Accueil Opinion Burkina: quel sort pour la 20e édition de la SNC ?

Burkina: quel sort pour la 20e édition de la SNC ?

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La première édition de Semaine nationale de la Culture (SNC), cet événement culturel majeur pour le Burkina Faso, s’est déroulée à Ouagadougou du 20 au 30 décembre 1983. Puis, de façon tournante ont eu lieu la 2e édition (Gaoua 84), la 3e édition (Bobo 86), la 4e édition (Koudougou – Réo 88) ; avant de se sédentariser à Bobo-Dioulasso depuis la 5e édition (Bobo 90). La SNC se veut un témoignage de la volonté de l’État burkinabè de placer la culture au centre des enjeux du développement. Elle décerne le Grand Prix national des Arts et des Lettres (GPNAL). Elle a plusieurs fois servi de contexte pour décerner le Grand Prix littéraire du Président du Faso.

2020 : UNE ÉDITION QUI N’A PAS PU SE TENIR

Du 28 mars au 04 avril 2020, devait se tenir à Bobo-Dioulasso, la 20e édition de la Semaine Nationale de la Culture avec comme thème « Diversité culturelle, ferment de l’unité nationale ». Les phases régionales s’étaient toutes tenues courant 2019 et les qualifiés déjà tous connus. Tout était donc bien engagé lorsque le Gouvernement, en en Conseil des ministres en date du 11 mars 2020, prit la décision de la suspension de toutes les manifestations de grande envergure en raison de la pandémie de la maladie à coronavirus. Les concurrents ont donc été interrompus dans leurs préparations, notamment en ce qui concerne les catégories Arts du spectacle, Art culinaire et Sports traditionnels.

Quant aux œuvres en compétition en Arts plastiques, dûment emballées, elles étaient déjà parvenues aux Comités de réception au sein des Directions régionales de la Culture, des Arts et du Tourisme à Ouagadougou et à Bobo-Dioulasso, trois semaines avant le début des phases régionales. S’agissant des œuvres de la catégorie littérature, la date limite de dépôt des manuscrits à la Direction générale de la Semaine nationale de la Culture, était fixée au 25 octobre 2019 à 17 heures 30 minutes, délai de rigueur. Dans la pratique, en arts plastiques et en littéraire, contrairement aux concurrents des autres catégories, il n’y avait plus de prestations à faire lors de la phase finale de la SNC à Bobo-Dioulasso. Ils n’étaient que dans l’attente des résultats finaux et leurs présences n’étaient même pas obligatoires à cet effet.

LES AUTEURS LITTÉRAIRES : ÊTRE ÉDITÉS OU NE PAS ÊTRE ÉDITÉS …

Être édités ou ne pas être édités ? Tout comme, dans le monologue du personnage Hamlet : « Être ou ne pas être : là est la question ». La problématique est d’autant plus lancinante pour les écrivains qui se retrouvent depuis bientôt trois ans dans un véritable dilemme cornélien. Comment attendre les résultats d’un concours qui se font attendre depuis 2020, comme dans la pièce théâtrale En attendant Godot de Samuel Beckett. Comment refuser les rarissimes offres d’édition des œuvres parce que déjà en compétions, par obligation de se soumettre à une disposition du Règlement intérieur du Grand Prix National des Arts et des Lettres stipulant que « Les œuvres présentées dans le cadre de ce concours doivent être inédites » ?

LE PARI IMPOSSIBLE DE LA TENUE D’UNE SNC DU 26 MARS AU 02 AVRIL 2022

La SNC n’a pas eu la chance du Festival Panafricain du Cinéma et de la Télévision de Ouagadougou (FESPACO) qui, malgré son report pour la même cause, a pu se tenir dans ʺson annéeʺ. En effet, sa 27e édition initialement prévue du 27 au 06 mars 2021 a s’est finalement tenue du 16 au 23 octobre 2021. La 20e SNC a été reprogrammée pour 2022 (du 26 mars au 02 avril). Le 07 décembre 2021, un atelier de relance des activités la SNC a été même organisé. Cependant, le cours de l’histoire change. D’abord, le 08 décembre : dissolution du Gouvernement et formation dans la foulée d’un nouveau Gouvernement le 13 décembre 2021, avec désormais un Ministère délégué chargé de la Culture, des Arts et du Tourisme. Puis, 24 janvier 2021, changement au sommet de l’État, dissolution de ce Gouvernement et formation d’un autre Gouvernement le 05 mars 2022.  Ensuite, le 10 février 2022, installation de Madame Valérie Kaboré comme Ministre de la Communication, de la Culture, des Arts et du Tourisme. À deux semaines de la SNC, on est en droit de s’interroger sur le sort qui lui sera réservé. Quelles propositions fera le nouveau Ministre ? Quelles décisions prendra le nouveau Gouvernement ?

LA LITTÉRATURE BURKINABÈ DOIT BEAUCOUP À LA SNC ET À SON GPNAL

Une chose est certaine depuis quelques années : à partir des années 80, la plupart des premières œuvres des auteurs ont été publiées par l’administration culturelle chargée de gérer le GPNAL. Elles l’ont été dans des ouvrages collectifs imprimés sur place Pour le Professeur Salaka Sanou (enseignant chercheur, spécialiste de littérature burkinabè, ancien Secrétaire permanent de la SNC…) « le GPNAL a joué un rôle primordial dans cette deuxième période de la littérature burkinabè que nous nommons « période de la révélation » : il a révélé de jeunes auteurs talentueux et de nouvelles œuvres ; il a surtout révélé la grande productivité de ces jeunes auteurs burkinabè. » Toujours selon lui, « c’est essentiellement à travers les concours que la jeune génération des écrivains burkinabè a été découverte et révélée. Cette période est largement occupée par Jacques Prosper Bazié qui a été lauréat huit fois. »  Continuant à être primé jusqu’en 1992, il sera déclaré « artiste du peuple » pour avoir été trois fois premier en poésie au GPNAL. À 28 ans, Jacques Prosper Bazié faisait « une entrée remarquée et remarquable sur la scène littéraire dès 1983. »

La SNC aura servi de tremplin à un bon nombre d’écrivains burkinabè et aura révélé des œuvres et des auteurs comme : Parturition (poésie) de Bernadette Dao, première au GPNAL 1984, publié par l’Imprimerie Presses africaines en 1988; Adama ou la force des choses (roman) de Pierre Claver Ilboudo, premier au GPNAL 1984, publié par Présence africaine en 1987 ; Le fou (théâtre) de Jean-Pierre Guingané, premier au GPNAL 1984, publié par CEDA en 1986 ; Secrets d’alcôve (nouvelle) d’Ignace Ansomwin Hien, premier au GPNAL 1988, publié par l’auteur à l’Imprimerie des Presses africaines en 1989 avant d’être repris dans un ouvrage collectif ; L’Enfer au paradis (roman) de Ignace Ansomwin Hien, premier au GPNAL de 1986 publié par l’auteur à l’Imprimerie des Presses africaines en 1986 ; Rougbêinga (roman) de Norbert Zongo, troisième au GPNAL de 1988, publié par l’auteur à l’Imprimerie nouvelle du Centre en 1990….

SERAIT-CE LE CRÉPUSCULE DES TEMPS ANCIENS[1] ?

On se rappelle qu’au moment de la mise en œuvre de la SNC, le « discours d’orientation politique » du Conseil national de la Révolution (CNR) affirmait tout son engagement et son attachement à la politique de promotion culturelle : « La Révolution démocratique et populaire créera les conditions propices à l’éclosion d’une culture nouvelle. Nos artistes auront les coudées franches pour aller hardiment de l’avant. Ils devront saisir l’occasion qui se présente à eux pour hausser notre culture au niveau mondial. »

La SNC propose au public des activités littéraires, des conférences, une foire artisanale et commerciale, un marché des arts, un village des communautés et de la galerie de la gastronomie africaine, une exposition des œuvres d’arts plastiques et un espace pour les enfants.

LE CRI DE L’ESPOIR[2] DES AUTEURS LITTÉRAIRES

Malgré le Dessein contraire[3], depuis Le Parachutage[4] des Forces obscures[5] et Les Tombes qui pleurent[6], nous laissant comme Orphelins des collines ancestrales[7], nous nous hisserons jusqu’Aux Miradors de l’espérance[8] pour La Saga des immortels[9]. Leurs regards sont rivés sur Madame le Ministre de la Communication, de la Culture, des Arts et du Tourisme ainsi que sur l’ensemble du Gouvernement de la Transition du Burkina Faso. Dans l’espoir que se tienne la prestigieuse SNC, pour le bonheur du secteur de la culture dont les acteurs, dans leur ensemble, ont payé et paient un lourd tribut en raison de la crise sanitaire et sécuritaire que connait notre pays. La SNC, qui toutes proportions gardées, est à Bobo-Dioulasso ce que le FESPACO est à Ouagadougou.

Koba Boubacar DAO

Poète, dramaturge et critique d’art Société des Auteurs, des Gens de l’Écrit et des Savoirs (SAGES)

[1] Titre du roman de Nazi Boni

[2] Titre d’une pièce de théâtre de Jean Pierre Guingané

[3] Titre du roman de Roger Nikiéma

[4] Titre d’un roman de Norbert Zongo

[5] Titre du roman de Roger Bila Kaboré

[6] Titre du recueil de poèmes de Pierrette Sandra Kanzié

[7] Titre d’un recueil de poèmes de Jacques Prosper Bazié

[8] Titre d’un recueil de poèmes Jacques Prosper Bazié

[9] Titre d’un recueil de poèmes Jacques Prosper Bazié