais, n’oublions pas que la «loi n’est qu’une présomption de bonne foi». Elle n’a pas en elle toute la vérité. C’est que dans ce jeu, il y aura une part de malhonnêteté, de mensonge et d’hypocrisie.

Ce n’est pas tout. Toujours arc-bouté sur la Constitution, Tshisekedi promet, encore une fois, de dissoudre le Parlement, dans l’éventualité où la formule sur le débauchage échouait. Pour aboutir à quelle solution définitive, sinon au retour à des élections anticipées? Lesquelles, à court terme, ne pourraient se réaliser avant dix-huit mois?

La conclusion est pénible. Il est clair que la RD Congo n’est pas encore sortie du labyrinthe. La partie cachée de l’iceberg évoquée ci-dessus n’est rien d’autre que l’avenir proche fort incertain que nous réserve la démarche du chef l’Etat. La riposte de Kabila, parce qu’il y en aura une, est à verser dans cette partie cachée de l’iceberg. Connaissant la ruse et la rancune de ce dernier, l’histoire ne se passera jamais sans flammes.

Par Jean-Jules Lema Landu, journaliste congolais, réfugié en France