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CEDEAO: « La junte militaire doit nous aider à aider le Mali », président du Niger

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Des chefs d'Etats de la CEDEAO à l'ouverture du 57e Sommet ordinaire
Après quatre sommets tenus en visioconférence du fait de la Covid-19, les chefs d’Etats et de gouvernements de la Communauté économique Des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a, au cours d’une session ordinaire ouvert ce 7 septembre à Niamey, parlé du Mali, au sujet duquel, le président Mahamoudou Issoufou a lancé que « la junte militaire doit nous aider à aider le Mali ».
Niamey le 07 septembre 2020
Excellences Messieurs les Chefs d’Etat et de Gouvernement, chers collègues,
Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale,
Monsieur le Président de la Commission de l’Union Africaine, Mesdames et Messieurs les Chefs d’Institutions,
Monsieur le Président du Conseil des Ministres de la CEDEAO, Monsieur le Président de la Commission de la CEDEAO, Monsieur le Président du Parlement de la CEDEAO, Mesdames et Messieurs les Ministres,
Monsieur le Représentant Spécial du Secrétaire Général Nations Unies,
Monsieur le Président de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine UEMOA,
Mesdames  et   Messieurs  les   Chefs   d’Institutions                    régionales        et internationales,
Mesdames et Messieurs les Membres du Corps Diplomatique et des Organisations internationales,
Distingués Invités, Mesdames et Messieurs,
C’est avec un réel plaisir, que je vous exprime ma gratitude pour votre présence distinguée, ici à Niamey, à l’occasion de cette 57e session ordinaire de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de la CEDEAO.
Je suis particulièrement heureux de vous accueillir et de vous souhaiter chaleureusement la fraternelle bienvenue au Niger.
Ma joie de vous retrouver est d’autant plus grande qu’il s’agit de notre premier sommet en présentiel de l’année 2020 au cours de laquelle nous avons dû tenir quatre sommets en visioconférence du fait de la COVID 19.
Excellences, Mesdames, Messieurs,
En juin 2010 nos Etats avaient adopté la vision 2020 de notre communauté qui devrait nous permettre de passer en 2020 d’une CEDEAO des Etats à une CEDEAO des peuples. Cette vision a constitué les fondements de tous nos programmes communautaires. Mon mandat à la tête de notre organisation coïncide donc, avec la dernière année de cette vision, c’est-à-dire l’année du bilan.
A ma prise de fonction à la tête de notre organisation, je m’étais engagé à mettre ce mandat à profit pour faire faire à notre communauté un saut qualitatif dans au moins trois domaines que je considérais comme les grandes priorités du moment : la sécurité régionale, la consolidation des institutions démocratiques et l’intégration économique. Sur cette base, dès le mois de septembre 2019, j’effectuai une visite au siège de notre commission afin de prendre connaissance de l’état d’avancement de tous nos programmes communautaires et donner l’impulsion nécessaire pour leur accélération. Notre ambition était d’accélérer la mise en œuvre de ces programmes dans des délais très courts comme nous l’avions fait pour le programme de la zone de libre-échange continentale Africaine (ZLECAf). L’arrivée brutale de la Covid-19 au premier trimestre 2020 dans notre région, a bouleversé profondément notre mode de vie et impacté négativement sur cette ambition.
Excellences, Mesdames et Messieurs,
Notre organisation, avec un taux de croissance économique moyen supérieur à 4% dans presque la totalité des Etats membres depuis 2001 alors que la croissance mondiale plafonne à 3%, avait démenti les prophéties des cassandres de l’afro- pessimisme. Nous étions sur la voie du progrès économique quand nous avions été frappés de plein fouet, comme le reste du monde par la pandémie de la COVID19. Cette année notre région connaitra un taux  moyen de croissance de  -2,1% au lieu  de 3,3% prévu.
Sur le plan de l’intégration économique, nos différents programmes ont souffert des effets de cette pandémie qui nous a contraints à fermer nos frontières aériennes et terrestres. Les échanges commerciaux intracommunautaires ont été réduits et plusieurs économies nationales sont en crise, voire en récession.
L’agenda de notre programme de monnaie unique a été modifié. En effet l’année 2020 devrait être celle du lancement de la monnaie unique de la CEDEAO. Au dernier sommet de décembre 2019 notre conférence avait noté que 13 Etats sur 15 remplissaient au moins trois des quatre critères de convergence de premier rang. Ce sommet avait recommandé de poursuivre les efforts en vue du lancement de la monnaie commune en Juin 2020 et a pris des décisions relatives au symbole de la monnaie, au nom de la banque centrale ainsi que sur le régime de change.
En conséquence notre présent sommet doit prendre en considération cette situation et élaborer une nouvelle feuille de route tout en maintenant une approche graduelle pour le lancement de la monnaie commune conformément à la recommandation de la Task Force sur l’accélération du programme monétaire. L’occasion sera mise à profit pour clarifier la controverse née de l’annonce du lancement de l’Eco par les pays membres de l’UEMOA. Nous aurons également à échanger sur les conclusions du Sommet de la Zone Monétaire de l’Afrique de l’Ouest (ZMAO) relatif au programme de coopération monétaire.
De manière plus générale notre sommet doit définir les orientations nécessaires pour l’élaboration d’un plan régional de relance économique post-COVID19 car comme nous le verrons dans la présentation du rapport du président de la commission, tous les programmes ont été impactés négativement par la COVID 19.
Excellences, Mesdames, Messieurs,
La pandémie a cependant mis en évidence la pertinence du programme de notre communauté en matière de gestion des épidémies. En effet l’Organisation Ouest Africaine de la Santé (OOAS) a apporté une contribution inestimable dans la prévention et la gestion de la pandémie au niveau de nos Etats. En vue d’assurer une réponse efficace et concertée au niveau régional, l’Organisation Ouest Africaine de la Santé (OOAS), Institution spécialisée de la santé de la CEDEAO, a été chargée d’assurer la coordination de la riposte au niveau Régional. Elle a élaboré avec les différents Etats membres un Plan Stratégique Régional et a contribué à sa mise en œuvre par le renforcement des capacités d’intervention des Etats, la mise à leur disposition de tests, médicaments, équipements de protection individuels, ventilateurs, pour ne citer que l’essentiel.
Nous avons, pour lutter contre ce fléau, tenu un Sommet extraordinaire par visioconférence le 23 avril 2020, sommet à l’occasion duquel nous avons pris ensemble des mesures importantes. Nous avons également décidé de confier la coordination de notre réponse au niveau régional à S.E.M Muhammadu BUHARI, Président de la République Fédérale du Nigéria, Champion de la lutte contre la COVID-19 de la CEDEAO. Il nous présentera au cours de ce Sommet, ses réflexions et recommandations pour lutter encore plus efficacement contre ce fléau qui, compte tenu des mesures prises, semble être sous contrôle.
Excellences, Mesdames, Messieurs, 
La crise sanitaire est venue s’ajouter, dans notre région, à une autre crise : la crise sécuritaire liée aux menaces des organisations terroristes et criminelles.
Cette crise a fait l’objet, on s’en souvient, d’un sommet spécial à Ouagadougou le 14 Septembre 2019. A cette occasion, notre conférence a décidé de prendre à bras le corps cette question et a adopté un plan quinquennal 2020-2024 de lutte contre le terrorisme et le crime organisé dont elle a chargé la Commission de la mobilisation des financements et de la mise en œuvre y compris en procédant à l’activation de la force en attente de la CEDEAO.
Les difficultés de mobilisation des financements handicapent la mise en œuvre de ce plan. Mise à part la contribution versée par les pays membres de l’UEMOA, contribution qui a permis de contribuer à l’équipement des armées nationales des Etats membres du G5 Sahel, les autres promesses de contribution tardent à se concrétiser. Je note aussi l’annonce de la contribution du Nigeria. Je salue et remercie le Président Muhammadu Buhari. Je lance un appel à la solidarité de tous les pays membres. Leur contribution est nécessaire à l’endiguement de la menace car, comme le prouve la récurrence des attaques terroristes dans le bassin du lac Tchad et dans le sahel, l’ennemi est loin d’être vaincu. La menace s’étend et les risques sont grands qu’elle métastase dans l’ensemble de notre région. Aussi notre organisation doit-elle rapidement honorer ses promesses y compris en mobilisant sa force en attente en vue de participer à la coalition de lutte contre le terrorisme au Sahel. En effet personne ne peut comprendre que des forces spéciales européennes, à travers les opérations Barkhane et Takuba, y participent pendant que notre organisation continue à y être absente et n’assume pas les obligations qu’elle a prises dans le cadre du Protocole du 10 Décembre 1999 relatif au « Mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité ». La crise sécuritaire à laquelle nous faisons face peut durer, comme on le voit dans d’autres régions du monde. Par conséquent, pour assurer la paix et la sécurité dans notre espace commun, nous avons le devoir, non seulement d’honorer nos promesses mais aussi de concevoir et de mettre en œuvre une véritable politique de défense et de sécurité commune.
Excellences, Mesdames, Messieurs,
Les crises multiformes qui secouent notre espace commun nécessitent d’y consolider les institutions démocratiques. Celles-ci doivent être capables d’y faire face. Elles doivent être capables de garantir la paix, la sécurité, la stabilité et le progrès économique et social conformément aux promesses de nos différentes constitutions et aux dispositions du protocole additionnel sur la démocratie et la bonne gouvernance. Les démocraties, pour réussir, ont besoin d’institutions fortes. Leur échec est souvent dû à la faiblesse des Etats. Dans ce domaine il y a, à la fois des avancées et des reculs mais globalement notre région a accompli des progrès remarquables. Les processus électoraux de nos états membres ont parfois conduit à des alternances politiques démontrant ainsi que notre démocratie respire. Par le passé, notre communauté a joué un rôle fondamental dans la restauration de la démocratie au Libéria, en Sierra Léone, en Gambie, au Burkina Faso et en Guinée Bissau lorsque ces pays étaient en crise. Elle participe activement à la préparation, au financement et à l’observation des élections dans tous nos Etats.
Comme on le sait le dernier trimestre de l’année 2020 comporte de nombreux défis pour notre communauté en matière électorale. Des élections présidentielles sont en effet prévues au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire, au Ghana, en Guinée Conakry et au Niger ainsi qu’au Benin dans le courant du premier trimestre 2021. Nous devons veiller à ce que à ce que notre communauté conserve son leadership en matière de consolidation des institutions démocratiques. Ces élections annoncées font suite à celles déjà organisées au Togo, en guinée Bissau et au Mali.
Au Togo les élections se sont déroulées dans le calme et de manière satisfaisante. Je renouvelle donc mes félicitations au Président Faure Gnassingbé pour sa réélection.
En Guinée Bissau conformément à la feuille de route définie par la 55e session ordinaire de notre conférence, le premier et le second tour de l’élection présidentielle se sont déroulées également dans des conditions jugées satisfaisantes par les observateurs de la CEDEAO et des autres organisations. Je renouvelle ici toutes mes félicitations au Président élu à l’issue du deuxième tour, Mr Umar Sissoko Embalo. Grace aux efforts d’accompagnement de notre communauté, le climat politique a été apaisé et toutes les institutions de Gouvernance du pays sont en place. La Guinée Bissau dispose désormais d’un président élu, d’un parlement et d’un Premier Ministre consensuel dont le programme politique a été adopté par le parlement. Aujourd’hui nous pouvons nous féliciter de ce que la crise politique de la Guinée Bissau, qui a été au centre de nos préoccupations tout au long de la décennie, est à son terme. C’est un succès indéniable de notre communauté. Je voudrais encourager le Président Embalo, qui participe physiquement pour la première fois à notre sommet en qualité de chef d’Etat, à engager les réformes institutionnelles nécessaires pour assurer la stabilité du pays.
Au Mali, les dernières élections législatives ont fait l’objet de contestation suite à la proclamation, en Avril 2020, des résultats définitifs, par la Cour constitutionnelle, ce qui a été l’élément déclencheur d’un mouvement de protestation qui a conduit au coup d’Etat du 18 août 2020 aggravant ainsi la crise politique. Cette situation a été au centre de nos préoccupations et nous lui avons consacré trois sommets virtuels en plus d’une mission de médiation de cinq chefs d’Etat et de la médiation du Dr Goodluck Jonathan, ancien Président de la République Fédérale du Nigeria, médiateur désigné par la CEDEAO pour le Mali.
Au cours de ces sommets nous avions réaffirmé notre détermination pour l’application stricte de notre protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance qui stipule que toute accession au pouvoir doit se faire à travers des élections libres, honnêtes, et transparentes et que tout changement anticonstitutionnel est interdit de même que tout mode non démocratique d’accession ou de maintien au pouvoir. Nous avons pris des sanctions et demandé à la junte militaire de regagner les casernes afin que l’armée puisse se concentrer sur sa mission traditionnelle, en l’occurrence la guerre contre le terrorisme et le crime organisé. Nous avons aussi demandé la mise en place d’une transition, d’une durée de 12 mois maximum, dirigée par des civils.
Le Mali a plus que jamais besoin de stabilité pour que les aspirations fortes du peuple Malien à la sécurité, au développement soient pleinement satisfaites. Il est du devoir de notre communauté d’assister les Maliens en vue d’un rétablissement rapide de toutes les institutions démocratiques. La junte militaire doit nous aider à aider le Mali. Nous fondons l’espoir qu’elle répondra favorablement aux mesures prises par notre communauté. D’autres partenaires stratégiques du peuple Malien fondent le même espoir. Ne les décevons pas.
Excellences, Mesdames, Messieurs,
Au Mali comme ailleurs nous devons continuer à approfondir notre vision d’une CEDEAO des peuples. Une étape décisive de la réalisation de cette vision serait l’élection des députés du parlement de la CEDEAO au suffrage universel direct.
Au-delà et puisque nous sommes à l’horizon 2020, terme fixé par conférence pour passer d’une CEDEAO des Etats à une CEDEAO des peuples, nous devons encourager la commission de la CEDEAO à élaborer et à nous soumettre une nouvelle réflexion stratégique qui doit tenir compte de l’agenda continental 2063 qui vise une « Afrique intégrée, prospère et pacifique, dirigée par ses propres citoyens, et représentant une force dynamique sur la scène internationale ». Nous devons aligner notre vision sur celle de l’agenda 2063. Nous devons considérer toutes les crises sanitaire, sécuritaire, politique et économique comme des opportunités. L’histoire ne repasse pas les plats dit-on. Profitons donc des occasions qu’elle nous offre pour accélérer l’intégration régionale et continentale. Nos responsabilités sont immenses et redoutables. Seule notre union nous permettra de les assumer. Pour paraphraser Kwamé Nkrumah, nous devons nous unir ou périr.
Je reste confiant sur la qualité de nos discussions et la justesse des décisions que nous prendrons ensemble pour renforcer notre coopération régionale et pour contribuer à l’intégration continentale à travers notamment la zone de libre-échange continentale dont notre région a l’honneur d’abriter le siège au Ghana et dont le nouvel agenda prévoit le démarrage des transactions au mois de Janvier 2021.
Je saisis cette opportunité pour adresser à nouveau nos remerciements à l’Union Africaine, aux Nations Unies et à tous nos partenaires bilatéraux et multilatéraux qui nous accompagnent sur les problématiques de paix, de sécurité et de développement.
Mes remerciements vont également à Monsieur Jean-Claude Kassi Brou, Président de la Commission et à l’ensemble de ses collaborateurs, dont la disponibilité et la compétence ont facilité l’exécution du mandat que vous m’avez confié.
Je souhaite pleins succès à notre conférence dont je déclare ouverts les travaux.
Vive l’intégration régionale Vive l’intégration Africaine
Je vous remercie de votre amiable attention