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Sénégal: plus jamais ça!

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L'horreur doit être combattue avec la dernière énergie. (Ph. liberation.fr)

13 jeunes civils tués dans une forêt de la Casamance. L’histoire pouvait et pourrait être un banal fait divers, tant les forêts sont réputées être des nids de bandits et criminels de toute sorte. Seulement, cette attaque lâche et meurtrière dont les mobiles et les auteurs demeurent encore inconnus a été perpétrée dans une région sénégalaise tristement célèbre du fait de la guerre qui a longtemps opposé les rebelles casamançais au pouvoir de Dakar. Excédés par ce qu’ils considèrent comme l’abandon total de leur zone par l’Etat, les habitants de la Casamance en sont arrivés à engager une rébellion animée d’une visée sécessionniste, à laquelle aucun des derniers chefs d’Etat qui se sont succédé n’a pu mettre fin. Malgré diverses phases de négociation entreprises sous la houlette de Abdou Diouf, Abdoulaye Wade ou Macky Sall, le Mouvement des forces démocratiques de la Casamance (MFDC), un parti politique devenu le fer de lance du combat indépendantiste mené essentiellement par l’ethnie diola, n’a jamais baissé les bras. Et cette rébellion vieille de plus de 35 ans est peut-être en train de reprendre vie, comme un volcan en sommeil. Sauf si la thèse de rivalités entre réseaux de coupeurs de bois clandestins se confirme.

Certes, à la l’étape actuelle, rien ne permet de mettre la mort des 13 jeunes civils au comptoir macabre des indépendantistes du MFDC, surtout que les irrédentistes casamançais nient toute implication dans cet acte où la barbarie le dispute à la méchanceté. Les responsables du Mouvement auraient même condamné l’acte sanglant. Mais y voir la griffe d’une faction du MFDC ne serait pas non plus faire preuve de myopie. La Casamance, région où le président gambien, Yahya Jammeh, chassé du pouvoir en janvier 2017, avait ses aises, n’ayant pas probablement digéré cet affront dont le scénario a été écrit à Dakar, avec Macky Sall dans le rôle de réalisateur.  L’homme, vu ses atomes crochus avec la rébellion, en était arrivé à être considéré par certains comme le parrain. Du reste, l’un des actuels leaders du MFDC, Salif Sadio, proche de l’ancien chef de l’Etat gambien, ne manque pas de souligner les difficultés qui freinent les négociations entre les rebelles casamançais et Dakar, depuis le départ de Jammeh qu’il considère comme un facilitateur dans le processus de dialogue engagé par la communauté Sant’Egidio pour mettre fin à la crise…sans fin. Du reste, pas moins de quatre factions composent aujourd’hui le MFDC, rendant du coup la tâche encore plus compliquée, vu qu’il faut trouver l’interlocuteur idéal. Pire, les quatre composantes du mouvement ne sont pas toujours sur la même longueur d’ondes, ce qui pourrait bien provoquer des sorties malheureuses comme celle de la forêt de Bayotte, qui a été fatale aux 13 jeunes que pleure le Sénégal. De toute évidence, Macky Sall et son armée qui déploient toute leur énergie pour retrouver les assaillants, semblent ne pas vouloir entendre parler d’une possible résurgence des velléités sécessionnistes du MFDC.

Les vieux démons de la rébellion ne sont-ils pas simplement sur le coup de se réveiller? En attendant de connaître les acteurs du meurtre des 13 jeunes civils dans la forêt casamançaise, il faut espérer que l’indépendance de la Casamance enclavée, exigée par la rébellion ne sera pas une fois de plus remise au goût du jour et plonger le Sénégal dans un nouveau cycle de violences qui pourrait constituer un terreau fertile pour le terrorisme dont le pays, parfois menacé mais jamais attaqué, a toujours été  à l’abri. Vivement qu’un modus vivendi soit trouvé et que l’accalmie se transforme en paix des braves pour faciliter le désenclavement et le développement équitable de toutes les régions du Sénégal, sans considération ethnique. Plus jamais ça!

Par Wakat Séra