Accueil A la une Burkina: le discours qui a fait pleurer Rosine Coulibaly

Burkina: le discours qui a fait pleurer Rosine Coulibaly

0

Ceci est le discours de l’ex-ministre burkinabè des Affaires étrangères et ex-ministre de l’Economie et des Finances, Rosine Coulibaly, à l’occasion du lancement de son mouvement Burkinabè Unis pour la Transformation Sociale (BUTS). Dans ce document, elle invite les Burkinabè à se « lever et devenir chacun un héros pour (la) nation ».

Mesdames et Messieurs, distingués invités en vos titres, rangs, grades et qualités, tout protocole observé.

Je voudrais avant tout propos, m’inscrire dans la bonne tradition de chez nous en vous souhaitant la bienvenue en ces lieux et vous dire merci d’avoir répondu à notre invitation. Votre présence massive témoigne si besoin est, de l’importance que vous accordez à l’objet de cette rencontre ce qui sincèrement nous réconforte. 

Aussi voudrais-je d’abord, vous inviter tous à observer une minute de silence à la mémoire des victimes du terrorisme à savoir les populations civiles, nos vaillantes forces de défense et de sécurité et nos volontaires pour la défense de la patrie (VDP). (Minute de silence). Je vous remercie !

Mesdames et Messieurs, aujourd’hui, nous sommes très heureux de nous retrouver.

Toutefois, cela se fait dans un contexte où, les situations internationale, régionale et nationale sont en fortes dégradations sécuritaire et humanitaire. Plus particulièrement au Sahel.

Nonobstant la conjonction des multiples efforts entrepris depuis belle lurette, aucun résultat tangible n’a été observé sur le terrain, particulièrement sur les plans sécuritaire et humanitaire.

Depuis plusieurs années en effet, le triste constat est que notre pays est pris dans une spirale de violences attribuées à différents groupes armés, devenant depuis 2016, la cible d’attaques et d’attentats ciblés contre d’honnêtes citoyens, civils et militaires , des infrastructures communautaires, publiques et privées, des symboles de l’Etat et des institutions diplomatiques et ce, dans plusieurs de ses régions avec des conséquences humanitaires et socioéconomiques catastrophiques et dramatiques.

En se référant aux données du HCR, la région du Sahel, déjà en proie à l’enclavement, aux aléas climatiques, aux pénuries de toutes sortes, fait face aujourd’hui à des déplacements massifs de populations fuyant leurs villages du fait des attaques des groupes armés terroristes et cherchant vainement refuges dans des localités de plus en plus éloignées.

Dans l’ensemble, notre cher pays vit la pire crise de son histoire avec deux millions de personnes déplacées internes.  Aujourd’hui, dans toute l’Afrique, c’est l’une des plus fortes proportions de populations déplacées à l’intérieur de leur propre pays.

En outre, à ce jour, dans notre cher Faso, l’exode rural est sans précédent en raison de cette insécurité persistante et grandissante et de l’élargissement des zones sous contrôle des groupes armés terroristes.

Mesdames et Messieurs, Nous qui sommes dans cette salle, nous faisons partie de cette minorité de burkinabè qui jouit encore de sa liberté et de la possibilité de se réunir et de s’exprimer. Même rendre visite aux parents au village est devenu un véritable parcours du combattant et peut paraître même suicidaire pour nombre d’entre nous. Nombreux sont ceux et celles qui ne peuvent plus participer à des réunions et rencontres hors des centres urbains de certaines parties de notre territoire. Les plus chanceux d’entre nous survivent ou vivotent, la peur au ventre. Et cela pour combien de temps encore, lorsque nous savons qu’il y a eu Capuccino, Spendid Hôtel, l’Etat-major de l’Armée, Inata, Solhan, Madjoari, Seytenga et j’en passe. La liste est longue et le drame s’ajoute toujours au drame

Combien sont-ils ces braves gens de nos campagnes à avoir tout abandonné et quitté leurs villages et leurs terroirs à la recherche d’une survie sans dignité aucune dans des camps de déplacés internes, abandonnant douloureusement tout leur passé, leur présent, leurs biens (maisons, champs, bétail…) et sans espoir d’un futur rassurant et reluisant ?

Combien sont-ils ces enfants qui ont dû abandonner l’école en raison de la barbarie que nous imposent les forces du mal ?

Hélas, c’est toute une génération sacrifiée qui comptait sur la claire vision, la lucidité et la pleine compassion de nos dirigeants pour leur apporter un minimum de réconfort et d’accompagnement.

Distingués invités,

Le Burkina Faso est à la véritable croisée des chemins. Le constat est implacable et amer. Disons- le tout net : nous manquons d’anticipation et de perspectives claires.

La situation actuelle est très préoccupante et résulte, osons bien le dire, d’un certain nombre de manquements et de l’incapacité de nos dirigeants au cours de notre histoire nationale. Je voudrais évoquer ici, notre histoire, profondément marquée par une forte instabilité, notamment celle des institutions, provoquée le plus souvent par des événements politiques dont il n’est plus besoin d’en rappeler ici les détails. Le dernier événement politique est lui-même édifiant à plusieurs égards. Rien que la présente transition, à en juger les 6 premiers mois de son instauration, ne nous permet pas d’entrevoir avec sérénité le bout du tunnel. Où allons nous chantait un artiste Burkinabè bien connu, Zedess.

Cette réalité doit nous interpeler tous et nous inviter à l’action afin que les politiques publiques soient effectivement orientées vers la cohésion sociale, la paix et le développement socioéconomique. En effet, la promesse d’une gouvernance en faveur des populations, axée sur la transparence dans la gestion du bien public, la justice, l’équité et l’égalité des chances pour tous, n’est pas encore au rendez-vous. Le rapport de l’étude prospective « Burkina 2025 » mentionnait déjà en 2005, la tendance d’un « développement de la fraude et de la corruption » et on peut sans risquer de se tromper dire que cette tendance n’a pas été inversée. Le rapport notait également que le phénomène prenait de l’ampleur et devenait de plus en plus inquiétant, dans un pays qui jadis jouissait d’une « image positive » quant à la gestion du bien public.

Cette déclinaison triste et fâcheuse est confirmée quinze ans après par le rapport 2020 du RENLAC qui note, je cite : «La perception des citoyens sur la fréquence de la corruption est en constante augmentation depuis 2016. Pour l’année 2020, 81,95% des enquêtés estiment que les pratiques de corruption sont fréquentes voire très fréquentes.

Aussi, il est bien connu que la corruption traduit une certaine inégalité devant les opportunités offertes par l’Etat, élargissant ainsi la fracture sociale.

Mesdames, messieurs, chers amis,

La fracture en question est profonde et tend même à faire apparaitre une faille dans notre société avec d’un côté ceux qui en profitent et de l’autre les laissés pour compte sans espoir. En effet, les pauvres qui constituent la majorité silencieuse, luttent vainement pour la survie tandis qu’une minorité oisive et favorisée, s’accapare allègrement des biens publics et s’en tient aux décisions propices à sa seule « prospérité ». C’est une triste réalité que nous vivons tous, partout dans notre pays et tous les jours que le bon Dieu fait. L’injustice sociale est presque consacrée comme mode de gouvernance, si l’on tient compte des propensions illimitées que prend l’impunité dans notre pays.

Faut-il donc s’étonner de ce qui nous arrive actuellement ? Faut-il s’étonner que notre cher pays connaisse une si forte détérioration de sa cohésion sociale allant crescendo?

N’est-ce pas la traduction concrète et visible de l’incapacité d’une société à assurer le bien-être de tous ses membres, à minimiser les disparités et à éviter la polarisation sociale?. Il est bien flagrant que les tensions socioculturelles latentes et non résolues sont en train d’émerger sous forme de conflits violents et parfois armés et amplifient la déchirure du tissu social déjà si fragile.

En résumé, le diagnostic est sans équivoque, la crise politique et sociale sans précèdent que connait notre cher pays résulte clairement de la faillite de l’action politique contemporaine basée très souvent sur une légitimité sans responsabilité et sans redevabilité.

Si cette pratique doit être indexée comme principale cause de détérioration de notre cohésion sociale, elle n’en est pas la seule. On peut aussi dénoncer ici la déviance progressive de la société civile de son rôle fondamental.

En effet, la société civile dont l’action doit être d’éveiller les consciences et d’interpeler le pouvoir public lorsqu’il dévie des sentiers de la bonne gouvernance, s’est laissée pour l’essentiel instrumentaliser au point d’adouber les dirigeants et de les soustraire de leur obligation de reddition des comptes. Et comme la justice est encore celle des plus forts du moment, on se tait, on regarde, on laisse faire et on subit.

L’Armée nationale qui se devait d’être républicaine, défendre vaillamment les institutions et rassurer les populations n’a malheureusement pas joué le rôle régalien qui devrait être le sien.

En somme, après quatre décennies d’une vie dite «démocratique», Nous (société civile, partis politiques, institutions civiles et militaires) n’arrivons même pas encore, à avoir un minimum de consensus sur les règles de ce processus, lequel consensus aurait pu stabiliser définitivement le jeu politique et pérenniser les acquis et les institutions nationales. En lieu et place, c’est toujours le règne de la cacophonie, même face à la violence extrême qui menace toute notre société avec un risque majeur de son effondrement.

Chers invités,

Ces constats, loin de faire l’apologie des larmes et de la résignation est une réelle invite à l’introspection collective, afin de sauver notre nation en tirant leçon de nos manquements et parfois de nos errances. Il est plus que temps de faire face collectivement à notre destin et à notre situation peu reluisante, avec courage et détermination, en nous appuyant solidement sur nos forces, atouts et opportunités.

Mesdames et messieurs, des atouts en effet, notre société en regorge en abondance. Entre autres, citons :

  • une population dans son ensemble porteuse de valeurs éthique et morale,
  • une jeunesse majoritairement patriote et dynamique,
  • une citoyenneté active, quoique disparate et dispersée dans l’organisation politique et sociale,
  • un paysage institutionnel dense.

Ces atouts nous donnent encore des espaces de rencontres, de contributions et de propositions concrètes       pour     une      espérance      pour      nos populations résilientes et pour notre pays.

Il est donc de notre devoir fondamental de travailler collectivement, sans posture partisane, afin de bâtir un contrat social solide et susceptible de redonner espoir à notre peuple digne mais injustement meurtri.

C’est principalement la quintessence de notre profonde motivation à la création de cette association, Burkinabè Unis pour la Transformation Sociale (BUTS) afin d’apporter une contribution significative, multiforme, et être le fer de lance d’une force de transformation sociale en vue de garantir une meilleure gouvernance.

Le mouvement BUTS se veut un cadre de rassemblement et de réflexion afin de contribuer de façon active, décisive et indépendante à l’édification d’une société apaisée et prospère. Cette ambition sera réalisée par une veille citoyenne sur la gouvernance tout en travaillant à replacer l’Etat au centre de l’action collective et individuelle. En effet, nous voulons sortir de la situation de désespoir dans laquelle nous nous trouvons actuellement pour nous rassembler autour d’un BUT et d’un idéal commun. Cela permettra de contribuer à la transformation profonde de notre société et amener nos populations et notre pays vers le bien être légitime tant recherché.

Pour parvenir à cette fin, il nous faut sans complaisance répondre à certaines questions, certes élémentaires mais fondamentales. Qu’avons-nous fait ou manqué de faire pour vivre cette descente aux enfers pour un pays qui porte fièrement le nom de «Pays des Hommes Intègres» et dont les habitants sont peu fiers actuellement de ce qu’ils ont fait de l’héritage laissé par leurs devanciers?

Ils s’appelaient Naba Wobgho, Naba Bogaré, Diaba Lompo, Simadari, Tiefo Amoro, Guimbi Ouattara, Yennenga, Nazi Boni, Ouezzin Coulibaly, Thomas Sankara, Joseph Ki- Zerbo, Norbert Zongo et la liste n’est pas exhaustive.

Rappelons-nous également des résistances héroïques des peuples Bwaba, Lobi-dagara, Peuhl, Touareg et Songhai à la pénétration coloniale. C’est tout cela, l’héritage de notre nation. C’est tout cela, le Burkina Faso fier de ses ancêtres et de ses aïeuls.

Que comptons-nous léguer aux générations futures ?

Populations du Burkina Faso, mes chères sœurs et  chers frères, il est vraiment temps de nous lever et de devenir chacun un héros pour notre nation. Il est temps de nous lever pour construire le nouvel héritage que nous voulons laisser aux générations futures. Nous en avons pleinement les moyens.

Mesdames et Messieurs, Chers invités, chers sympathisants de tous les horizons, de tous les âges de tous les sexes ;

Dans son discours légendaire prononcé lors du procès de Rivonia, en Afrique du Sud, en 1964, Nelson Mandela proclamait : « J’ai chéri l’idéal d’une société libre et démocratique dans laquelle toutes les personnes vivraient ensemble, en harmonie, et jouiraient des mêmes chances. C’est un idéal pour lequel je souhaite vivre et que j’espère accomplir. Mais si besoin est, c’est un idéal pour lequel je suis prêt à mourir ».

Sa mission, en tant que révolutionnaire combattant l’apartheid, était d’obtenir l’égalité et la liberté pour chaque femme, chaque homme et chaque enfant. Il a défendu les droits fondamentaux de tous les êtres humains, sans distinction de sexe, de nationalité ou de race. C’est pour défendre ce même idéal que Nelson Mandela a été emprisonné pendant 27 ans. Malgré sa réclusion, il a continué à croire en ces idéaux, et à sa libération il a continué à les mettre en pratique.

Burkinabè Unis pour la Transformation Sociale s’inscrit dans cette logique. Ce mouvement qui se veut la convergence de toutes les forces vives conscientes et patriotes de notre pays  est né de la ferme volonté d’hommes et de femmes, de jeunes et moins jeunes, de fédérer leurs énergies, pour lancer un mouvement citoyen d’éveil des consciences afin de participer à la gestion vertueuse de la Cité.

Nous nous positionnons comme un cadre d’expression démocratique, une dynamique de veille citoyenne et une force d’interpellation et de propositions d’idées novatrices et salvatrices.

Nous avons la profonde conviction que tant que les citoyens n’ont pas réellement voix au chapitre, tant qu’ils seront réduits à n’applaudir que par mimétisme ou au gré de leurs intérêts personnels, tant que nous continuerons à être otages d’un système de frères, amis et connaissances d’hier, devenus ennemis aujourd’hui ; d’un système de corruption et de crimes impunis, notre pays ratera toujours de belles opportunités sur le chemin de sa stabilité et de son développement.

Nous invitons tous les burkinabè de l’intérieur et de la diaspora à se joindre à cette dynamique qui se veut fondatrice d’une nouvelle donne sociale, pour qu’ensemble notre voix porte. Notre destin, nous appartient et nous devons tous l’assumer sans réserve. Un appel au ralliement du mouvement sera dans cette dynamique lu par le Secrétaire Général de BUTS, Abdoulaye Barry, un jeune dynamique et engagé.

Mesdames et Messieurs, c’est à cette initiative que je vous invite à répondre avec ferveur. Je vous invite à vous-y associer pour donner une nouvelle chance à notre destinée commune. Pour l’égalité des chances pour tous, associez- vous au mouvement BUTS pour poser les fondations de la résilience du Burkina Faso face à tous les problèmes auxquels il fait face. C’est ensemble que nous vaincrons les maux qui minent notre Vivre Ensemble et tracerons les pistes d’une société apaisée, juste et unie.

Je voudrais chaleureusement remercier tous ceux qui ont fait le déplacement ici pour prendre part à cette cérémonie et donner à cette initiative, la force et la légitimité nécessaires à sa propulsion.

Au nom du mouvement BUTS et en mon nom propre, Je vous présente mes sincères remerciements. Je n’oublie pas de remercier aussi nos amis qui nous suivent de loin sur les réseaux sociaux dont le soutien est fortement apprécié.

Mes camarades et moi vous donnons rendez-vous sur les chantiers que nous allons ouvrir ensemble très bientôt. L’engagement et l’appui de chacun nous sera précieux .

Nous ne sommes pas des poètes, mais avec BUTS, nous irons tous droit au BUT.

Vivent, les burkinabè Unis vers un BUT commun

Vive, le Faso réconcilié, prospère et stable de ses institutions.

La patrie ou la mort nous vaincrons.

Je vous remercie !