Accueil A la une Tchad: au nom du père, du fils et de…Macron!

Tchad: au nom du père, du fils et de…Macron!

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Dernière parade pour le Maréchal Déby (Ph. illustration)

14 jours de deuil décrétés pour honorer la mémoire de Idriss Déby Itno dont les obsèques nationales seront bouclées, ce vendredi, par une inhumation dans l’intimité familiale. Le maréchal qui est tombé au front, selon la déclaration de l’armée qui a gardé le pouvoir, sécurité et défense de l’intégrité du territoire obligent, le mérite bien. Mais, si cette prise du pouvoir par les généraux, et donc de l’armée, peut paraître salvatrice pour un Tchad dans le viseur du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (Fact) et d’autres rebelles comme ceux du Commandement militaire pour le salut de la République, la pilule passe mal auprès de l’opposition et de la société civile qui dénoncent une confiscation du pouvoir.

Les Etats-Unis, dans le sillage des défenseurs acharnés de la constitution, demandent le respect de la loi fondamentale tchadienne qui, pourtant, est passée à la trappe des mesures imposées par les nouveaux maîtres «étoilés» de Ndjamena, en plus de la dissolution des institutions, dont l’Assemblée nationale. Le parlement dont le patron aurait refusé de prendre le pouvoir, comme établi par la constitution. Une décision pas du tout volontaire, mais plutôt imposée, selon les contempteurs des hommes en kaki. L’Honorable avait-il seulement le choix, lui qui a la rébellion comme épée de Damoclès suspendue sur sa tête et l’option inévitable d’être un pantin entre les mains des généraux?

Tout compte fait, le nœud tchadien est bien difficile à défaire, tout comme ce deuil presqu’impossible à respecter dans la sérénité et le recueillement, avec la montée au filet des opposants à la transition militaire et l’interpellation de la rébellion sur des risques sécuritaires, à l’endroit de la dizaine de chefs d’Etat et de gouvernement, dont le Français Emmanuel Macron, annoncés, pour ce vendredi dans la capitale tchadienne, aux obsèques de Idriss Déby Itno. La succession du père par le fils qui se dessine, doit sans doute constituer un véritable casse-tête chinois pour le sachem français, qui n’a pas intérêt à perdre le Tchad, alors qu’il veut ramener la Centrafrique dans son giron. De même, on ne cessera jamais de le dire, le Tchad constitue, jusqu’à présent, une bonne soupape de sécurité contre les terroristes et grands bandits. Si le mur tchadien cède, la Libye, déversera, à coup sûr, son trop plein de hors-la-loi, dans des pays du Sahel et du Golfe de Guinée aux prises avec l’hydre terroriste et les affidés de Boko Haram.

C’est certain, Paris marche sur des œufs, pour garder la main au Tchad où il doit, en même temps, chercher à redorer son blason de démocrate en chef. L’opération est d’autant plus délicate qu’il a été, pendant longtemps, reproché à la France de fermer les yeux sur les entorses aux droits de l’homme, notamment, les exactions de son allié encombrant sur ses opposants, embastillés ou contraints à l’exil. Le fantôme de l’universitaire et porte-parole de l’opposition, Ibni Oumar Mahamat Saleh, disparu, d’aucuns disent assassiné, en février 2008, hantent toujours les esprits au Tchad, et même en France, où ses camarades socialistes ne l’oublient pas.

En tout cas, comme ailleurs où les mêmes causes ont produit les mêmes effets, le long règne du maréchal Idriss Déby Itno, dû à l’absence d’alternance et d’alternative, enfonce le Tchad dans l’incertitude et amplifie les inquiétudes d’une population dont la frange jeune n’a connu qu’un dirigeant, qui a capitalisé, avant sa disparition tragique et brutale, 31 ans de pouvoir. Assoiffés de ce changement qu’ils ont longtemps attendu, les Tchadiens pourraient bien être rétifs à cette transition militaire qui installe Déby fils, à la place de feu Déby père. Le général Mahamat Idriss Déby Itno, qui reçoit de la charte de transition le plein des pouvoirs, aura tout de même besoin plus que de la baraka légendaire de son guerrier de père, qui a été rattrapé à plusieurs reprises, par la France, alors que sa chute semblait irréversible. La France pourra-t-elle sauver le fils, après avoir porté le père? Nouveau challenge pour Emmanuel Macron sur les bords du Lac Tchad! Pour l’instant, le pays est au garde à vous pour le dernier salut au maréchal.

Comme ses prédécesseurs maréchaux africains, le Zaïrois Mobutu Sese Seko, le Centrafricain Jean Bedel Bokassa, ou encore l’Ougandais Idi Amin Dada, Idriss Déby Itno, s’éclipse, laissant derrière lui, bien des soucis à son Tchad qu’il a défendu jusqu’au dernier souffle, l’Afrique qui a toujours compté sur lui pour casser du terroriste, et la France, qui en avait fait un partenaire de choix dans la lutte contre le jihadisme.

Par Wakat Séra