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Burkina/Présidentielle: la sécurité et la réconciliation, les deux thèmes de charmes des candidats

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Elections municipales partielles de 2017 (Ph. d'illustration)

La campagne électorale ouverte au Burkina Faso, le 31 octobre 2020, prend fin ce vendredi à partir de 00H00. Durant trois semaines de campagne de l’élection couplée présidentielle-législatives qui se déroulera dimanche 22 novembre 2020, les 13 candidats à la présidentielle, ont fait des thèmes de la sécurité et de la réconciliation nationale, leurs sujets de prédilection dans l’objectif de courtiser les six millions et demi d’électeurs inscrits pour ce scrutin.

Les thèmes de la sécurité et la réconciliation nationale, sont ceux qui ont le plus été assez évoqués, analysés, disséqués, par les candidats lors de cette campagne électorale. En effet, depuis les manifestations des 30 et 31 octobre 2014 qui ont renversé le régime du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), un régime de près d’une trentaine d’années, le vivre-ensemble a été mis à mal et le sujet de la réconciliation nationale est devenu la chasse gardée des acteurs politiques.

Quant à l’aspect sécuritaire, depuis le 16 janvier 2016, le Burkina a connu sa première attaque armée d’envergure, en plein cœur de sa capitale politique burkinabè, au tout début de la prise de fonction du président Roch Marc Christian Kaboré. Et depuis lors, les Burkinabè vivent au quotidien avec le spectre des attaques généralement qualifiées de « terroristes » qui tuent de façon récurrente des militaires et des civils dans sept régions, notamment, le Centre-nord, l’Est et le Sahel.

C’est cette réalité implacable que recouvrent ces deux thèmes qui, au-delà d’obliger les candidats à en tenir compte, constituent des sujets pour amadouer les électeurs et espérer recueillir leurs voix.

Sur le premier sujet, à savoir la sécurité, douze candidats proposent la même solution avec toutefois une différence dans le processus de l’application de leur projet sur la question. Les candidats Zéphirin Diabré, Eddie Komboïgo, Kadré Désiré Ouédraogo, Yacouba Isaac Zida, Tahirou Barry, Me Gilbert Noël Ouédraogo, Me Ambroise Farama, Yéli Monique Kam, Dr Aimé Claude Tassembédo, Dr Ablassé Ouédraogo, Abdoulaye Soma et Kiemdoro Dô Pascal Sessouma, sont sur la même longueur d’onde à ce niveau. Ces douze candidats sont clairs. Ils proposent de manier la carotte et le bâton. Pour eux, face aux attaques terroristes qui ont fait près de 2 000 morts (civils et militaires) de mi-janvier 2016 à nos jours, il faut « négocier » avec les groupes armés pour sauver la vie des Burkinabè et ramener la quiétude au pays des « Hommes intègres ».

Les propositions des candidats contre le terrorisme

« Le fusil seul ne peut pas lutter contre le terrorisme. Il faut d’autres stratégies. Et, nous sommes prêts à négocier avec ceux qui nous attaquent », a déclaré le candidat de l’Union pour le progrès et le changement (UPC), pour la présidentielle, Zéphirin Diabré, le 3 novembre 2020, à Kaya au stade régional du Centre-Nord. Pour le leader de l’opposition, une fois à Kosyam (palais présidentiel), il cherchera à identifier ceux qui attaquent le Burkina Faso, leur responsable, et à savoir quelles sont leurs revendications et que peut-on leur offrir ?

Le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) « s’engage, une fois au pouvoir, dans les semaines qui suivent l’élection, à mettre fin aux attaques. Vous n’allez plus entendre un coup de balles parce que nous allons courageusement négocier avec les différentes forces du mal », a déclaré son candidat, Eddie Komboïgo, lors de la présentation de son projet de société.

L’ex-chef d’Etat, Yacouba Isaac Zida, le seul officier militaire en course pour la conquête de la présidence du Faso promet en 100 jours, régler le problème de l’insécurité, une fois élu président du Faso. L’ex-numéro 2 des renseignements au Burkina Faso sous le régime de Blaise Compaoré n’exclut pas de travailler avec son ancien mentor, le général de brigade Gilbert Diendéré, autrefois considéré comme le patron des renseignements au Burkina.

Le général de division Yacouba Isaac Zida compte également consulter le seul général de gendarmerie du Faso, Djibrill Yipènè Bassolé, ex-ministre en charge des Affaires étrangères sous Blaise Compaoré, pour atténuer l’effet des attaques. Ces deux officiers militaires sont connus pour leurs carnets d’adresse bien fournis, notamment, leurs connexions avec des groupes armés de la sous-région avec qui ils servaient de lien pour les négociations.

Le candidat de « Vision Burkina », Kiemdoro Dô Pascal Sessouma, est plus précis sur le sujet. Le journaliste, ancien présentateur de la télévision nationale, a indiqué que s’il est élu, « il donne dix-huit mois aux Burkinabè pour finir avec le terrorisme ». A l’évidence, ce dernier misera sur la négociation car il compte d’ailleurs supprimer l’armée.

Mais, contrairement à ces douze candidats, le président sortant, Roch Marc Christian Kaboré, candidat à sa propre succession, reste sur sa position prise durant son premier quinquennat. Pour M. Kaboré, « le Burkina ne courbera jamais l’échine ». Pour le candidat du parti majoritaire, le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), « il n’est pas question de négocier avec les groupes terrorismes ». A maintes reprises, il a, lors de ses meeting dans les régions du pays, demandé aux populations de se « méfier des vendeurs d’illusion ». Le candidat à sa propre succession a même souvent lancé des piques à ses adversaires. « Certains disent: « quand nous serons au pouvoir, nous allons négocier avec les terroristes », c’est qu’ils les connaissent. S’ils ne les connaissent pas, ils vont négocier avec qui ? », s’est interrogé le champion du MPP qui a appelé ses adversaires « à faire preuve de sérieux » avec cette préoccupation.

Unanimité des candidats autour du thème de la réconciliation nationale

Sur le point de la réconciliation nationale, tous les treize candidats sont d’accord qu’il faut réconcilier les  filles et fils du Burkina. Mais, les procédés pour y arriver diffèrent d’un candidat l’autre.

Sur ce sujet, pour Roch Marc Christian Kaboré, la question sera résolue dans le premier semestre de son deuxième quinquennat, s’il est réélu. Mais, le candidat du MPP, n’a pas varié sa position sur le retour des exilés politiques, notamment, le cas Blaise Compaoré. « Le processus de réconciliation nationale, ce n’est pas une course de vitesse, si je suis réélu, dès le début de 2021 on va réunir toutes les composantes de la société pour voir ce qui peut être fait, car, comme je l’ai déjà dit, on n’a jamais interdit quelqu’un de rentrer. Tout le monde pourra rentrer tranquillement au Burkina Faso, mais ceux qui ont des soucis avec la justice devront répondre », a-t-il déclaré mi-octobre 2020, lors d’une interview accordée à RFI et France 24.

Il a réitéré cette position dans un entretien à la télévision nationale le mardi 17 novembre 2020. Il a annoncé que des mesures sont en train d’être prises pour éviter que dans cet exercice on humilie les ex-chefs d’Etat que sont Blaise Compaoré (en Côte d’Ivoire) et Yacouba Isaac Zida, résidant depuis janvier 2016 au Canada.

Parmi les candidats, Dr Ablassé Ouédraogo, président du parti Le Faso Autrement, est celui qui a fait de cette thématique, son slogan de campagne. Depuis la prise du pouvoir du MPP, Ablassé Ouédraogo avec des responsables d’autres formations politiques a créé un regroupement dénommé la Coalition pour la démocratie et la réconciliation nationale (CODER), laquelle organisation a fait de la réconciliation son cheval de bataille. Mi-février 2018, Dr Ablassé et ses camarades ont remis au nom de la CODER, un mémorandum au président du Faso pour la « réconciliation nationale au Burkina Faso ». Outre le forum national devant regrouper toutes les forces du pays autour de la table, la CODER propose également aux Burkinabè, une justice transitionnelle pour gérer les litiges judiciaires en lieu et place de la justice classique.

Le leader de l’opposition, Zéphirin Diabré estime, sur ce sujet, qu’il est le candidat le plus habilité à travailler à réconcilier le peuple burkinabè avec lui-même. « Si je suis élu, je mettrai en place un gouvernement de réconciliation nationale, dans lequel toutes les grandes composantes de notre vie politique seront présentes, y compris le MPP », a signifié le 18 novembre 2020, M. Diabré, lors d’un entretien sur RFI. Le candidat de l’UPC affirme également que « le président Blaise Compaoré a dirigé ce pays pendant presque trois décennies. Il a une expérience, il a des connaissances, il a peut-être aussi des contacts qui peuvent nous être utiles. Il n’y a pas de honte à faire en sorte que, quelqu’un qui a servi son pays à ce niveau-là, puisse lui apporter ce concours-là ». Sur les multiples dossiers judiciaires notamment les cas emblématiques comme ceux de l’assassinat du père de la révolutionnaire burkinabè, Thomas Sankara, et ses douze compagnons ou le dossier de l’assassinat du journaliste d’investigation Norbert Zongo et ses trois compagnons, Zéphirin Diabré choisit l’option : « vérité, justice, réconciliation ».

L’ex-Premier ministre, Kadré Désiré Ouédraogo, au lancement de sa campagne dans son fief à Kaya, a appelé à la réconciliation nationale et au retour des exilés politiques. « Notre pays a besoin de tous ses fils et filles pour son développement. Je ferai en sorte qu’il n’y ait plus d’exilés politiques au Burkina Faso. La place de Blaise Compaoré est au Burkina Faso, et nous travaillerons pour son retour, une fois élu au soir du 22 novembre », a soutenu l’ex-président de la Commission de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).

Par Bernard BOUGOUM