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Burkina: la FAIB contre l’interdiction du voile dans les établissements catholiques

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Les responsables de la FAIB

La Fédération des associations islamiques du Burkina (FAIB) a demandé, dans une circulaire diffusée le mercredi 13 septembre 2023, aux autorités de la Transition, «de veiller au respect strict de la loi par tous». Cette sortie de la faîtière des associations islamiques répond à l’interdiction du voile dans les établissements catholiques. «La crise sécuritaire que traverse le Burkina Faso commande que les leaders religieux travaillent à bannir tout acte qui pourrait altérer le climat social», selon la déclaration.

                             Circulaire

Le Président FAIB

A

Toutes les associations membres ;

Toutes les coordinations régionales ; Toutes les associations de parents d’élèves

-OUAGADOUGOU-

Circulaire sur les nouvelles dispositions prises par l’église catholique pour les élèves et étudiants pensionnaires des structures éducatives catholiques

Au nom de Dieu tout clément et tout miséricordieux !

Assalamou Aleikoum, Wa Rahmatoulahi, Wa Barakatouhou

Un document cosigné le 03 mai 2023 respectivement par Monsieur Gabriel SAYAOGO, Président de la Commission épiscopale pour l’éducation catholique et Monseigneur Laurent B. DABIRE, Président de la Conférence épiscopale Burkina-Niger a été publié par l’Église catholique par voie de presse. Dans ce document, l’Église informe l’opinion, notamment les élèves, les étudiants et leurs parents, que de nouvelles dispositions sont prises et s’imposent à tous les pensionnaires de leurs établissements pour compter de cette rentrée scolaire et académique 2023-2024.

Par exemple, la disposition n°5 qui dispose que: «Dans nos structures, en dehors du foulard de tête retenu par rétablissement, qui doit laisser bien dégagés tout le visage et les deux oreilles, le port du voile, comme simple parure ou expression de son appartenance catholique, protestante, islamique ou autre, n ‘est pas autorisé. Il en est de même du turban de tête.» L’Église justifie sa décision en faisant appel respectivement deux dispositions juridiques ci- après :

– Primo, «(…) le droit de s’organiser conformément à sa spécificité, de recruter les élèves et son personnel conformément aux textes en vigueur, de percevoir les frais de scolarité et de dispenser l’enseignement religieux dans ses établissements».

Dispositions de l’article 3 de la Convention signée entre l’État et l’Église catholique le 07 mai 2019

Secundo, «des dispositions particulières, sous forme de charte, de règlement intérieur interne et de projet d’établissement peuvent être prises par l’établissement pour répondre à sa spécificité» stipule l’article 59 de l’arrêté n°2018-317/MENA/SG du 26 septembre 2018 portant adoption du règlement intérieur des établissements d’enseignement post-primaire et secondaire du Burkina Faso.

A l’analyse, certaines de ces dispositions sont contraires non seulement aux lois et aux règlements en vigueur mais aussi aux engagements de l’église elle-même vis-à-vis de l’Etat.

En effet, la disposition N° 5 sus visée pose problème dans les relations que notre État laïc a, avec ces structures catholiques. Elle contredit les principaux textes règlementaires et législatifs qui régissent éducation au Burkina-Faso. Il ressort de la disposition 5 que: «(…) le port du voile, comme simple parure ou expression de son appartenance catholique, protestante, islamique ou autre, n ‘est pas autorisé».

Or, l’arrêté n°2018-317/MENA/SG du 26 septembre 2018 portant adoption du règlement intérieur des établissements d’enseignement post-primaire et secondaire du Burkina Faso dispose en son article 55 que: «les chefs d’établissement doivent réserver un égal traitement à toutes les confessions religieuses reconnues». En outre, l’article 56 du même arrêté dispose que: «Le port de symbole d’appartenance à une religion reconnue est toléré pour autant qu’il reste conforme à la décence, à l’hygiène corporelle, aux exigences pédagogiques, au règlement intérieur et permette l’identification complète de l’élève.»

Le voile que porte la femme ou la fille musulmane constitue bien un symbole de son appartenance à l’Islam (Sourate 24/Verset 31); mais elle est conforme à la règlementation en vigueur. Faut-il préciser que tous les établissements d’enseignement post-primaire et secondaire, publics ou privés laïcs ou confessionnels sont régis par l’arrêté1 ci-dessus cité. C’est du reste pour cela, que l’Église le cite en son article 59 alinéa 1, pour justifier ses nouvelles dispositions: «Des dispositions particulières sous forme de charte, de règlement intérieur interne et de projet d’établissement, peuvent être prises par l’établissement pour répondre à sa spécificité. »

Cependant, l’alinéa 2 du même article 59 que Église n’évoque pas dans son document, dispose que: «Ces dispositions ne sauraient être contraires au présent règlement intérieur et doivent requérir l’avis préalable de la hiérarchie.»

En somme, toute structure éducative qui le désire, peut disposer d’un règlement intérieur propre, mais, à condition que ce dernier soit accepté par la hiérarchie et qu’il ne contredise surtout aucune disposition du règlement intérieur national.

En sus de l’arrêté précité portant règlement intérieur des établissements d’enseignement post­-primaire et secondaire, l’Église, à travers sa disposition 5, interdisant désormais le port du voile dans ses Écoles viole également d’autres textes législatifs non moins importants.

En effet, la convention entre l’Etat et l’Eglise catholique du 7 mai 2019 prévoit:

Article 3: Principes généraux

L’enseignement catholique s’engage à respecter les textes législatifs et règlementaires en vigueur en matière d’éducation et de formation. Les écoles et établissements catholiques accueillent tous les enfants et tous les jeunes sans discrimination sociale ou religieuse. Ils veillent à inculquer à la jeunesse qui leur est confiée les valeurs universelles notamment l’esprit de compréhension mutuelle, de fraternité universelle dans le sentiment d’une commune appartenance à la même patrie.

La loi n°013-2007/AN du 30 juillet 2007 portant loi d’orientation de l’éducation dispose en son article 38 (al.4) que: les structures éducatives privées laïques et confessionnelles ONT L’OBLIGATION de recevoir les apprenants sans considérations de leur appartenance religieuse et de respecter leur liberté d’expression, de conscience et de culte.

Chères responsables d’associations,

A notre humble avis, la crise sécuritaire que traverse le Burkina Faso commande que les leaders religieux travaillent à bannir tout acte qui pourrait altérer le climat social. Au regard des menaces graves qui pèsent sur la Cohésion sociale dans notre pays actuellement, tous les leaders religieux devraient plutôt amener les citoyens, y compris les scolaires et les universitaires, à adopter des comportements qui favorisent le vivre ensemble, en évitant tout acte portant atteinte à la liberté religieuse des citoyens.

Pour toutes ces raisons, la FAIB a rencontré les responsables de la Conférence épiscopale et son Excellence monsieur le Premier ministre, pour évoquer ce problème. Malheureusement, la FAIB n’a pas encore reçu une réaction favorable à ce jour. Le Premier ministre et la Conférence épiscopale sont toujours dans le silence alors que la rentrée approche et que les affectations des élèves sont en cours.

Face à cette situation, la FAIB recommande aux parents dont les enfants sont affectés dans des établissements catholiques conventionnés de laisser leurs enfants y aller.

Elle invite les responsables desdits établissements à ne pas appliquer les nouvelles dispositions qui, en de nombreux points, sont contraires aux lois et règlements de notre pays.

Elle encourage la Conférence épiscopale à surseoir l’application de ses nouvelles dispositions. La FAIB sollicite la disponibilité renouvelée des autorités éducatives et de la Conférence épiscopale afin d’instaurer un dialogue national en vue de trouver des solutions consensuelles aux problèmes du secteur de l’éducation dans notre pays.

La FAIB rassure tous les parents, tous les élèves et étudiants qu’elle reste à leur côté. Elle les informe que, chacun, individuellement ou collectivement, peut s’adresser aux autorités judiciaires s’il leur est imposé le respect de ces nouvelles dispositions.

Nous espérons que la situation qui prévaut au Burkina motivera les autorités étatiques du Burkina Faso, à veiller au respect strict de la loi par tous. Aussi, elles devraient inviter la Conférence épiscopale à retirer ses nouvelles dispositions qui sont contraires à la loi et à la règlementation en vigueur en matière d’éducation dans notre pays.

El Hadji Oumarou ZOUNGRANA

Officier de l’Ordre National