Accueil A la une Affaire Qnet: neuf escrocs en prison, 22 Burkinabè rapatriés du Ghana

Affaire Qnet: neuf escrocs en prison, 22 Burkinabè rapatriés du Ghana

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La justice burkinabè a épinglé neuf individus pour des faits de traite des personnes, d’escroquerie, de séquestration, d’extorsion de fonds, le tout sur fond du commerce pyramidal en ligne couramment appelé Qnet ou le Network marketing, a annoncé le Procureur du Faso près le Tribunal de Grande Instance de Ouaga I, Blaise Bazié, ce mercredi 11 juin 2025, lors d’une conférence de presse. Les malfrats ont été placés sous mandat de dépôt depuis jeudi dernier et le dossier programmé à l’audience du 17 juin 2025 pour être jugé.

Le Procureur du Faso près le Tribunal de Grande Instance de Ouaga I et madame la Commissaire divisionnaire, permanente chargée du Bureau Central National Interpol-Ouagadougou, ont animé une conférence de presse, ce mercredi 11 juin 2025, à Ouagadougou, pour évoquer avec les journalistes, une affaire judiciaire portant sur l’interpellation de neuf individus de nationalité burkinabè sur 22 au total, rapatriés du Ghana.

« Le 20 mai 2025, mon Parquet a été informé par le Bureau Central National INTERPOL-Ouagadougou de ce que suite à une opération spéciale de lutte contre la traite des personnes organisée par le Bureau Central National Interpol Accra de concert avec l’unité en charge de la lutte contre la traite des personnes de la Police ghanéenne, 22 ressortissants burkinabè qui s’adonnaient à des activités de commerce pyramidal appelé QNET ont été interpellés », a déclaré le Procureur Blaise Bazié en guise de rappel des faits.

C’est ainsi que la justice burkinabè a instruit le BCN Interpol Ouagadougou d’ouvrir une enquête dès le retour des intéressés sur le territoire national pour comprendre les tenants et les aboutissants de l’activité qui se mène hors du territoire et qui suscite beaucoup de plaintes de la part des populations, afin de lui permettre de situer éventuellement les responsabilités.

Selon le Procureur Bazié, l’enquête ouverte a permis d’entendre sur procès-verbal les 22 ressortissants. « Les auditions de ces derniers ont permis d’identifier formellement neuf (9) présumés auteurs d’escroquerie à la QNET dont certains faisaient déjà l’objet de recherches par nos services judiciaires », a-t-il soutenu.

Il ressort également de l’enquête que les cerveaux de ce vaste réseau d’arnaqueurs appelés « leaders » se nommeraient « Ido Seydou (faisant l’objet d’un mandat de dépôt à la Maco pour les mêmes faits depuis le 26 mai 2025), Zoungrana Issouf, Deme Lassina, Combasre Abdoul Fatao et Guinko Hakim (faisant partie des 22 rapatriés), Berthe Siaka et un certain alias John Sénat du Business, sans autres précisions, toujours au Ghana », a-t-il poursuivi, déclarant que ces derniers sont cités comme étant des formateurs en stratégie et tenanciers des maisons où étaient séquestrées les victimes. « La formation que ces leaders dispensent, appelée « stratégie » n’est rien d’autre que l’enseignement de différentes manières d’appâter les victimes en jouant sur leurs centres d’intérêts », a-t-il regretté.

S’agissant du mode opératoire, il existe plusieurs options en fonction du centre d’intérêt de la victime. En effet, il faut retenir que ces présumés auteurs, de nationalité burkinabè, qui se sont retrouvés au Ghana, font croire à leurs parents, amis et camarades restés au pays, qu’ils résident en Europe (France, Allemagne, Portugal, Espagne). « Pour montrer qu’ils gagnent bien leur vie en Europe, ils envoient des photos qu’ils se font prendre dans des endroits luxueux du Ghana, à savoir les aéroports, les supermarchés, les grands restaurants, devant les grands immeubles et même dans des salles de gymnastique. Ils mettent ces photos sur leurs statuts Facebook et WhatsApp ou ils les envoient à leurs victimes déjà identifiées pour les appâter », a signifié le conférencier principal.

Le Procureur du Faso près le Tribunal de Grande Instance de Ouaga I, Blaise Bazié (micros)

Tout en maintenant une constante communication avec les victimes, les neuf présumés escrocs leur font croire qu’ils travaillent dans des grandes entreprises. « Si les victimes sont intéressées par ces offres d’emploi alléchantes, ils les réfèrent à des complices qu’ils font passer pour leurs amis, oncles ou cousins qui se trouvent au Ghana et par le biais desquels, ils sont parvenus en Europe », a-t-il fait savoir aux journalistes. « Ces derniers demandent aux victimes de leur envoyer via WhatsApp leurs documents d’identité, leurs extraits d’acte de naissance et celui d’un de leurs parents pour établir leurs passeports ou pour demander le visa pour l’Europe », a-t-il ajouté.

Ces malfaiteurs demandent aux victimes de leur envoyer via WhatsApp leurs documents d’identité, leurs extraits d’acte de naissance et celui d’un de leurs parents pour établir leurs passeports ou pour demander le visa pour l’Europe. Une fois ces documents envoyés, ils demandent aux victimes de leur verser « une partie des frais de passeport et de visa qui varient entre 1 000 000 et 2 000 000 de francs CFA. Pour maintenir la confiance entre les victimes et leur ami qui se dit être en Europe, les complices disent que le reste des dépenses seront assurées par ce dernier », a continué de déballer le Procureur du Faso.

« Une fois la somme envoyée, ils appellent au bout d’une ou de deux semaines les victimes pour les inviter à se présenter en urgence dans leur bureau au Ghana pour un entretien en vue de l’obtention du visa. C’est lorsque les victimes effectuent le déplacement qu’elles découvrent que leur frère, ami ou camarade qui se disait être en Europe est en réalité au Ghana », a-t-il déploré, ajoutant que « dès lors, ils entretiennent leurs victimes sur le Network Marketing qui n’est rien d’autre que l’activité Qnet qu’ils qualifient de business d’avenir qui peut changer leur vie ».

« Face au refus des victimes de s’adonner à cette activité, elles sont dépouillées de tous leurs biens, séquestrées avec d’autres victimes dans une maison de trois pièces et se voient confisqués tous leurs moyens de communication. Ils les obligent à suivre une formation de vente en ligne pyramidale pendant des heures interminables pour leur enseigner les techniques d’escroquerie en vue d’appâter de nouvelles victimes », a dit le Procureur Blaise Bazié qui a fermement condamné cet acte.

La deuxième option des bandits à col blanc consistait à faire croire aux victimes qu’ils « travaillent dans une entreprise au Ghana dont les salaires mensuels varient entre 500 000 et plus d’un million de francs CFA ». Pour ce faire, ils disent à leurs victimes de se tenir prêt pour un éventuel recrutement au sein de l’entreprise. « Quelques jours plus tard, ils envoient un communiqué de recrutement de l’entreprise tout en leur demandant de constituer leurs dossiers afin qu’ils leur aident à postuler. Une fois les dossiers soumis, ils attendent deux à trois semaines pour annoncer aux victimes qu’elles sont admises tout en leur disant d’apprêter une somme qui varie entre 800 000 et un million de francs CFA pour la location d’une maison et un bain linguistique », a-t-il développé leur mode opératoire.

« Lorsque la victime effectue le voyage au Ghana, elle est logée dans un hôtel le temps de lui soutirer l’argent ou lui faire envoyer l’argent par ses parents. Une fois le dépôt effectué sur leur compte orange money, ils prennent le soin d’expliquer à la victime qu’il s’agit en réalité de l’activité Qnet qu’ils souhaiteraient que la victime mène en faisant venir ses proches de la même manière qu’elle a été appâtée. N’ayant généralement pas le choix face aux pertes déjà subies et aux mauvaises conditions de vie qui sont désormais les leurs, le tout dans l’espoir de gagner leur vie, ces victimes s’adonnent aussi à ces pratiques », a enchaîné M. Bazié.

Les appâts sont diversifiés et se font en fonction des centres d’intérêt de la victime. « Pour les candidats à l’aventure sur l’Europe, ils utilisent le motif du Visa ; pour les footballeurs, ils vous promettent un recrutement dans une académie de football en Europe ou dans un club à l’étranger ayant besoin de nouveaux talents. Les chercheurs d’emploi quant à eux sont appâtés par des promesses d’emplois hautement rémunérés », a-t-il complété.

Le préjudice financier pour les 22 cas est estimé à « plus de 33 000 000 de francs CFA », selon les éléments d’enquête. Comme conséquence, les conférenciers ont évoqué « la déscolarisation, la perte d’emploi, l’appauvrissement des familles, car certains proches de victimes ont vendu des parcelles et divers biens familiaux ou ont même contracté des prêts et autres engagements pour financer le faux projet de leur enfant ou de leur frère ».

Les interlocuteurs du jour des hommes et femmes de médias ont rassuré que les investigations se poursuivent afin d’interpeller les autres personnes citées par les victimes comme étant les cerveaux du réseau. « Quant aux victimes au nombre de 13, elles sont prises en charge dans un centre d’accueil en attendant leur retour dans leurs familles respectives », ont-ils dit, saluant ces résultats qui témoignent de l’importance de la coopération sous régionale en matière de lutte contre la criminalité transfrontalière et attestent de l’engagement des services de sécurité du Ghana et du Burkina Faso à démanteler les réseaux criminels qui s’adonnent à cette forme d’escroquerie et de traite des personnes.

Le parquet recommande aux populations notamment aux jeunes diplômés d’observer la plus grande prudence et vigilance face aux multiples offres alléchantes même émanant de leurs proches que ce soit en termes d’emploi bien rémunéré, de visa pour poursuivre les études à l’étranger ou de recrutement dans un centre de football ou dans un club de football à l’étranger.

Par Bernard BOUGOUM