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Burkina: comment bien gérer notre eau

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Barrage de Moussodougou (Ph. Lefaso.net)

Ceci est une tribune de Mamadou Diallo qui fait un plaidoyer pour une Approche de Gestion en Bien Commun des Ressources en Eau au Burkina Faso.

Cette tribune est en lien avec la tenue, du 12 au 14 Octobre 2023, à Ouagadougou sous l’égide du Ministère de l’Environnement, de l’Eau et de l’Assainissement, des Etats Généraux de la Gestion des ressources en eau au Burkina; la modalité imaginée par notre pays est une gestion intégrée ressources en eau qui a été initiée depuis début 1990 à travers le Programme de valorisation des ressources en eau du Sud-Ouest (Programme RESO: 1993-1999) et le Programme de gestion intégrée des ressources en eau du Burkina Faso (Programme GIRE :1999-2004).

Bien plus, dans la situation tragique que vit notre pays, qui appelle, nous en convenons tous, une Refondation du vivre-ensemble et de l’Etat, cette modalité de gestion d’une composante essentielle des ressources naturelles fournit un modèle de refondation de la gouvernance et spécifiquement du Foncier. Sans nul doute, l’embrasement du milieu rural que nous vivons, tire in fine ses fondements dans la crise du pastoralisme qui n’est que la partie visible de l’iceberg de la crise à venir de la terre en milieu rural qui sera autrement plus destructrice encore. Tous nos grands projets, Bagré, Sourou, Samandéni et plus généralement nos projets hydro-agricoles, d’aménagement pastoraux, d’agro-business, et d’habitats urbain articulent une problématique foncière et d’aménagement des espaces ruraux qui alimente progressivement cette perspective dangereuse.

Ainsi, la crise du pastoralisme s’alimente des obstacles et menaces dans l’accès des exploitations familiales pastorales aux ressources agro-pastorales (espaces de pâture, eau pour le bétail, etc.). Elle est instrumentalisée par les groupes armés djihadistes d’obédience salafiste affilés à AQMI et l’Etat Islamique au Sahel (EIS) qui (attaque) le pays (…) depuis maintenant 8 ans.

Pour ma part, je suis d’avis qu’il est possible, sous le leadership des différentes autorités coutumières et traditionnelles villageoises, de rénover le droit foncier coutumier sous la modalité de la GESTION EN BIEN COMMUN DES RESSOURCES NATURELLES. Car dans son but et ses fondements, le droit foncier coutumier considère que la terre n’appartient pas à l’homme, mais que c’est l’homme qui appartient à la terre qui pourvoie à ses besoins ; d’où les rituels spécifiques et la puissance de leur symbolique dans tous nos villages ; d’où enfin le fait que dans toutes nos communautés villageoises, chacun a droit à une portion de la terre commune afin d’assurer sa subsistance dans sa quête de Vie Bonne.

Dans cette perspective je voudrais souligner avec force la situation inédite de notre pays qui a mis en chantier une innovation majeure dans le domaine de l’Eau, sans équivalent dans la sous-région et qui ouvre une perspective viable et crédible pour articuler une modalité de stratégie politique innovante pour la Refondation.

A cet égard, je voudrais présenter deux acquis majeurs de la gestion de l’eau dans notre pays qui doivent retenir particulièrement l’attention à savoir :

  • La Loi n°002-2001/AN du 08 février 2001 portant loi d’orientation relative à la gestion de l’eau (Loi sur l’Eau).
  • Les institutions innovantes principales de sa mise en œuvre : les Agences de l’Eau.

La Loi sur l’Eau et ses principes institutionnels, organisationnels et financiers pour l’approche de gestion de l’eau au Burkina Faso.

Aujourd’hui et pour l’essentiel, sur le plan politique comme sur le plan scientifique et technique, l’on s’accorde sur la nécessité de promouvoir une Gestion Intégrée des Ressources en Eau (GIRE). En effet, la caractéristique principale du processus GIRE c’est de passer d’une approche sectorielle (cloisonnée et en silo) de la gestion de l’eau à une approche patrimoniale (en bien commun) et décentralisée de la gestion des ressources en eau, qui associe développement économique et social à la protection des écosystèmes naturels et assure un équilibre entre les différents usages. Sa vocation principale étant de promouvoir le développement durable.

Le développement durable dans le domaine de l’eau questionne :

  • Les connaissances objectives des hommes sur les ressources en eau.
  • Les relations établies par les hommes entre eux dans leur quête de mieux-être.
  • Les relations établies entre eux et les ressources naturelles.
  • Les relations établies entre les générations actuelles et les générations futures.
  • Le degré d’intégration voire d’interdépendance des connaissances sur les ressources en eau avec les diverses relations ci-avant évoquées.

Ces questionnements renvoient d’une part, à des aspects scientifiques et techniques et d’autre part, à des aspects anthropologiques, politiques, institutionnels et de développement. La question se ramène en fin de compte à savoir : dans quelle mesure les aspects scientifiques et techniques dans le domaine de l’eau éclairent-ils l’action politique actuelle et future des hommes ? Dans quelle mesure l’action politique d’aujourd’hui permet-elle d’approfondir les connaissances sur les sociétés et les ressources en eau afin de soutenir de meilleures politiques de développement demain ?

Cette vision et sa concrétisation efficace sont portées dans notre pays par les principes actés par la Loi sur l’Eau.

Aux termes de l’Article 1 de la loi sur l’eau « …La gestion de l’eau a pour but, dans le respect de l’environnement et des priorités définies par la loi :

  • D’assurer l’alimentation en eau potable de la population ;
  • De satisfaire ou de concilier les exigences de l’agriculture, de l’élevage, de la pêche et de l’aquaculture, de l’extraction des substances minérales, de l’industrie, de la production d’énergie, des transports, du tourisme, des loisirs ainsi que de toutes autres activités humaines légalement exercées ;
  • De préserver et de restaurer la qualité des eaux ;
  • De protéger les écosystèmes aquatiques ;
  • De faire face aux nécessités de la santé, de la salubrité publique, de la sécurité civile et aux problèmes posés par les inondations et les sécheresses. »

Aussi aux termes de l’article 2 « la loi reconnaît à chacun le droit de disposer de l’eau correspondant à ses besoins et aux exigences élémentaires de sa vie et de sa dignité…)

Aux termes de l’article 5 de la loi « L’eau est un élément du patrimoine commun de la Nation. Elle fait partie du domaine public ».

Ces articles fixent l’essence et l’objet de la Loi sur l’Eau qui sont organisés au travers (i) d’une modalité spécifique d’administration du domaine public de l’eau (ii) d’un régime juridique de l’eau (iii) d’un régime juridique des services publics et des utilisations économiques dans le domaine de l‘eau (iv) de modalités spécifiques de financement des interventions.

Ainsi, la loi pose les fondements d’un nouveau cadre pour la gouvernance du domaine de l’eau à travers :

  1. La mise en place de nouvelles catégories administratives et de finances publiques :
  • Création de circonscriptions territoriales spécifiques à la gestion de l’eau qui sont dotées de structures de gestion inédites (articles 18,19 et 20) ;
  • Institution de contributions financières des usagers de l’eau qui sont à définir en fonction du coût des interventions publiques et privés nécessaires et utiles pour préserver ou restaurer la qualité de l’eau, pour répondre aux besoins et à la conservation des écosystèmes aquatiques (article 47 et 48).
  1. L’institution de la concertation et d’instruments de gestion de l’eau (SDAGE, SAGE, PPI)[1] comme modalités fondamentales en matière d’aménagement et de gestion de l’eau opposables tout particulièrement à l’Etat et aux collectivités territoriales (article 21).
  2. L’attribution à l’Etat et aux Collectivités Territoriales seuls, des prérogatives de maîtres d’ouvrage publics (Alimentation en eau potable et assainissement et Infrastructures Economiques Publiques en matière d’eau) : article 43
  3. La mise en place des bases légales d’une Police de l’eau et des milieux aquatiques (Chapitre III).

La dynamique stratégique après l’adoption de la Loi sur l’Eau, est donc d’imaginer des modalités institutionnelles et organisationnelles innovantes de gestion de l’eau dans cette perspective[2].

Ainsi, les Agences de l’eau (AE) mises en place à partir de 2007, en sont les institutions nouvelles et innovantes ; elles constituent sans aucun doute, le noyau dur et catalytique de la mise en œuvre concrète de la GIRE au Burkina Faso[3].

A cet égard les principales originalités des Agences de l’Eau au travers de leurs instances et organes doivent être soulignées :

Les Agences de l’Eau dans leur conception :

  • Sont des personnes morales de droit public constituées initialement en vertu des dispositions du décret n°2006-353/PRES/PM/MFB/ MEDEV/MATD portant Statut Général des Groupements d’Intérêt Public (GIP). Puis aujourd’hui du Décret n°2014-678/PRES/PM/MEF.
  • Appliquent dans la composition de leurs organes collégiaux une représentation paritaire entre trois collèges d’acteurs : l’Etat, les Collectivités territoriales, les Usagers
  • Ne peuvent être maître d’ouvrage de programmes d’investissement en matière d’eau

Les instances et organes de l’Agence de l’Eau chargées solidairement de la gouvernance, du pilotage et de la mise en œuvre des interventions dans le domaine de l’eau sont :

  • Le Comité de Bassin: C’est l’Assemblée Générale de l’Agence (tous les représentants des collèges) : c’est l’organe de décision du Bassin en matière d’aménagement et de gestion de l’eau.
  • Le Conseil d’Administration : C’est l’organe exécutif du Bassin (une partie des membres de l’AG et obligatoirement de chaque collège).
  • La Direction Générale : C’est le bras administratif et technique de l’Agence sous l’autorité du Conseil d’Administration de l’Agence.
  • Les Comités Locaux de l’Eau (CLE) construits sur le modèle de l’approche paritaire (État, CT et Usages) : Ce sont les maillons de base du Comité de bassin.

A cet égard, les collèges et leur mise en relation dans le cadre de l’Agence de l’Eau organisent la concertation, la coopération et la recherche de compromis viables dans l’intérêt des générations actuelles et futures en matière d’eau entre l’intérêt général (Etat), les intérêts collectifs publics locaux (Communes) et les intérêts de droit privé (Usagers y compris les maîtres d’ouvrage privés).

C’est une telle approche qui est aussi qualifiée d’approche de gestion en bien commun des ressources en eau au sens de ‘’COMMONS’’ concept opératoire développé en économie institutionnelle par Elinor Ostrom prix Nobel d’économie 2009[4]. En effet :

  • Ces instances et organes s’appuient au niveau local, sur les usagers, leurs organisations, et d’autres organisations existantes de la société civile et actives dans le domaine de l’eau
  • Ces instances et organes s’appuient sur les services de l’État compétents au niveau régional, départemental et communal
  • Elles organisent la synergie et l’articulation des services de l’État, organisent de manière nouvelle et innovante leur mise en relation avec les Collectivités territoriales et les différents usagers (principe d’une administration partagée du bien public/commun).

Ces institutions sont ainsi, dans la perspective d’une part, de dépasser de manière concrète l’approche sectorielle et d’autre part, de la construction de la durabilité institutionnelle, environnementale, sociale et financière des interventions dans le domaine de l’eau.

Des succès ont été obtenus dans cette perspective dont les plus significatifs sont notamment :

  • Création effective des 5 AE de l’eau dans les espaces de gestion de ressources en eau dédiées à l’action de chacune d’elles et couvrant tout le territoire national.
  • Mise en œuvre effective de la contribution financière en matière d’eau (CFE).
  • Développement progressif d’une capacité décentralisée d’autofinancement des interventions avec l’emploi des ressources de la CFE ; situation sans équivalent dans la sous-région.

En substance, les modalités de collecte et d’emploi de la CFE décrivent une Mutuelle des principaux maîtres d’ouvrage publics et privés des différents usages de l’eau dans chaque espace de gestion des ressources en eau qui sont assujettis au paiement de la CFE.

Ainsi, en l’état actuel des dispositions d’emploi, au moins 55% des ressources collectées doivent être alloués sous forme de subvention et/ou de prêt à des actions d’investissement des maîtres d’ouvrage publics et privés ; cela en considérant, les ressources disponibles, leur demande motivée et les priorités définies par les programmes pluriannuels d’intervention (PPI) adoptés par les Agences de l’eau en vertu de leur SDAGE respectif adopté par le gouvernement[5].

La Loi sur l’Eau opère ainsi une refonte du référentiel sectoriel de la gestion de l’eau et organise une gestion patrimoniale et décentralisée (territoire, avec sa structure de gestion dotée de moyens d’intervention techniques, réglementaires et financiers) de l’eau : elle ouvre ainsi un vaste et complexe chantier d’innovation dans le domaine de l’eau.

Bien naturellement un tel chantier dans un pays de tradition jacobine française rencontre des obstacles conséquents au nombre desquels il faut retenir en rapport avec la préparation et mise en œuvre des Programmes Pluriannuels d’Intervention qui doivent être cœur de l’action des Agences de l’Eau :

  • L’absence d’un schéma formalisé d’intervention qui est source de déviation de la nature et des missions de l’Agence de l’eau.
  • Une vie et fonctionnement des Comités de Bassin (CB) encore peu adaptés à leur responsabilité en tant qu’instance décisionnelle de l’Agence de l’Eau et à leur ancrage institutionnel, politique et social dans les espaces de gestion des ressources en eau.
  • La dépendance extrême pour la mise en œuvre des interventions des ressources extérieures (Bailleurs de fonds, ONG, Expertise) qui induisent bien souvent ‘’des approches projets’’ voire mimétique, dont la viabilité s’avère en général problématique.

Les Agence de l’Eau et le schéma général d’intervention défini par la Loi sur L’Eau.

La loi n°002-2001/AN du 08 février 2001 portant loi d’orientation relative à la gestion de l’eau au Burkina dispose que chacun des Espaces de gestion des ressources en eau défini par décret en conseil des ministres doit être doté d’un Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion de l’Eau (article 18 et article 21 alinéa 1).

La Loi sur l’Eau dispose aussi que le Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion de l’Eau (SDAGE) est de la compétence de l’Etat ; elle précise à son article 21 dernier alinéa « Les programmes et les décisions administratives prises dans le domaine de l’eau doivent être compatibles ou rendues compatibles avec les dispositions du Schéma ».

C’est sous l’encadrement juridique de ces dispositions que les Conventions constitutives en vigueur des Agences de l’Eau, disposent qu’elles ont pour mission de traduire à travers des Programmes Pluriannuels d’Intervention (PPI) la mise en œuvre du SDAGE. Elles donnent ainsi compétence au Comité de Bassin, organe dirigeant pour (i) l’approbation du Programme Pluriannuel d’Intervention (PPI) et pour (ii) l’examen et l’approbation à mi-parcours de la réalisation du PPI.

Elles disposent que l’Agence de l’Eau « dans la réalisation de ses missions ne peut être maitre d’ouvrage » et/ou précise l’emploi des ressources de ses ressources comme suit :

« Les ressources de l’Agence de l’Eau sont employées conformément aux dispositions réglementaires en vigueur pour : 

  • Les subventions et/ou prêts aux maîtres d’ouvrages publics ou privés pour le financement des activités d’intérêt commun, notamment : suivi-évaluation des ressources en eau, études, recherches, réalisation d’ouvrages
  • La contribution aux dépenses de fonctionnement des structures chargées de l’eau·
  • Les dépenses de fonctionnement et d’équipement de l’Agence de l’Eau
  • La participation au fonds de solidarité inter agences prévu dans le cadre de la Contribution Financière en matière d’Eau (CFE)».

Ces dispositions sont précisées par l’arrêté conjoint N°2015-064 MEF/MARHASA portant emploi des ressources de la Contribution financière en matière d’eau (CFE).

Les conventions constitutives mettent à la charge du Conseil d’Administration, la proposition des PPI à l’adoption du Comité de Bassin ainsi que l’exécution de ses délibérations. Pour ce faire, le Conseil d’Administration s’appuie sur la Direction générale de l’Agence de l’Eau pour piloter et coordonner l’ensemble du processus grâce à la mise en place de commissions permanentes dédiées à (i) la programmation des interventions et (ii) au financement des interventions.

Le Programme Pluriannuel d’Intervention (PPI) est ainsi un outil de programmation du seul ressort et de la seule compétence propre de l’Agence de l’Eau. C’est la préparation, mise en œuvre et suivi des Programme Pluriannuels d’Intervention qui doivent rythmer l’organisation de la vie et du fonctionnement de l’Agence de l’Eau. En un certain sens, sans PPI pas de CFE.

Les particularités de le Contribution Financière en matière d’eau (CFE) au terme de la Loi sur l’eau doivent ainsi être soulignées :

Au terme de l’article 47 : « L’utilisation de l’eau exige de chacun qu’il participe à l’effort de la Nation pour en assurer la gestion.

Ceux qui, par leur activité, rendent nécessaires ou utiles des interventions publiques ou privées en vue de préserver ou de restaurer la qualité de l’eau, de répondre aux besoins correspondant aux utilisations qui en sont faites ou d’assurer la conservation des écosystèmes aquatiques, supportent la charge de ces interventions ou contribuent à leur financement »

Une particularité essentielle de la contribution financière en matière d’Eau (CFE) est donc in fine : sans programme d’interventions publiques et privées rendues nécessaires et utiles en relation avec des actions de restauration, de protection, mobilisation et d’utilisation des eaux, pas de contributions financières destinées à en couvrir en tout ou partie le coût.

Une autre particularité de la contribution financière, c’est donc qu’il n’y a pas perception de contribution financière sans affectation à des interventions publiques et privées précises destinées à préserver ou restaurer la qualité de l’eau, à répondre aux besoins correspondant aux utilisations qui en sont faites ou à assurer la conservation des écosystèmes aquatiques.

Aussi, le législateur indique les modalités générales selon lesquelles la contribution financière de chacun à l’effort de la Nation à la gestion de l’eau doit être déterminée : elle est proportionnée à l’importance de la pollution ou de la dégradation (article 48) ; elle est proportionnée au volume d’eau prélevé, consommé ou mobilisé (article 49).

Sur cette base fondatrice, la Loi n°058-2009/AN portant institution d’une taxe parafiscale dans le domaine de l’eau, dispose qu’il s’agit d’une taxe parafiscale au profit des Agences de l’eau et a défini trois types de taxes relatives (i) au prélèvement d’eau brute (ii) à la modification du régime de l’eau (iii) à la pollution.

L’ensemble de ces dispositions permettent de définir un schéma d’intervention efficace.

Ce faisant les Agences de l’Eau sont les acteurs innovants et catalytiques d’une refondation de la gouvernance de l’eau engagées dans la concrétisation :

  • D’une gestion patrimoniale et décentralisée de l’eau
  • D’une intégration des fonctions de planification, de financement et de gestion de l’eau
  • D’une certaine mutualisation des moyens des acteurs de l’eau face aux besoins les plus cruciaux.

Les principaux obstacles à franchir dans la dynamique d’innovation de la gestion de l’eau.

Ils sont principalement au nombre de Trois (3).

Persistance des obstacles à l’autonomie des AE ; ils sont réels : ils sont liés à une faible appropriation de l’originalité institutionnelle, organisationnelle et juridique des Agences de l’Eau; ce qui se traduit par leur assimilation à de simples structure administratives peu ou décentralisées, par un exercice non conforme de la tutelle technique notamment ; ils sont aussi liés à la mauvaise gouvernance administrative et financière persistante dans l’action publique; ce qui s’est traduit par une interférence significative de l’Administration centrale dans l’emploi de la CFE  non conforme à la nature de l’Agence de l’Eau et à son schéma global d’intervention et spécifiquement l’article 7 de l’arrêté conjoint N°2015-064 MEF/MARHASA portant emploi des ressources de la Contribution financière en matière d’eau (CFE).

L’absence d’un schéma d’intervention efficace. L’expérience des premiers programmes pluriannuels d’intervention (PPI) montre une faible internalisation de leur préparation et mise en œuvre par les différents maîtres d’ouvrage publics et privés et finalement leur faible pertinence et efficacité, du fait que les Directions générales des Agences de l’Eau y ont pris une place non conforme à leur rôle et mission tels que définis par leurs conventions constitutives.

Persistance de l’approche projet : C’est la principale modalité d’intervention de l’Etat, principal maître d’ouvrage des interventions et sous l’impulsion des PTF ; l’expérience des premiers PPI souligne ainsi les contraintes et souvent les dérives notamment dans l’exercice de la fonction de maitrise d’ouvrage et la faible durabilité des investissements. Elles sont réelles et prégnantes car en général l’identification, la formulation et la mise en œuvre des projets et programmes sont faiblement alignés avec les SDAGE, la déconcentration et la décentralisation. Ces contraintes et dérives sont accentuées par les résistances tenaces en matière de transfert des compétences et des ressources aux Collectivités territoriales et en matière de déconcentration administrative et de la gestion des finances publiques.

Ces obstacles soulignent des points d’attention à prendre en charge.

Trouver une solution de continuité à la situation actuelle des organes des Agences de l’Eau.

Les coups d’Etat depuis janvier 2022 qui ont mis un coup d’arrêt aux conseils des collectivités territoriales jointe à la mobilité régulière des personnels des services techniques déconcentrés dans les différents espaces de compétence des AE, ont mis les Comités de Bassin et Conseils d’Administration dans une situation juridique inconfortable pour leur délibération. Des réflexions approfondies devraient être engagées sous l’égide de juristes avisés afin de trouver une solution transitoire à la situation et pour initier des réformes en matière de processus conventionnel du GIP et de représentation des parties. A cette occasion une réflexion relative à un collège des communautés villageoises et à un collège des secteurs professionnels devrait être engagée.

Placer les maîtres d’ouvrages publics et privés des interventions dans le domaine de l’eau au cœur du processus de préparation et mise en œuvre des Programmes Pluriannuels d’Intervention.

C’est là, la principale disposition pour recentrer les Directions générales des Agences de l’Eau dans leur fonction administrative et technique non politique (choix, décisions et financement) ; fonction politique qui elle, est dévolue aux acteurs à travers les Comités de Bassin, les Conseils d’Administration, la prérogative de maîtrise d’ouvrage, la mobilisation et l’emploi des ressources notamment la Contribution Financière en matière d’Eau (CFE).

Une tâche urgente à cet égard est la définition d’un Schéma d’intervention efficace conforme à la loi sur l’eau.

Mettre en œuvre le principe du Gouverneur coordonnateur de Bassin.

Spécifiquement, la question du Gouverneur coordonnateur de Bassin devra être formalisée au niveau de l’Etat afin de renforcer la déconcentration et la coordination de l’action publique dans les espaces de compétences des Agences de l’Eau qui sont des circonscriptions spécifiques à la gestion des ressources selon les termes de la Loi sur l’Eau.

La construction d’une telle fonction devra faire l’objet d’une attention particulière.

Améliorer le cadre organique de la Direction générale de l’Agence de l’eau.

Le repositionnement des Agences de l’Eau comme actrices majeures du domaine de l’Eau, devra sans doute se traduire par une refonte de son cadre organique actuel en termes d’organisation de la Direction Générale, de ressources humaines qualifiés, de gestion par la performance et de cadre contractuel et de rémunération du personnel. Les fonctions de conception stratégique et technique, d’animation, de financement devront particulièrement être des points d’appui essentiels dans une telle refonte.

Dans cette perspective, les procédures de recrutement du personnel notamment du Top management devrait être du ressort des Conseils d’Administration et sur des bases compétitives et transparentes.

Améliorer l’approche de gestion du Domaine Public de l’Eau.

Malgré l’adoption et la mise en œuvre de la Loi sur L’Eau, l’approche de gestion du domaine public de l’eau est demeurée sectorielle, cloisonnée et peu performante en terme de durabilité.

L’approche d’administration qui s’appuie pour l’essentiel sur les services de l’Etat et qui a montré ses limites peut à présent être rénovée par une approche d’administration partagée du domaine public de l’eau défini par la Loi comme un patrimoine commun de la Nation. Les Agences de l’eau fournissent sans nul doute un cadre pour :

  • Organiser de manière innovante et efficace l’administration du Domaine public de l’eau.
  • Organiser l’ancrage de la fonction d’opération et maintenance et sécurité des infrastructures et aménagements dans le cadre structurant de la GIRE au Burkina Faso.
  • Organiser de manière innovante et efficace le recouvrement des coûts d’opération, d’entretien et de sécurité des infrastructures et aménagements.

La mise en œuvre de tels objectifs devrait focaliser les indicateurs d’effet ci-après :

  • Des modalités de gestion paritaire des services publics d’alimentation en eau potable et d’assainissement sont définies, actées et opérationnalisées.
  • Des modalités de gestion paritaire du Domaine public des Aménagements Hydrauliques Productifs (AHP) sont définies, actées et opérationnalisées.
  • Des modalités d’administration paritaire de la production et de la diffusion de l’information et des connaissances sur l’eau sont définies, actées et opérationnalisées.

Des progrès significatifs dans ces domaines au cours des 5 à 10 prochaines années, devraient nous permettre de dépasser le constat largement partagé par l’État et les autres parties prenantes, de la dégradation soutenue et continue du capital immobilisé, des services et productions liés à l’eau ainsi que des capacités en matière de suivi et de connaissance des ressources en eau et des milieux.

C’est dire tout l’espoir que je fonde que les Etats Généraux de la gestion des Ressources en eau, de manière courageuse et soutenue ne s’abandonnent pas à du déjà vu et entendu afin d’ouvrir des perspectives concrètes d’une action efficace sur le chantier des innovations indiquées par la Loi sur L’Eau au Burkina Faso.

DIALLO Mamadou

adidiam@yahoo.fr

74 50 18 49

[1] SDAGE : Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion de l’Eau ; SAGE : Schéma d’Aménagement et de Gestion de l’Eau ; PPI : Programme Pluriannuel d’Intervention.

[2] On peut dire que la loi sur l’eau à consacré ainsi la mise en place d’une catégorie d’Établissements Publics Locaux spécifiques dont le statut juridique doit être adapté à leurs missions en considérant le principe de la gestion de l’eau par Bassin Hydrographique (Voir Chapitre II : articles 18 à 23 et spécifiquement l’article 20 de la loi sur l’eau).

[3] Il s’agit de l’approche actuelle de mise en place d’Établissement Public local ; on remarquera ainsi que les AE ne sont pas partie prenante aux sessions des Assemblées Générales des Établissements Publics de l’État, des Société d’État et d’Économie Mixte.

[4] Governing the Commons. The Evolution of Institutions for Collective Action-Cambridge University Press, 1990 : Traduction française sous le titre de « Gouvernance des biens communs. Pour une nouvelle approche des ressources naturelles ». De Boeck 2010.

[5] En ce qui concerne les autres  actions éligibles les clés de répartition des emplois de la CFE sont : (i) Fonctionnement et équipement de l’Agence : 10 à 30%;(ii) Appui aux activités de gestion des ressources en eau : 5 à 10%;(iii) Participation à la solidarité inter-agence : 1 à 5%.