Six personnes lynchées à mort, dont certaines brûlées vives. Le cauchemar a été vécu, le lundi dernier, par les habitants de Gasarara, sur une colline située à seulement une dizaine de kilomètres de la capitale Bujumbura! Le seul tort de ces «Jeanne d’Arc» du 21e siècle est d’avoir été accusée de sorcellerie, suite à une série de décès inexpliqués dans la localité. Sans preuve palpable, car tout ceci ne relève souvent, que de l’hystérie collective. Ainsi, des jeunes se sont érigés en justiciers, hors des prétoires, pour ôter la vie, à leur tour, et de la façon la plus cruelle, à leurs semblables. Ça se passe au Burundi cette fois-ci, mais c’est loin d’être une marque déposée de ce pays. Cette punition odieuse infligée, sans aucune forme de procès, c’est le cas de le dire, est un phénomène que vivent au quotidien, les populations africaines et d’ailleurs.
Que ça soit en ville où en milieu rural, ces personnes qui sont couramment désignés comme pratiquant de la sorcellerie, sont, des hommes ou femmes vivant seules, souvent des vieilles femmes qui ont pour dénominateur commun de n’avoir pas connue la joie de l’enfantement ou d’avoir été abandonnées, d’une manière ou d’une autre, par la famille. Des «mangeuses d’âmes»! C’est leur nom et ce n’est pas rare de les voir, lapidées, insultées, chassées du village ou du quartier, ou simplement mises à mort, parce qu’elles seraient responsables de tous les maux de la communauté. Ce sont toujours des pauvres, car une vielle ou un vieux d’une famille nantie n’a jamais, en tout cas très rarement, été ciblée par cette vengeance aveugle et horrible.
Pour fuir cette haine injustifiée à laquelle il leur est difficile, voire impossible d’échapper, parce que d’autres êtres humains comme eux en ont décidé ainsi, ces victimes de la société, sont contraintes de se réfugier dans des centres sociaux gérées par des ONGs qui leur fournissent gîte et couvert,Faso, grâce à la générosité de donateurs. Au Burkina ce sont des initiatives privées, et des structures comme le Lions Club International ou le Rotary International, qui interviennent, aux côtés de départements étatiques, pour offrir le minimum de mieux-être aux personnes démunies. Et c’est jour de joie quand les donateurs débarquent à la «Cour du 12», au «Centre Delwendé», au «Centre de solidarité de Paspanga», ou dans un de ces endroits où les «mangeuses d’âmes» peuvent encore espérer trouver de la vie. Les bras chargés de vivres, de vêtements ou encore d’un peu d’argent, les «bons Samaritains», parfois, en plus des dons matériels, passent la journée avec ces personnes bannies par les leurs!
La tâche devient, sans doute, de plus en plus difficile pour le ministère de l’Action sociale et de tous ces bienfaiteurs, qui, en plus des «mangeuses d’âmes» et des personnes accusées d’avoir fait disparaître mystérieusement des sexes, doivent, désormais, prendre en charge, des personnes déplacées internes du fait des attaques terroristes. Car, en plus de leur donner à manger et à boire, il faut leur réapprendre à vivre dans un environnement étranger, différent du quotidien en famille, entourés de parents, enfants et petits-enfants. C’est ainsi que, les femmes surtout, s’activent dans de petits potagers quand elles ne filent pas la laine. Elles fabriquent également des objets utilitaires ou des souvenirs qui sont revendus dans le petit marché du coin ou achetés par les visiteurs des centres.
Comme quoi, ces pratiques d’un autre âge ont la peau dure et continueront, au nom de croyances rétrogrades, de faire des victimes à la pelle, si l’autorité politique ne prend pas des mesures fortes pour punir ces justiciers qui décrètent, à leur guise, que telle personne ou telle autre, est «mangeur-ou-mangeuse d’âme».
Question: entre ceux qui tuent ouvertement et impunément, et ceux qui sont accusés de tuer par des pratiques occultes non prouvées, qui sont les véritables auteurs de sorcellerie, ce mal qui ronge encore la société?
Par Wakat Séra