Accueil A la une Referendum constitutionnel au Tchad: «OUI» mais…

Referendum constitutionnel au Tchad: «OUI» mais…

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Le général Mahamat Idriss Deby Itno (Ph. d'archives)

Une nouvelle constitution qui compte perpétuer l’Etat unitaire au Tchad. Unitaire mais fortement décentralisé, précise le pouvoir de transition comme pour tendre la main aux «fédéralistes» ou les diviser encore plus pour les affaiblir davantage. Car en face de la force tranquille qui porte le «OUI», les rangs se sont sérieusement clairsemés entre les radicaux du «NON» et les disciples du boycott du scrutin référendaire, qui, eux, sont persuadés que les dés de ce vote étaient pipés en amont, tout comme ses résultats seront biaisés en aval. Qui plus est, le camp des «pro-NON» a subi ce revers de taille auquel il s’attendait le moins, avec l’appel à voter «OUI» de l’opposant tchadien le plus en vue, Succès Masra, fraîchement rentré au bercail, après un an d’exil.

Il faut rappeler que le leader du parti «Les Transformateurs» avait cette épée de Damoclès qui pendait sur sa tête sous la forme d’un mandat d’arrêt, dont il a découvert l’existence alors qu’il a décrété son retour à la maison. Sans oublier qu’avec les poursuites de la justice de son pays contre sa personne, pour des griefs dont des propos «incitant à la haine et à la révolte» et une «tentative d’atteinte à l’ordre constitutionnel», le fougueux opposant n’a dû son retour à N’Djamena qu’à des négociations avec le régime de transition dirigé par le général Mahamat Idriss Deby. Une médiation menée par le président de la République Démocratique du Congo, Felix Tshisekedi, mandaté par la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale. Du coup, son revirement pour le «OUI» au referendum a vite été considéré comme un retour de service rendu au profit du pouvoir de la transition.

Malgré les moyens financiers et matériels dont il a disposé et le large ratissage qu’il a opéré au sein des partis politiques, des chefs traditionnels et de la société de façon générale, le camp du «OUI» qui espérait accomplir un raz-de-marée a perdu une bonne partie de son assurance, après la journée de vote de ce dimanche 17 décembre. Même si le pouvoir de la transition affirme le contraire, soutenant que la très faible affluence n’est pas une surprise car les villes, notamment les capitales, sont toujours frondeuses, il faut reconnaître que les premiers dépouillements des 22 726 bureaux de vote dans lesquels étaient convoqués 8,2 millions d’électeurs, annoncent un taux de participation faible. Loin des 80% escomptés par les maîtres militaires par intérim du Tchad! De ce fait, en toute logique, ce n’est pas demain la fin de la légendaire bagarre entre «unitaristes» et «fédéralistes».

La nouvelle constitution qui ramène l’âge minimum de 45 à 35 ans, non seulement ne sera pas la chose du plus grand nombre, mais elle ne parviendra pas à résorber le profond schisme qui mine le peuple tchadien. Le dialogue national n’y aura rien fait non plus. Du reste, pour les «pro-NON» ce nouveau texte de la loi fondamentale n’apporte rien de nouveau sous le chaud soleil sahélien du Tchad. Les fédéralistes en sont persuadés, comme le dialogue national, cette nouvelle constitution sert plutôt de moyen pour perpétuer la patrimonialisation du pouvoir par les Deby.

En tout cas, le referendum a été tenu et aucun suspense n’entourant la victoire du «OUI», c’est une nouvelle page qui se tourne dans l’histoire politique du Tchad émaillée de rébellions et de violences politiques. Il faut donc espérer, nonobstant les tares dont ses détracteurs l’accablent, que la nouvelle constitution contribue à accélérer la fin de la transition comme le pense Succès Masra. Ce dernier, si son parti arrive aux affaires, a d’ailleurs promis d’amender cette constitution.

En attendant, le «OUI» sortira en majorité des urnes, mais le ciel politique tchadien demeure chargé des nuages de la division socio-politique!

Par Wakat Séra