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Burkina: les avocats parlent de la responsabilité pénale des dirigeants politiques

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Le Syndicat des avocats du Burkina Faso (Synaf) a organisé une conférence publique portant sur le thème: «Mise en œuvre de la responsabilité pénale des dirigeants politiques», ce vendredi 12 mai 2023, à Ouagadougou.

Au Burkina Faso, la redevabilité des dirigeants politiques devant les juridictions pénales est considérée à tort ou à raison de devoir de rendre compte ou une chasse aux sorcières. Comment mettre en œuvre la responsabilité des dirigeants politiques ? C’est cette interrogation qui a amené le Syndicat des avocats du Burkina Faso (Synaf) a initié cette rencontre entre des personnalités politiques, des leaders des Organisation de la société civile (OSC), des étudiants, des praticiens du droit, entre autres, pour poser la problématique de la responsabilité des dirigeants politiques devant les juridictions pénales.

« Nous avons choisi ce thème depuis longtemps. Il s’agit d’exécuter notre programme d’activité qui a été adopté pour être exécuter entre 2021-2024. Donc, c’est en exécution de ce programme d’activité que cette conférence a été organisée », a expliqué Me Olivier Yelkouni, secrétaire général du Synaf qui a ajouté que dans leur programme d’activités, ils ont prévu d’organiser des activités scientifiques dont certaines sont des conférences et des panels qui portent sur des thèmes d’actualité en lien avec le droit.

Le professeur Sanwé Médard Kiénou

Il a affirmé que « la responsabilité des dirigeants politiques est un thème qui est d’actualité parce que de nos jours, de plus en plus, les juridictions burkinabè connaissent des affaires pénales dans lesquelles sont impliquées des dirigeants politiques », notant qu’« effectivement, il y a beaucoup de controverses quant à la compétence des juridictions et quant à la procédure appliquée également ».

Le professeur agrégé en droit public et enseignant à l’Unité de formation et de recherche (UFR) en Science juridique et politique (SJP), à l’université Nazi Boni à Bobo-Dioulasso, Sanwé Médard Kiénou, dans son exposé a décelé des faiblesses de cette problématique à travers la dernière décision du Conseil constitutionnel sur le fait que le Tribunal de Grande Instance (TGI Ouaga 1) pouvait juger l’ex-ministre des Transports, Vincent Dabilgou, avant de clarifier quelques concepts.

Pour lui, la responsabilité des dirigeants politiques peut être appréhendée sous plusieurs angles à savoir, la responsabilité civile, administrative, pénale ou internationale. « S’agissant des dirigeants politiques, la question de la responsabilité pénale se pose parallèlement à la question de la responsabilité politique et donc, il n’est pas toujours évident de faire la part des choses », a dit le conférencier au début de sa communication.

Selon le professeur Kiénou, la question de la responsabilité pénale s’est d’abord posée en lien avec la haute trahison. « La haute trahison, c’est vraiment la première infraction dans le cadre de ce qu’on peut appeler les démocraties libérales, qui visaient les dirigeants politiques », a-t-il signifié.

Visuel sur la conférence publique du Synaf

« C’est véritablement à partir de l’insurrection de 2014 que la question de la responsabilité pénale des dirigeants a commencé à se poser avec la mise en accusation du président Blaise Compaoré et des membres de son dernier gouvernement. Et depuis cela, on peut dire que les évènements se sont accélérés », a-t-il précisé, relevant qu il y a un certain nombre de questions qui n’avaient pas eu de réponse.

Mais avec la récente décision du Conseil constitution sur le fait que le Tribunal de Grande Instance (TGI) de Ouagadougou peut juger l’ex-ministre Vincent Dabilgou, « elle a permis de lever l’ambiguïté sur certains aspects qui se posaient sur la mise en œuvre de la responsabilité de nos dirigeants politiques, notamment la question de la répartition des compétences entre la Haute cour de justice et les autres juridictions ordinaires », a-t-il fait remarquer.

Dans ses clarifications, le professeur de droit public a indiqué qu’en ce qui concerne le chef de l’Etat, au Burkina Faso, seule la Haute cour de justice a compétence pour le juger et pour des infractions que sont « la haute trahison, l’attentat à la Constitution et détournement de deniers publics ».

Pour ce théoricien du droit, le plus difficile est de pouvoir établir à quel moment le dirigeant politique a commis le « crime » ou le « délit » reconnus par la Constitution. Il s’agit de savoir s’il était dans l’exercice de de sa fonction ou s’il a commis le crime ou le délit à l’occasion de l’exercice de sa fonction ou si c’est carrément à ses moments privés.

Donnant son point de vue personnel sur les juridictions spéciales décriées par une bonne frange de la population de nos jours, Pr Sanwé Médard Kiénou a estimé que ces instances « gardent toujours leur pertinence surtout pour des infractions de dirigeants politiques bien déterminées » car ces juridictions visent à « protéger la fonction présidentielle et les membres du gouvernement ».

Sa position est la même sur le Tribunal militaire qui n’est pas supprimé parce que l’armée est un corps spécifique et doit avoir une juridiction spécifique. Pourvu que les infractions jugées par cette Cour soient en lien avec « l’action militaire ».

Créé en 2008, le Synaf a pour devise : « Défendre et se défendre ».

Par Bernard BOUGOUM