Accueil A la une RDC: le dernier meeting du Sphinx de Limete, comme une symphonie inachevée

RDC: le dernier meeting du Sphinx de Limete, comme une symphonie inachevée

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Etienne Tshisekedi a eu droit à des funérailles nationales selon les voeux de son fils de président de la république (Ph. rfi.fr)

Au troisième jour des obsèques nationales qui ont servi à l’élever au firmament des dignes fils de la République démocratique du Congo, Etienne Tshisekedi a été porté en terre, ce samedi 1er juin 2019, dans son pays. Homme de tous les combats politiques, le Sphinx de Limete aura tout de même le repos éternel difficile. Malgré la présence de plusieurs chefs de l’Etat, particulièrement ceux de la sous-région, ces funérailles n’ont pas respecté toute la mémoire du grand rassembleur que Etienne Tshisekedi incarnait de son vivant. Les poids lourds de l’opposition, pour des raisons diverses, ont brillé par leur absence en ce jour symbole dans l’histoire de la RDC qui inhumait plus qu’un opposant historique, mais un véritable soldat de la démocratie qui a donné du fil à retordre à bien de prédateurs de l’alternance démocratique. L’illustre défunt, 84 ans et dont la dépouille mortelle n’a pu être rapatriée à la maison qu’après deux longues années de palabres, n’a laissé aucun répit à ses adversaires du pouvoir, de Mobutu à Kabila fils, en passant par Kabila père. Icône de ce long combat pour le changement qui a permis aujourd’hui à son fils de s’installer dans un fauteuil présidentiel auquel lui-même n’a pas pu accéder avant de déposer les armes, des suites d’une embolie pulmonaire, Etienne Tshisekedi, pour son ultime voyage, méritait un accompagnement à l’unisson de tous les Congolais.

Des signes incontestables de la précognition inquiétante sont là, que l’héritage politique de l’un des derniers gardiens du temple sera lourd à porter, pour ne pas dire qu’il risque purement et simplement d’être vendangé. Pour ne prendre en compte que deux de ces mauvais présages, on peut remettre au goût du jour, le «deal» passé entre Félix Tshisekedi et Joseph Kabila pour la passation du pouvoir au détriment de Martin Fayulu de la coalition Lamuka. Une entente indécente dont les conséquences font planer sur la RDC des lendemains douloureux, le pouvoir n’ayant véritablement jamais changé de main, car toujours détenu par le clan Kabila qui laisse très peu de marge de manœuvre au président «élu», contraint de n’inaugurer en réalité que les chrysanthèmes. Etienne Tshisekedi aurait-il accepté ces compromissions? Rien n’est moins sûr, l’intraitable opposant ayant résisté à tous ces appâts et vaincu bien des pièges du genre de son vivant. De même, le président-fondateur, pas celui de la «très très démocratique république du Gondwana» de l’inénarrable Mamane, mais le père de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) vivrait très mal ces fissures, pour ne pas dire, cette déchirure au sein de l’opposition, le point d’orgue ayant été le boycott contraint, simulé ou voulu de ses «funérailles nationales» par des opposants qu’il a toujours travaillé à unir contre le pouvoir. A qui donc auront profité ces funérailles d’une solennité exceptionnelle pour un homme à l’humilité légendaire?

En principe au fils Tshisekedi qui a profité des derniers événements politiques comme le retour au bercail de l’opposant Moïse Katumbi, la nomination d’un Premier ministre, certes issu de la «kabilie», après plus de quatre mois de pouvoir, la visite du patron de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian en RDC, et l’inhumation en grande pompe de son père pour marquer un peu son territoire. Mais l’heure est loin de se prêter aux polémiques politiques, le temps étant plutôt au recueillement pour honorer la mémoire d’un grand homme. Adieu le Sphinx de Limete, toujours présent parmi les tiens en Afrique où «les morts ne sont pas morts».

Par Wakat Séra