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Afrique: la guerre de l’eau sur le fleuve Nil

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Les voix s’élèvent de partout, comme une incantation, pour parler de la crise prochaine de l’eau. Ce n’est plus un bruit de fond, perçu dans le cadre global du déréglément climatique. C’est maintenant, presque une affaire à part, que les médias mettent en relief. Vu son caractère va-t-en-guerre. Plusieurs points du globe seront touchés. Y compris l’Afrique.

C’est le New York Times, un quotidien américain, qui en parle le premier, début août. Le journal s’est inspiré d’un rapport publié par World Resources Institute (WIR), basé à Washington, aux Etats-Unis. Cette organisation note «qu’à l’horizon 2030 un quart de la population mondiale connaîtra de graves pénuries d’eaux et des centaines de millions de personnes seront exposées à un ‘stress hydrique’ extrême.»

Depuis, l’information, devenue virale, a été relayée par plusieurs médias. Ouest-France l’a évoquée dans son édition du 8 août dernier.

En attendant cet avenir sombre qualifié de «jour zéro», c’est-à-dire le jour où plus une goutte ne coulera du robinet dans bon nombre de pays, l’Egypte, l’Ethiopie et le Soudan se regardent déjà en chiens de  faïence. La pomme de discorde: les eaux du Nil. Le mauvais côté de ce long fleuve mythique (6 650 kilomètres) est le fait qu’il traverse dix pays africains, à partir de ses sources à l’est jusqu’au «delta du Nil», en Egypte. Avant de se jeter dans la mer méditerranéenne.

En amont et en-deçà du Soudan du Sud, c’est un fleuve bien tranquille. Tel n’est pas le cas, en aval. Le partage de ses eaux suscite des vagues et crée une foire d’empoigne entre les trois pays déjà cités au-dessus. Il s’agit, pour chacun, d’un problème économique majeur lié à l’énergie hydroélectrique. Par ces temps marqués par le slogan «l’Afrique qui bouge», chacun des trois pays se prévaut du droit à «puiser» dans le Nil pour son développement.

Le Nil: une mère nourricière

Pour l’Egypte, le Nil est considéré comme une mère nourricière. Depuis l’Antiquité. Le phénomène de crue habituelle, chaque année, pendant la saison sèche (été), couvrant toute sa vallée de limon noir (sédiment fertilisant), explique cette conception. Mais, la construction du grand barrage d’Assouan (1960-1970) sur le fleuve et celle d’un lac artificiel-réservoir afférent (23 milliards de mètres cubes d’eau, au total), a posé le problème d’insuffisance d’eau. Depuis, dans le «delta du Nil», ce véritable grenier du pays, le blé ne pousse plus que chichement.

Or, l’Ethiopie, en amont, s’est mise aussi en devoir, depuis 2011, de construire son barrage. Baptisé «Barrage de la Renaissance », ce gigantesque ouvrage a vocation à devenir la plus grande centrale hydroélectrique d’Afrique. Avec une production de 6 000 mégawatts. La première fourniture d’électricité est prévue en 2022. Problème: son volume est évalué à 70 milliards de mètres cubes d’eau. L’Egypte, qui dépend de plus de 85 % en approvisionnement d’eau du Nil, craint de connaître une situation de désert. A l’affût, le Soudan attend son heure de revendication.

Pendant ce temps, les négociations sont en cours, en vue de rechercher une solution équitable entre les trois pays. Mais, celles-ci traînent en longueur. Quelle serait l’issue de ce problème, au cas où un compromis n’était pas possible? Les observateurs sont pessimistes, car  l’Ethiopie semble ne pas vouloir lâcher prise. Laissant ainsi résonner, sans nuances, les bruits de bottes.

Par Jean-Jules Lema Landu, journaliste congolais, réfugié en France