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Burkina: le diagnostic de la situation sécuritaire fait par «La Plateforme des Justes»

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«La Plateforme des Justes pour défendre ensemble le Faso» se présente comme un groupe de patriotes de tous horizons, préoccupés par la dégradation de la situation sécuritaire et qui ont décidé d’apporter leur contribution au rétablissement de l’intégrité du territoire et de la paix sociale. Dans ce manifeste ayant déjà dépassé le millier de signataires en quelques jours, ils portent une analyse sur la situation nationale, sous toutes ses facettes, en traçant les lignes de la République à défendre par chacun pour la survie de tous tout en proposant des solutions dont la mise en œuvre relève de la responsabilité des gouvernants, avec le soutien de l’ensemble des Burkinabè.

MANIFESTE DES JUSTES POUR « DEFENDRE ENSEMBLE LE FASO »

  1. Manifeste

Notre patrie, le Burkina Faso, est à un tournant décisif de son histoire. A la suite de deux coups d’État militaires en janvier et septembre 2022 qui ont affaibli l’État et fourni des ouvertures pour l’expansion de la violence des groupes armés, le pays est devenu l’épicentre du terrorisme au Sahel. Le Capitaine Ibrahim Traoré, qui a pris le pouvoir en septembre 2022 sur le prétexte que les administrations précédentes n’ont pas réussi à faire face aux avancées des groupes armés, n’a pas été non plus en mesure de modifier un tant soit peu les rapports de force sur le terrain. Pire, la situation sécuritaire s’est détériorée encore plus au regard du nombre croissant et de la violence des attaques terroristes, de la destruction des infrastructures publiques et des voies de communication, du grand nombre de victimes civiles, militaires et VDP, et enfin du nombre croissant des déplacés internes depuis un trimestre.

Aujourd’hui, plus de 40 % des 274 400 km2 du territoire Burkinabè échappent au contrôle de l’Etat. Les groupes armés circulent librement dans des pans entiers du pays, forçant les populations désemparées à se soumettre à leur vision rigoriste de la religion. Le rapt de plus d’une soixantaine de femmes dans la localité d’Arbinda en deux vagues successives, les enlèvements récurrents dans nombre de provinces et les fréquents ultimatums de déguerpir donnés aux populations en désarroi sont les preuves de cette omniprésence des groupes terroristes. La libération des femmes d’Arbinda dans les conditions non encore élucidées n’enlève rien à l’aisance avec laquelle les groupes terroristes se déplacent et agissent impunément en tout lieu du territoire national. La prégnance de ces groupes radicaux sur le terrain et leur avancée inexorable en direction de la capitale ont d’ailleurs été répétées à maintes reprises par le Chef de l’Etat lui-même au cours de ses rencontres d’échange avec des acteurs sociaux et politiques.

L’économie est de plus en plus touchée par l’activité des groupes armés. Les secteurs économiques traditionnels sont désorganisés. Les sociétés minières, principales sources de revenus du pays sont touchées et même ciblées par les attaques, faisant fuir les entreprises internationales, sans que le pouvoir de transition mette en place une stratégie cohérente de protection des secteurs vitaux. Malgré la nécessité et l’urgence d’utiliser pleinement et de façon responsable, les ressources limitées du pays pour lutter contre les groupes terroristes, la corruption reste endémique au sein de tous les secteurs sociaux, accentuée de surcroît par un processus d’accaparement et d’appropriation privative de biens et fonctions de l’Etat par des politiques ou des opérateurs économiques.

Sous l’effet de l’instabilité politique et des difficultés économiques, le banditisme s’est aggravé sur les routes et la criminalité violente est en hausse dans tout le pays, y compris dans la capitale. Sous le prétexte de la lutte contre le terrorisme, les groupes d’autodéfense et les supplétifs de l’armée opèrent souvent en toute impunité, en particulier dans les régions de l’Est, du Nord, du Sahel et de la Boucle du Mouhoun. Certains extorquent les biens des populations et d’autres s’érigent en punisseurs des criminels présumés au vu et au su de l’autorité, dérives qui peuvent avoir des conséquences lourdes sur le vivre-ensemble et la qualité des rapports entre les communautés.

Plus grave, la diabolisation d’une certaine communauté et les exécutions sommaires constatées à son encontre à mesure que la situation sécuritaire se dégrade, font courir le risque d’un génocide dont nul ne saurait présager la portée. Venant après de nombreux autres cas depuis le pogrome de Yirgou du 1 au 2 janvier 2019, les tueries de 28 personnes en plein centre de Nouna le 30 décembre passé, ciblant encore le groupe ethnique peul, en sont les manifestations probantes. Certes, le Gouvernement a fait ouvrir, comme après d’autres cas similaires, une enquête judiciaire pour élucider les faits ; mais il doit aller au-delà, pour réellement donner de façon égalitaire, force à la loi. Le contexte et les textes internationaux font obligation aux autorités, sous peine de poursuites, d’une meilleure prévention et d’une répression exemplaire de tels faits.

En outre, l’arrivée des militaires à la tête de l’Etat s’est accompagnée d’une remise en cause de certains fondements essentiels de l’Etat républicain, ce qui est de nature à hypothéquer les acquis démocratiques et sociaux de plusieurs décennies de lutte. Ainsi, les atteintes à la liberté de presse, d’opinion et de réunion se multiplient, de même que les phénomènes de décohésions dans l’armée, suscitant un urgent besoin de réconciliation. La suspension sans base légale des organisations politiques pourtant investies par la Constitution et la charte des partis de la mission d’éducation des populations est suivie de la promotion de nouvelles organisations informelles favorables au pouvoir. Celles-ci se caractérisent par la violence du discours et, pour beaucoup, par le glissement vers une option religieuse radicale et intolérante. Le pouvoir ne semble pas avoir pris la mesure de la montée de cet intégrisme urbain dont le discours est identique à celui des groupes terroristes qui remettent en cause les principes de l’Etat de droit et les fondements du Burkina Faso.

La justice, qui est normalement le régulateur de l’Etat de droit, ne semble pas non plus assez prompte à jouer son rôle au moment où la société Burkinabè a le plus besoin de sentir son autorité dissuasive. L’absence de réponse judiciaire aux atteintes répétées aux lois et règlements de la République, aux menaces de morts proférées par des personnes identifiées sont l’expression inquiétante de cette inaction. L’interpellation et le déferrement devant le Procureur pour suite à donner de l’un des responsables de ces menaces de mort le lundi 23 janvier est à saluer. Mais cette mesure doit être la règle, non l’exception. Or, ces dernières semaines, nous savons qu’il y a eu de multiples violences verbales de même niveau de gravité que ce qui a été poursuivi, sans que les responsables ne soient nullement inquiétés.

Et dans les projections de la transition, il n’y a aucune visibilité sur la refondation brandie depuis plus d’un an par le MPSR, ou sur les réformes envisagées. En outre, l’absence d’orientation claire sur le déroulement de la transition et le chronogramme des élections de retour à une vie constitutionnelle normale ne présage pas non plus d’une volonté réelle des militaires de quitter le pouvoir à l’échéance des 21 mois convenus avec la CEDEAO.  

Le principal changement de la transition se manifeste dans le discours de rupture avec certains partenaires classiques et la volonté de repenser les modèles de coopérations. Mais dans la situation actuelle du pays, la rupture intempestive de la coopération militaire avec la France et la négligence de la solidarité sous régionale, africaine et internationale manifestées récemment par les autorités de transition sont des choix populistes qui vont montrer rapidement leurs limites. Le Burkina Faso est membre de la communauté internationale et des Communautés d’intégration régionales et sous régionales. Les multiples actes bilatéraux et multilatéraux régulièrement ratifiés à l’échelle africaine et mondiale offrent des opportunités sur le plan sécuritaire que le Burkina Faso aurait pu mettre à contribution dans la lutte contre le terrorisme, ce qui n’est pas le cas.

De l’analyse générale qui précède et bien d’autres, l’on retient non pas une volonté réelle de gouverner par l’exemple du MPSR2, mais une tentative d’accaparement du pouvoir pour le long terme, alors que la transition devrait plutôt œuvrer pour le retour programmé du pays à l’Etat de droit normal. Les missions régaliennes de protection des populations et de préservation de l’intégrité du territoire ne semblent pas être la préoccupation première des autorités en place.

Mesurant la détérioration progressive de la situation nationale et au regard des actes d’intimidation contre tout adversaire supposé de la transition, nous devons sortir du silence coupable et sonner l’alarme sur les risques de dérapages qui peuvent mener le pays à l’impasse. Il n’y a de droit pour personne sans déférence à la constitution, sans défense des valeurs de la République, sans considération de leurs engagements par les gouvernants.

C’est pourquoi Nous, citoyens Burkinabè issus de tous horizons, partis politiques de toutes obédiences et OSC aux objectifs divers, mais ayant en commun notre attachement au Faso :

* Décidons d’unir nos forces et de mettre en place une plateforme de veille sur l’Etat de droit, d’alerte et de dénonciation des atteintes au corpus républicain, et d’interpellation de l’autorité gouvernante sur ses missions régaliennes et les obligations de gouvernance à sa charge, notamment l’union sacrée par la réconciliation, la refondation et la restauration de l’Etat et de nos valeurs morales et historiques.

* Entendons apporter notre contribution à la gestion et au règlement de la crise nationale par des propositions concrètes tenant compte des actes bilatéraux et multilatéraux auxquels le pays a souscrits, en intégrant d’autres puissances dans la quête de solution.

  1. Finalités de la plateforme

La plateforme a pour objectifs de défendre la Constitution. « Le Burkina Faso est un Etat démocratique, unitaire et laïc. Le Faso est la forme républicaine de l’Etat. ». Cet article 31 de la Constitution du 2 juin 1991 du Burkina Faso résume en cette formule les trois piliers de l’Etat burkinabè que nous défendons. La plateforme se donne aussi pour objectif la réconciliation à multiple facette pour ressourcer le vivre-ensemble par la restauration de la république dans ses fondamentaux.

De façon pratique, nous voulons notamment :

– la reconquête de l’entièreté du territoire national,

– la cessation de la désagrégation des fondements de l’Etat,

– une véritable Refondation qui évite le recours aux coups d’Etat comme mécanisme normal d’acquisition du pouvoir,

– la réconciliation nationale et la cohésion sociale,

– la prise de mesures d’urgence et de pouvoirs exceptionnels compte tenu de la situation de guerre pour aider à atteindre ces objectifs,

– l’arrêt de l’inféodation des fonctions de l’Etat par des forces politiques, économiques et sociales,

– la fin de l’intolérance communautaire et la restauration des principes républicains,

– l’application de réponses endogènes aux maux dont souffre le Burkina Faso.

III. Dénomination

En raison de sa finalité et de sa portée, la plateforme prend la dénomination PLATEFORME DES JUSTES POUR « DEFENDRE ENSEMBLE LE FASO ».

  1. Composantes de la plateforme

La plateforme se compose :

– de personnalités présentes à l’intérieur comme à l’extérieur du pays ;

– de partis et formations politiques régulièrement constitués ;

– de mouvements politiques et OSC agissant dans le respect et les limites de leurs missions définies par les textes en vigueur.

Les identités des initiateurs ressortent à la signature.

Après la constitution, les personnalités et organisations qui épousent les idéaux ci-dessus énoncés de la plateforme peuvent y adhérer. Les membres s’engagent à œuvrer de concert et dans le respect mutuel pour concrétiser les objectifs de la plateforme.

  1. Valeurs de la plateforme

Les valeurs de la plateforme sont la concorde communautaire, le droit à la différence, la cohésion sociale et la réconciliation nationale. Elle rejette toute forme d’extrémisme, de violence et d’exclusion. Elle fait sienne les vertus de dialogue et de consensus pour parvenir à la réalisation de ses objectifs.

Les membres initiateurs se réservent la possibilité d’une structuration formelle de la Plateforme des Justes en cas de besoin.

 

Ouagadougou, le 27 Janvier 2023

 

Représentants des Signataires

Traoré Amadoun

Ouédraogo Adèle

Dr François Kaboré

Mme Nabi Généviève née Kambou

Pr Windinga Victor Dieudonné

Bambara Martin

Yaméogo Noël

Poda Landry

Sow Ousmane

Mlle Sorgho Diane

Mme Barry Mariam

Baboué Badama