Accueil A la une Rébellion en Côte d’Ivoire: 20 ans après que retenir?

Rébellion en Côte d’Ivoire: 20 ans après que retenir?

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La rébellion ivoirienne avait conduit à la partition de la Côte d'Ivoire en deux (Ph. d'archives)

Quel est l’état d’esprit d’ensemble des Ivoiriens, 20 ans après la rébellion de 2002? C’est la réflexion à laquelle s’est essayé, l’expert-consultant en communication et analyste politique, Nurudine Oyewolé.

Lors d’une discussion, un ami ressortissant d’un pays occidental me pose la question de savoir pourquoi les Ivoiriens, en général, fascinent par leur style de vie, fait d’ouverture, de joie de vivre et de solidarité. Je lui réponds qu’on le doit, sans doute, à notre histoire savamment pensée par les pères-fondateurs qui ont fait de la Côte d’Ivoire, un pays d’ouverture, d’hospitalité et de solidarité. Ce melting-pot, au fil du temps, a créé un art de vivre ivoirien, une civilisation «nzasa», qui fait la singularité de l’Ivoirien partout où il se rend en Afrique, voire dans le monde.

Pourtant, ce pays naguère paisible et prospère a connu sur le chemin de sa construction, deux ruptures politiques et sociales majeures. La première survient en avril 1990 avec l’avènement du multipartisme. La seconde intervient plus d’une décennie après, avec le début de la rébellion le 19 septembre 2002 et dont les conséquences vont atteindre leur paroxysme avec la crise post-électorale de 2010-2011. Vingt ans après le 19 septembre 2002, que retenir?

Premièrement, avec le recul, notre regard de la situation nous fonde à croire que le 19 septembre 2022 marque bien le refus des Ivoiriens de voir cet acquis politique, anthropologique et sociologique, que constitue l’art de vivre ivoirien cité précédemment, être remis en cause pour des ambitions individualistes et politiques. Entre nous, peut-on nier le mal-être que nous avons tous vécu de 1993 à 2011?  Oui, tout n’est pas parfait aujourd’hui. Mais il est heureux de constater que le style de vie à l’ivoirienne, reprend de plus en plus sa place avec toute l’embellie que l’on note.

Deuxièmement, le paysage politique ivoirien a nettement évolué et est en pleine recomposition. Après l’ère trentenaire glorieuse houphouétiste du PDCI-RDA, la décennie de règne de la gauche incarnée par le FPI, c’est aujourd’hui le RHDP, une recomposition houphouétiste qui domine l’échiquier politique ivoirien. Le PDCI-RDA n’est pas parvenu à revenir au pouvoir, pendant que la gauche continue sa fragmentation à l’infini. Concernant cette dernière, elle offre l’impression de n’être pas parvenue à se remettre de sa chute. Doit-on en être surpris, quand on sait qu’à aucun moment, elle n’a eu le courage de faire le bilan de son passage au pouvoir pour en assumer sa part de responsabilité. La faute de la perte du pouvoir étant constamment imputée à la puissance colonisatrice.  Une rengaine qui ne peut servir éternellement dans la réalité.

Troisièmement, tout comme l’avènement du multipartisme s’est accompagné de la naissance d’un courant artistique musical remarquable et revendicatif qu’est le Zouglou, le 19 septembre 2002 a, lui aussi, engendré une création artistique importante qu’est le Coupé Décalé. Un genre musical non revendicatif à l’opposé du Zouglou, mais plutôt festif et prônant la joie de vivre. Ce courant artistique adopté par l’ensemble de la jeunesse ivoirienne est bien la preuve la plus éloquente de ce refus bien assumé des populations d’abandonner l’art de vivre ivoirien.

Cette situation interpelle tous les acteurs politiques ivoiriens dans leurs choix idéologiques. Il faut qu’ils comprennent que l’esprit immanent des populations vivant en Côte d’Ivoire ne s’accommode pas de pensées ségrégationnistes. Seuls pourront les séduire, les discours promouvant le vivre-ensemble, l’ouverture, la joie de vivre et le bien-être. Faire le contraire serait faire fausse route.

Quatrièmement, 20 ans après le 19-septembre, il est heureux de constater que pour la majorité des Ivoiriens, dorénavant, seul doit compter, le combat du développement socio-économique. Un nouveau paradigme s’est imposé. Faire la politique, c’est parler de développement. Fini le temps des discours. L’heure est à l’homme politique qui est capable d’apporter le développement. Cette évolution des mentalités est un véritable gage de paix et de stabilité pour la Côte d’Ivoire. Tant mieux!  Car, ce pays doit demeurer la locomotive du développement socio-économique en Afrique de l’Ouest, voire en Afrique.

Nurudine OYEWOLE

Expert-consultant en communication, Analyste politique