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Burkina: quel bilan, un mois après l’arrivée du MPSR au pouvoir?

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Le Lieutenant-colonel Damiba prêtant serment devant le Conseil constitutionnel

Le 24 janvier 2022, des militaires regroupés au sein du Mouvement patriotique pour la Sauvegarde et la Restauration (MPSR), ont renversé le président Roch Marc Christian Kaboré, réélu en novembre 2020 pour un second mandat de cinq ans. Les putschistes disent avoir pris le pouvoir à cause de «l’incapacité» de M. Kaboré, à mettre fin à l’insécurité, notamment les attaques armées qualifiées de terroristes, ayant endeuillé pendant près de sept ans, les populations. Un mois après l’arrivée au pouvoir des militaires, quel bilan pouvons-nous tirez de la gestion du président du Faso, le lieutenant-colonel, Paul-Henri Sandaogo Damiba, président du MPSR ?

Les militaires ont avancé la «dégradation continue» de la situation sécuritaire qui menace les fondements du Burkina Faso et «l’incapacité manifeste» du pouvoir de Roch Marc Christian Kaboré à y faire face efficacement, pour justifier sa prise du pouvoir. Mais un mois après l’installation du leader du MPSR, le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo, à Kosyam (Palais présidentiel), les terroristes continuent leur offensive sur le territoire. Ces derniers jours, les habitants de la région du Sahel, notamment ceux de la ville de Djibo et la région de l’Est, surtout les habitants de la ville de Pama n’ont de cesse lancé des alertes pour demander de l’aide du fait du harcèlement des terroristes.

En plus de l’aggravation de la situation, les groupes armés s’adonnent de plus en plus aux saccages tous azimuts des infrastructures de l’Etat dont celles de l’énergie (électricité), la communication (pylônes et câbles) et l’eau (les bornes fontaines et les infrastructures de l’ONEA). Ce qui rend encore la vie difficile aux populations déplacées et de leurs hôtes désormais. Pour répondre aux préoccupations pressantes des populations toute catégorie confondue qu’est la sécurité, le lieutenant-colonel Damiba a procédé en premier lieu à un grand réaménagement au sein des unités de commandement de l’Armée et de la Gendarmerie avant de créer un nouvel organe dans ce sens.

Pour lutter contre l’insécurité sur laquelle il s’est appuyé pour justifier son accession au pouvoir, le MPSR a créé le vendredi 4 février 2022, sa nouvelle arme, le Commandement des opérations du théâtre national (COTN). Cette nouvelle structure doit apporter des changements sur le plan stratégique et organisationnel des corps militaires et paramilitaires en vue d’atténuer les attaques armées, notamment, terroristes qui endeuillent le Burkina Faso depuis janvier 2016. Créé par ordonnance, composée de dix articles, le COTN  est dirigé par le lieutenant-colonel Yves Didier Bamouni, nommé le même jour pour diriger cette structure qui doit fédérer les forces utilisées pour la lutte contre l’insécurité. Il est assisté par un adjoint, le lieutenant-colonel Roméo Ouoba, nommé dans les mêmes conditions.

Le COTN, en son article 3, précise que le nouveau commandement «aura pour mission de concevoir, organiser et soutenir les opérations de sécurisation des opérations du territoire national», tandis que l’article 4 stipule que le COTN «exerce son autorité sur l’ensemble des forces de défense et de sécurité et des VDP ainsi que leurs moyens engagés sur le théâtre». Mais, force est de constater que cette nouvelle structure se fait toujours attendre tandis que les populations se sentent de plus en plus menacées par les fous de Dieu qui prétendent, pour certains groupes armés mener le «Jihad».

La feuille de route et la durée de la transition toujours attendues

«Notre agenda est unique et il est clair : la sauvegarde de notre peuple et la refondation de notre Nation. Les indicateurs de mesure de la réalisation de cet agenda demeureront le niveau de restauration de l’intégrité du territoire et la qualité des actions entreprises pour la refondation de notre nation», a déclaré le 27 janvier 2022, le nouvel homme fort du Burkina, dans son tout premier discours à la Nation. Cela annonçait l’angle sous lequel il fallait attendre la junte au plan purement politique.

Mais un mois après l’avènement du MPSR, on note plusieurs rencontres avec les différentes sensibilités du pays mais rien de concret et palpable comme faits à analyser en profondeur. Chaque entité a été briefée clairement sur la ligne que voulaient emprunter les nouvelles autorités qui les a invitées, à accompagner la nouvelle dynamique. Certaines personnes ou mêmes des organisations disent attendre toujours une visibilité du projet du MPSR avant d’en juger la faisabilité.

Le 8 février, le président du Faso, le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, a procédé, à l’installation des membres de la Commission technique d’élaboration de projet de texte et de l’agenda de la Transition. Les politiques ont les yeux rivés sur les recommandations de cette commission qui devra leur montrer la voie à suivre pendant la période de la transition. Même si la Commission a remis, le 23 février, le rapport de ses travaux au bout de deux semaines au chef de l’Etat, à ce niveau, les partis et formations politiques sont toujours dans l’attente de la feuille de route et de la durée de la transition, scrutée chaque minute tant au niveau national qu’international. Pour l’instant les nouvelles autorités au détour d’une rencontre, selon ce qui est revenu à Wakat Séra, ont remonté les bretelles des responsables de l’ex-majorité et ses alliés, ainsi que de l’ex-opposition, avant de leur demander de se tenir tranquilles pour ne pas chercher à obstruer la bonne marche de la «refondation» annoncée après la démission forcée de Roch Kaboré.

Le président du Faso, après la controverse soulevée par les juristes, en ébullition, a presté serment le 16 février devant les membres du Conseil constitutionnel qui l’ont paré de tous ses attributs. Ce qui lui donne du coup toute la légalité et la légitimité pour conduire le navire Burkina Faso qui tangue au gré des préoccupations sécuritaire, économique, politique et sociale.

Une CEDEAO clémente à l’égard du Burkina ou des sanctions à venir à craindre

Contrairement au Mali, les Burkinabè ont eu plus de peur de mal quand la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) s’est saisie du putsch qui est contre ses principes démocratiques. Mais, les chefs d’Etat de la CEDEAO, réunis en sommet extraordinaire le jeudi 3 février, à Accra au Ghana, ont épargné le Burkina Faso de nouvelles sanctions, hormis la suspension du pays de ses instances.

La mission conjointe de la CEDEAO et de l’ONU qui est venue le 31 janvier pour évaluer la situation politique du Burkina Faso n’avait pas dévoilé les conclusions de leurs travaux qui seraient remises aux premiers responsables de ces institutions mais elle avait laissé une bonne impression, notamment, le respect des droits de l’ancien président. La délégation avait pu rendre visite à l’ex-président, Roch Kaboré, toujours détenu en résidence surveillée. «Nous avons vu qu’il est en bonne santé tel qu’il apparaît et on a pu échanger avec lui», avait annoncé la cheffe de la délégation, Shirley Ayorkor Botchwey.

Toujours sur la détention de Roch Kaboré, son parti, le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), et, des Organisations internationales dont l’Union européenne (UE), ont demandé la «libération sans condition» de l’ancien chef de l’Etat burkinabè dont le mandant s’achevait en 2025.

Par Bernard BOUGOUM