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Burkina/Foncier: les promoteurs immobiliers pour une «réforme juste et équilibrée»

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Une vue du présidium

Des organisations burkinabè de promotions immobilières et le syndicat du secteur, ont animé conjointement ce mardi 13 juillet 2021 une conférence de presse à Ouagadougou pour dénoncer un avant-projet de loi qu’elles qualifient de « suicidaire » pour leur corps de métier. Ces conférenciers qui ont exprimé leurs « vives inquiétudes » quant à la réforme de la loi 057-2008 portant promotion immobilière au Burkina Faso entrepris par leur ministère de tutelle, disent militer pour une «réforme juste et équilibrée».

Le problème du foncier qualifié de bombe à retardement au Burkina Faso. Alors qu’il était candidat pour la présidentielle du 22 novembre 2020, le chef de l’Etat, Roch Marc Christian Kaboré, à l’entame de son deuxième mandat, a affiché sa volonté de faire bouger les lignes en ce qui concerne la question du logement et de l’habitat en annonçant de grandes réformes en matière foncière et immobilière avec pour ambition d’améliorer la gouvernance foncière au Burkina Faso.  C’est dans cette dynamique que le ministère de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Ville (MUHV) s’est fixé pour objectifs la relecture globale d’un certain nombre de textes et lois.

Ainsi, depuis la nomination de Me Bénéwendé Stanislas Sankara à la tête du MUHV, cette volonté du président est en train d’être mise en œuvre, en témoigne la mise en œuvre d’un avant-projet de loi qui a regroupé les acteurs du domaine autour d’un atelier du 31 mai au 5 juin 2021 dans le sens d’amorcer un nouveau tournant pour la question foncière. Si fait qu’après l’exposé de la première monture de l’avant-projet de loi, les promoteurs immobiliers, aux regards des motifs qui sous-tendent la réforme, multiplient les sorties médiatiques pour prendre l’opinion nationale et internationale à témoin de la nouvelle direction que veut prendre le MUHV.

Des promoteurs immobiliers gonflés à bloc contre un avant-projet de loi sur le foncier

Ce mardi, les responsables de l’Union nationale des promoteurs immobiliers du Burkina (UNAPIB), l’Association des promoteurs du Burkina (APIB), l’Association des promoteurs immobiliers et fonciers de Bobo-Dioulasso (APRIFO) et le Syndicat des promoteurs immobiliers du Burkina (SYNAPIB), ont dénoncé l’avant-projet de loi qui serait «totalement» à leur désavantage à tous égards. Pour les conférenciers, lors des échanges avec les experts du MUHV, ils ont relevé des «griefs suffisamment graves» constituant leurs «préoccupations majeures» qui «n’ont pas été prises en compte » dans la dernière mouture de l’avant-projet de loi qui sera présenté à l’atelier de relecture prévue le 15 juillet prochain.

La relecture du MUHV prend en compte un certain nombre de textes et de lois. Il s’agit, entre autres, «du Code de l’urbanisme et de la construction, de la loi 057-2008 portant promotion immobilière au Burkina Faso, du décret portant condition d’octroi d’agrément pour l’exercice de l’activité de promotion immobilière et/ou foncière et de l’arrêté portant validation des projets immobiliers».

Le porte-parole des promoteurs immobiliers, Roger Nikièma

Mais contrairement à cette idée de relecture globale annoncée, les promoteurs immobiliers ont constaté «malheureusement que l’étau s’est resserré sur la loi 057-2008 portant promotion immobilière au Burkina Faso, qui du reste faut-il le rappeler constitue une législation spéciale en matière d’urbanisme dont le Code de l’urbanisme et de la construction constitue le texte fondateur », a affirmé leur porte-parole, Roger Nikièma, par ailleurs président de l’APIB. Pour M. Nikièma, l’Administration devait se donner le temps de procéder à la révision conjointe des deux textes de lois et de faire dans la précipitation pour éviter «les risques de contrariétés et d’incohérences».

Les motifs avancés par le MUHV pour actionner la relecture du foncier

Au titre des motifs avancés par le MUHV pour justifier la réforme, les conférenciers notent entre autres «la vente de terrains nus, la non viabilisation des sites, l’accaparement du foncier rural à des fins de promotions immobilières et la démesure des superficies et les délibérations irrégulières des conseils municipaux sur les superficies». Pour eux, ces raisons sont « insuffisantes » pour justifier une révision de la loi, et ce d’autant plus que les textes actuels contiennent déjà des éléments de réponse. Pour s’en convaincre, s’agissant de la vente des terrains nus, l’article 2 de la loi 057-2008 mentionne que « les produits fonciers et immobiliers issus des opérations d’urbanisme et de construction sont destinés à la vente», a soutenu le porte-parole des promoteurs immobiliers, Roger Nikièma.

«Il en va de même pour la non viabilisation des sites, et sur ce point le Code de l’urbanisme subordonne tout aménagement foncier à l’autorisation préalable de l’autorité compétente en l’occurrence le MUHV et le Ministère de l’Administration du territoire. Il s’en suit qu’il ne saurait y avoir de viabilisation sans autorisation de lotir. Or, sur ce dernier point les demandes d’autorisation des promoteurs sont en souffrance au niveau du ministère », a poursuivi M. Nikièma.

Relativement à l’accaparement du foncier rural aux fins de promotion immobilière, il a relevé que les demandes d’approbation de projets immobiliers et ou fonciers sont traitées en fonction des outils de planifications urbaines (schémas d’aménagement et plan d’occupation des sols) de telle sorte que «l’accaparement invoqué nous parait quasi impossible ». Enfin, en ce qui concerne la démesure des superficies et les délibérations irrégulières des conseils municipaux sur les superficies, sauf méconnaissance des textes il n’existe pas de textes limitant la superficie des terrains destinés aux opérations d’urbanisme en zone urbaine.

Au regard des motifs exposés, a-t-il conclu, il semble pour lui et ses collègues que le problème ne réside pas dans la révision de la loi mais « plutôt de son application ».

Des motivations du MUHV pour la relecture jugées « impertinentes »

Selon les orateurs du jour, les motifs avancés par leur ministère de tutelle pour justifier la réforme, le contenu de l’avant-projet de loi questionne sur bon nombre de points. Premièrement, la loi en vue opère une « restriction du champ de compétence initiale du promoteur immobilier en le privant de toute opération d’urbanisme (lotissement, restructuration). Cela malgré l’existence des agréments d’exercice de promotion immobilière et/ou foncière », ont-ils dénoncé.

Deuxièmement, cet avant-projet de loi opère, à les en croire, une «discrimination » entre les sociétés de droit privé de promotion immobilière et les sociétés de droit publique (CEGECI, SONATUR) en autorisant ces dernières à faire de la promotion foncière tout en déniant les mêmes droits aux sociétés privés. C’est pourquoi, ils dénoncent une « concurrence déloyale».

Troisièmement, pour eux, l’avant-projet de loi consacre «l’ingérence » de l’Administration en lui conférant un pouvoir de décision en matière de publicité des produits fonciers et immobiliers. C’est-à-dire que le MUHV sera le seul détenteur de droits pour la publicité en matière foncière. Ce qui va obliger les sociétés privées de promotions à forcément passer par l’Administration publique pour demander des autorisations pour cette action.

Quatrièmement, ce projet de loi consacrerait « plus de 21 articles à la recherche et à la constatation des infractions avec une panoplie de sanctions ». Les conférenciers justement sur ce point ne sont pas allés du dos de la cuillère pour dénoncer cette disposition qui confèrerait toute la latitude au MUHV de s’ériger en tribunal pour faire des sanctions en sa guise. Une option qu’ils disent déplorer car « une loi qui régit une activité économique comme la (leur) doit être plutôt incitative que répressive ». Aussi, ont-ils ajouté, la nouvelle loi « ne saurait se substituer au droit pénal».

Enfin, l’avant-projet de loi occulte dans ses dispositions transitoires la question du traitement des dossiers déjà introduits dans la chaîne de promotion immobilière mais qui sont « bloqués depuis 3 à 5 ans dans les couloirs de l’Administration sans motifs légitimes », selon les conférenciers qui au contraire sur cette question dénoncent une « lenteur » du ministère de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Ville qui les empêche de construire. «Les promoteurs immobiliers ne construisent pas parce que leurs dossiers ne sont pas traités par l’Administration », a appuyé Florentin Kafando, président de l’UNAPIB.

Une loi pour sanctionner les promoteurs immobiliers…

Dans l’ensemble, à écouter ces promoteurs immobiliers, la nouvelle loi en vue sonne à leur oreille comme une sanction parce qu’elle leur interdirait la possibilité de pouvoir acheter et vendre les terrains qu’ils acquièrent avec les propriétaires terriens. Selon même leurs explications, la nouvelle loi ne permet plus aux propriétaires terriens de pouvoir vendre leurs terres sauf seulement à l’Etat, et cela par le biais de ses sociétés de promotions immobilières que sont la Société Nationale d’Aménagement des Terrains Urbains (SONATUR) et le Centre de gestion des Cités (CEGECI). C’est d’ailleurs pourquoi ils dénoncent une « concurrence déloyale».

Pour ces conférenciers, l’avant-projet de loi sur le foncier, s’il est adopté, pourrait être source de conflits de lois dans le temps parce qu’il plombera le secteur de l’immobilier à travers la fermeture des entreprises œuvrant dans le domaine. Ensuite cette loi ne sera pas « attractive » et de ce point de vue elle « n’incitera aucun investisseur tant bien national qu’international à s’intéresser au secteur ». Enfin, avertissent les promoteurs immobiliers, cette loi risque d’engendrer une « prolifération sans nul pareil » des habitats spontanés avec ses corollaires de fragilisation de la paix sociale.

De l’avis de ces promoteurs immobiliers, au fond, ils ne sont pas contre l’idée de réforme « seulement (ils) militent pour une réforme juste et équilibrée, en ce sens qu’elle ne saurait être restrictive de droits acquis ». Ils ont réaffirmé leur disponibilité à accompagner le gouvernement non seulement dans sa politique nationale de construction de logements, mais aussi pour l’apurement du passif foncier ainsi que les opérations de restructurations pour le grand bonheur de nos populations.

Par Bernard BOUGOUM