Accueil Opinion Afrique: une réalité géopolitique ou raciale ?

Afrique: une réalité géopolitique ou raciale ?

0

Ceci est une analyse de Moritié Camara sur la sortie du Président Tunisien sur les migrants subsahariens.

Les propos du Président Tunisien un dictateur toléré parce qu’ami de l’Occident  (qui a suspendu depuis juillet 2021 à bas frais en termes de condamnations et de critiques de la bien nommée communauté internationale, le Parlement, le Gouvernement, la Justice et toutes les libertés collectives et individuelles qui peuvent l’être pour s’arroger tous les pouvoirs et qui ne s’interdit de ce fait aucun tabou) a affirmé que l’immigration des jeunes africains relève d’une entreprise criminelle ourdie à l’orée de ce siècle pour changer la composition démographique de la Tunisie, afin qu’elle soit considérée comme un pays africain seulement non pas comme arabe et musulman.

L’Éric Zemmour qui met en garde la France contre ce qu’il appelle « le grand remplacement » a visiblement du monde dans sa classe pour suivre, croire et mettre en exécution ses enseignements. D’ailleurs il a été l’un des premiers à réagir aux propos de son élève Kaïs Saïed en estimant à son tour que : « Les pays du Maghreb eux-mêmes commencent à sonner l’alarme face au déferlement migratoire. Ici, c’est la Tunisie qui veut prendre des mesures urgentes pour protéger son peuple. Qu’attendons-nous pour lutter contre le Grand Remplacement ? »  A prononcer seulement ces propos, a dû lui procurer une jouissance jamais égalée. Rien que ça !

Les maîtres à penser du Dictateur Tunisien sont nombreux actuellement dans une Europe qui prétend se battre en Ukraine pour des valeurs qui pour une grande partie de sa classe politique, ne sont ni applicables ni valables pour tous les êtres humains, aurait ainsi répondu au son de tocsin de la madone italienne Giorgia Melonie en matière d’immigration qu’elle soit légale ou illégale. En effet, la situation que vivent actuellement les jeunes africains subsahariens (une précision fondamentale), en Tunisie n’est en rien liée à l’immigration clandestine. Loin s’en faut. Des étudiants qui ont été démarchés dans leurs pays en Afrique par des universités et grandes écoles tunisiennes et qui séjournent donc légalement dans ce pays vivent également un véritable enfer depuis que le vent du racisme qui souffle sur ce pays est alimenté et renforcé depuis le sommet de l’Etat.

Cependant en dehors des raisons de circonstance qui actionnent le dictateur Kaïs Saïed, (volonté de détourner l’attention de son peuple sur les effets de sa dictature, difficulté à obtenir un prêt de 1,9  milliards de dollars du FMI qui le dispose à exécuter toutes les danses du ventre pour avoir des soutiens dans cette optique. Etc..), se pose la problématique  plus globale et ancienne du sentiment de gêne que ressent une frange importante des populations de l’Afrique du Nord à être identifiées comme des africains. Lorsque ces personnes voyagent par exemple pour venir en Côte d’Ivoire, au Sénégal ou au Cameroun depuis leur pays respectif, elles disent : « Je vais en Afrique. ». Il n’y a ici aucune ruse ou un quelconque autre sentiment, que l’expression naturelle d’une réalité de non appartenance sur les plans culturel et racial au même microcosme que les habitants de ces pays qu’elles visitent. Lors de la récente coupe d’Afrique des Nations au Cameroun, une polémique liée à des propos tenus dans ce sens à fait les choux gras des journaux et des réseaux sociaux.

En effet, depuis l’époque de la traite arabe qui a permis de capturer ou d’acheter des millions de noirs sur une période beaucoup plus étendue que la traite atlantique pour les réduire en esclavage au Maghreb ou au Proche et Moyen-Orient, le désert du Sahara est vu comme un mur qui divise deux mondes. C’est à juste titre que l’expression, « subsaharien » désigne une réalité géopolitique qui est une variable imprescriptible et constante de toutes les analyses et statistiques concernant le continent Africain.

Les populations de l’Afrique du Nord ne se sentent pas africaines uniquement parce qu’elles renvoient cet adjectif qualificatif à une notion raciale et non géographique ou géopolitique. C’est un fait qui est su de tous mais que personne ne semble vouloir prendre en compte officiellement des deux cotés du mur que constitue le Sahara. C’est comme vivre avec un fou dans la maison. Tout le monde sait qu’il est fou mais personne n’en fait une préoccupation majeure de son quotidien qui se passe tranquillement avec et malgré cette réalité. Pourtant cette réalité conditionne beaucoup de choses dans la vie de tout le monde.

La question de l’Azawad par exemple au Mali relève avant tout de la conscience que les populations arabes à la peau claire ont de leur altérité vis-à-vis des populations noires qu’elles soient musulmanes ou pas. Au lendemain de la seconde guerre mondiale lorsque les évolutions laissaient entrevoir l’émancipation des colonies françaises, des dignitaires maures et arabes de cette région ont expressément approché les autorités françaises pour exprimer leur volonté de ne pas être décolonisés dans une même entité étatique que les populations noires du Soudan Français (Mali) avec lesquelles elles disaient n’avoir rien en commun. Elles demandaient que leur région soit rattachée à l’Algérie ou devienne autonome. Cette demande sera réitérée par courrier au Général Degaulle en 1958 qui va décider de l’ignorer. Les conséquences de la non-prise en compte de cette volonté font l’actualité présente du Mali. Lorsque les ferments identitaires sont des éléments de discrimination ou de reconnaissance, l’option de cacher la plaie avec du sparadrap n’est jamais la bonne.

Il est donc temps de mettre le pied dans le plat en ce qui concerne le regard que les deux Afriques blanche et noire, portent l’une sur l’autre et la sortie du dictateur tunisien semble avoir donné le signal à ce débat qui doit se tenir sans aprioris ni tabou afin que chacun se détermine. Il est évident que l’Afrique Blanche a toujours regardé du coté de l’Europe et du Proche et Moyen-Orient que de l’Afrique noire. Des leaders comme Gamal Nasser, Kwamé Nkrumah et Félix Houphouët-Boigny ont entrepris au lendemain des indépendances de construire un pont pour relier les deux cotés du Sahara avec plus ou moins de succès. Mais leurs successeurs surtout au coté septentrional du continent ont abandonné cet effort de longue haleine. Toute chose qui explique la mentalité développé envers l’Afrique noire par la jeune génération des pays du Maghreb.

Le débat doit être posé afin d’évaluer l’intérêt des dirigeants des deux cotés du mur du Sahara à promouvoir l’unité du continent. Le Président Mobutu du Zaïre avait dans les années 1970 eu le courage de poser le problème sans langue de bois, mais avait été incompris et vivement critiqué. Mais il est contre productif si tant est que l’objectif de tous est de travailler à l’unité de continent de retarder ce débat qui ne peut qu’être libérateur pour les uns et les autres. Les pays baltes et du flanc est de l’Europe qui ont appartenu plus de 80 ans à l’Empire soviétique se sont empressé de poser leurs bagages dans l’Union Européennes avec laquelle ils se trouvent plus de points en commun et de connivences qu’avec la Russie.

Le sentiment d’appartenance à une culture ne s’impose pas. Si l’Afrique est une notion raciale et non géographique et géopolitique pour une partie de sa population, il faut en tenir compte et construire les rapports des uns avec les autres sur ce fait ou au contraire essayer par la pédagogie de faire admettre à tous que c’est avant tout une réalité géopolitique avec laquelle il faut composer.

Moritié CAMARA

Professeur Titulaire d’Histoire des Relations Internationales