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Cheikh Anta DIOP  et la crise sécuritaire au Burkina

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«A l’occasion du Centenaire ce 29 décembre 2023 de la naissance de l’IMMENSE Cheikh Anta DIOP, je voudrais convoquer sa pensée en relation avec la recherche de solution de sortie de la crise sécuritaire que traverse notre pays depuis 2015.» Ainsi introduit sa tribune, Mamadou Diallo très productif sur les pistes de sortie de la crise sécuritaire que vit le Burkina Faso.

Je voudrais pour ce faire, en introduction de mon propos, emprunter ceux du Docteur Cheikh Tidiane GADIO ancien ministre des Affaires Etrangères de la République du Sénégal, rapportés par le Journal Sénégalais Sud Quotidien du 5 janvier 2000 : « …. (Le) Pr (Cheikh Anta) DIOP est incontestablement ‘‘ l’Africain du XXème siècle ’’ qui nous a le plus armé pour les batailles et les victoires du siècle qui meurt et du siècle qui nait laborieusement, sous nos yeux, dans la douleur et l’espoir d’un rendez-vous réussi avec la renaissance africaine ».

L’œuvre éditoriale inaugurale majeure du combat pour l’Afrique de Cheikh Anta DIOP qui aurait fêté son centième anniversaire le 29 décembre 2023 est « Nations nègres et culture. De l’antiquité égyptienne aux problèmes culturels de l’Afrique Noire d’aujourd’hui ». Cet ouvrage édité en 1954 par Présence Africaine a été suivi de son vivant de 5 autres ouvrages majeurs :

  • L’Unité culturelle de l’Afrique Noire. 1960
  • L’Afrique Noire pré-coloniale. 1960
  • Les fondements économiques et culturels d’un Etat Fédéral d’Afrique Noire. 1960
  • Antériorité des civilisations nègres : Mythe ou vérité historique ? 1967
  • Civilisation ou Barbarie. 1981

A titre posthume, Présence Africaine a édité en 1988 « Nouvelles recherches sur l’égyptien ancien et les langues africaines modernes ».

On peut ainsi entrevoir l’étendue intellectuelle du combat de Cheikh Anta pour une Renaissance Africaine dont lui-même souligne ainsi la portée : « Le Nègre ignore que ces ancêtres, qui se sont adaptés aux conditions matérielles de la vallée du Nil, sont les plus anciens guides de l’humanité dans la voie de la civilisation ; que se sont eux qui ont créé les Arts, la religion ( en particulier le monothéisme), la littérature, les premiers systèmes philosophiques, l’écriture, les sciences exactes (physique, mathématiques, mécanique, astronomie, calendrier….), la médecine, l’architecture, l’agriculture, etc. à une époque où le reste de la terre (Asie, Europe, Grèce, Rome….) était plongé dans la barbarie ».

On peut synthétiser le sens profond de ce combat en empruntant les mots de Théophile Obenga : « La prise de conscience de l’histoire est un double acte : (a) acquérir une conscience de plus en plus aigüe de la profondeur historique du monde tel qu’il a vécu ; (b) et aussi, corrélativement, acquérir une conscience de participer à l’histoire, de faire l’histoire. La conscience historique est de l’ordre de l’éveil, de la possibilité de choix, c’est-à-dire, en bref, de l’ordre même de la liberté. Les « accidents » de l’histoire (traite négrière, colonisation, traumatismes économiques, politiques, culturels, psychologiques) ont rendu le peuple africain noir amnésique : la mémoire historique collective du peuple africain a été atteinte, profondément. Cheikh Anta Diop a entrepris une œuvre fondamentale pour la restauration de la conscience historique africaine ».

C’est dire que la singularité de la présence de l’Afrique Noire au monde, soulignée par Cheikh Anta peut et doit être assumée. Cette singularité tient précisément aux valeurs africaines qui en font une énigme pour l’essentiel de la pensée intellectuelle moderne.

On entend très souvent dans nombre de discours publics et de propos privés l’évocation des valeurs africaines, soit pour les célébrer, soit pour regretter qu’elles ne soient plus ce qu’elles étaient.

Il ne s’agit pas de cela ; encore moins de la comédie des ‘‘bonnets rouges’’ en politique, de leur syndicalisation et de leur constitutionnalisation. Il s’agit pour ainsi dire, de retrouver la boîte noire qui nous permettrait de comprendre la dynamique anthropologique et sociale des sociétés villageoises africaine contemporaines, d’y repérer ce qui est théoriquement concevable comme modèle avancé de notre temps et de construire ainsi notre propre modernité.

Ce sont ces valeurs négro-africaines qui font de nos sociétés villageoises contemporaines ce qu’elles sont et non pas ce que l’on voudrait qu’elles soient !

Vouloir se déprendre de la Civilisation occidentale qui a mis l’Afrique noire aux bans de l’Humanité, sans faire ce travail de compréhension et d’appropriation assumée de manière opératoire, c’est comme Cheikh Anta l’a dit, faire comme cet esclavage qui, une fois libéré et ne sachant que faire, retourne tranquillement et tragiquement auprès de son ancien maitre.

Cheikh Anta DIOP est souvent célébré à juste titre pour avoir soutenu scientifiquement que l’Egypte pharaonique a été l’œuvre de Nègres. C’est désormais un fait historique incontestable.

Il importe d’aller de l’avant ; et, pour ce faire, d’identifier les fondements (l’infra-texture) des réalisations civilisationnelles de l’Égypte pharaonique et de bien prendre conscience, qu’elle aussi, est historiquement située. L’œuvre de Cheikh Anta DIOP montre à souhait, que les réalisations civilisationnelles de l’Égypte pharaonique, sont assises sur des connaissances scientifiques et techniques, mais aussi sur des valeurs qui en ont articulé le sens moral et éthique pour ses habitants et sa société.

A cet égard Cheikh Anta soulignait dans l’introduction de son ouvrage Civilisation ou Barbarie : « Donc pour nous, le fait nouveau, important, c’est moins d’avoir dit que les Egyptiens étaient des Noirs à la suite des auteurs anciens…… que d’avoir contribué à faire de cette idée un fait de conscience historique africaine et mondiale et surtout, un concept scientifique opératoire : c’est ce que n’avaient pas réussi à faire nos prédécesseurs (souligné par moi) ».

Cheikh Anta DIOP pour ce faire en a tracé les perspectives opératoires notamment quand il indique : « Aujourd’hui encore, de tous les peuples de la terre, le Nègre d’Afrique noire, seul, peut démontrer de façon exhaustive, l’identité d’essence de sa culture avec celle de l’Égypte pharaonique, à telle enseigne que les deux cultures peuvent servir de systèmes de références réciproques. Il est le seul, à pouvoir se reconnaître encore de façon indubitable dans l’univers culturel égyptien ; il s’y sent chez lui ; il n’y est point dépaysé comme le serait tout autre homme, qu’il soit indo-européen ou sémite (……)

Les études africaines ne sortiront du cercle vicieux où elles se meuvent, pour retrouver tout leur sens et toute leur fécondité, qu’en s’orientant vers le Nil.

Réciproquement, l’égyptologie ne sortira de sa sclérose séculaire, de l’hermétisme des textes, que du jour où elle aura le courage de faire exploser la vanne qui l’isole doctrinalement, de la source vivifiante que constitue pour elle, le monde nègre ».

Sans conteste, nos sociétés villageoises contemporaines vivent encore aujourd’hui la plénitude de la culture nègre et ses valeurs ; elles constituent par excellence le monde nègre dont parle Cheikh Anta.

La plus grande réalisation civilisationnelle du monde nègre contemporain burkinabè est sans doute le façonnage de nos sociétés villageoises actuelles dont l’originalité politique et institutionnelle peut être ainsi résumée : nos sociétés villageoises contemporaines sont multinationales : ethnies, lignages, clans, tribus y co-existent et organisent leur vivre-ensemble sur la base de leurs propres règles et institutions, à l’écart du système politique et institutionnel officiels ; on y naît, on y vit, on y quitte le monde de manière endogène pour tout dire, en dépit des emprunts et d’un certain syncrétisme religieux. Les conflits n’y manquent et avec souvent aussi leurs morts d’hommes ; mais aussi on peut noter des modalités pour leur gestion et règlement.  Ce sont là sans aucun doute, les prémices puissantes et crédibles d’un Etat Multinational Délibératif et Participatif qui nous permettrait de dépasser l’Etat-Nation postcolonial dont l’échec à porter notre vivre-ensemble de manière crédible et viable est à présent sans équivoque avec la crise sécuritaire.

Tel est le sens profond de l’axe d’efforts qui selon moi, doit nous guider dans l’identification des fondements historiques, anthropologiques et politiques pour la construction d’une stratégie politique viable et crédible pour le retour à une paix durable au Burkina Faso à savoir :  imposer par une mobilisation populaire pacifique, un Cessez-Le-Feu durable et l’ouverture d’un dialogue communautaire à la base avec les combattants djihadistes dont la conduite, les résultats et leur mise en œuvre efficace seront les jalons déterminants de la Refondation du vivre-ensemble et de l’Etat.

Tel est aussi le sens profond de mon appel pour une mobilisation populaire pacifique pour gagner la Paix et engager la Refondation au Burkina Faso https://www.wakatsera.com/burkina-pour-la-fin-de-la-guerre-et-le-retour-a-une-paix-durable/

Tel est enfin le sens profond de mon plaidoyer pour l’émergence et la massification d’une élite organique c’est-à-dire, une élite nourrie de la pensée de Cheikh Anta DIOP dont je vous invite à découvrir une synthèse de la vie et de son apport à l’Afrique à travers le lien Portrait de Cheikh Anta DIOP-Kemtiyu.

DIALLO Mamadou

adidiam@yahoo.fr