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Chemin de fer Burkina-Ghana: les ministres Dabilgou et Amewu font le point sur le projet censé démarrer en 2020

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Une vue des conférenciers avec la responsable du SIG

Le ministre burkinabè en charge des Transports, Vincent Dabilgou et son collègue, le ministre du Développement du chemin de fer du Ghana, John Peter Amewu, ont co-animé ce jeudi 25 mars 2021, une conférence de presse à Ouagadougou pour faire le point sur l’état d’avancement et les perspectives du projet portant interconnexion de la ligne ferroviaire Burkina-Ghana longue de 1 102 kilomètres pour un coût minimal de réalisation estimé à 4,7 milliards d’Euros, qui devait démarrer en 2020. A en croire, le ministre Vincent Dabilgou, le projet démarrera dans le premier trimestre de 2022.

Un projet économiquement « viable »

Depuis 2018, les présidents burkinabè, Roch Marc Christian Kaboré et ghanéen, Nana-Addo Dankwa Akufo-Addo, dans leur vision « intégratice et panafricaniste », à l’issue d’une rencontre de travail les 4 et 5 mai 2017 à Ouagadougou et les 17 et 18 septembre 2018 à Accra, ont acté le plan d’actions de mise en œuvre du projet de chemin de fer qui doit relier les deux pays. Mais depuis lors, les deux peuples se demandent concrètement à quel niveau se trouve ce projet qui raffermira à n’en pas douter leurs liens.

Face à la presse ce jeudi à Ouagadougou, les deux ministres, après avoir donné des explications sur le projet intégrateur, ont répondu aux questions des journalistes qui ont pris d’assaut la salle de conférence du Service d’Information du Gouvernement (SIG). Dans leur déclaration liminaire, les deux membres de gouvernements ont rassuré de la « ferme volonté et de l’engagement » du Burkina Faso et du Ghana à concrétiser la réalisation de l’interconnexion de la ligne ferroviaire qui reliera le port de Tema au Ghana et Ouagadougou au Burkina Faso pour favoriser le brassage des peuples burkinabè et ghanéen déjà unis par des liens multiséculaires sur les plans historiques et géographique.

« Théoriquement, il existe une corrélation entre croissance démographique et besoins de mobilité durable à l’intérieur des Etats et entre eux. Les transports jouent un rôle central dans le développement national et local équilibré en permettant d’accéder matériellement aux marchés, sans quoi aucun échange ne serait possible », a d’abord fait savoir Vincent Dabilgou avant de noter que le projet est économiquement viable. Le chemin de fer Burkina-Ghana permettra d’avoir un trafic estimé entre « deux à trois millions de passagers par an » et pour le fret, les prévisions de transport se chiffrent entre « sept à 17 millions de tonnes l’an », a-t-il indiqué.

Les populations burkinabè et ghanéenne sont « les mêmes peuples. (Elles) ont les mêmes traditions », a réitéré le ministre du Développement du chemin de fer du Ghana, John Peter Amewu qui a salué « la vision stratégique des deux présidents panafricains (qui) veulent que le projet soit réalisé dans un bref délai ». Pour lui, le Burkina Faso et le Ghana ont le « devoir » de concrétiser cette opération pour « accélérer la croissance et le développement économique des deux pays pour faciliter les échanges commerciaux et sociaux ».

Le ministre burkinabè en charge des Transports, Vincent Dabilgou

Les deux ministres ont convenu que le retard dans la réalisation de ce projet est dû à la pandémie de la Covid-19 qui a obligé plus d’une année les pays du monde entier à limiter les déplacements de leurs citoyens ou l’accès des étrangers à leur territoire. Aussi, les deux pays ont eu presqu’à la même période, des élections notamment présidentielles qui ont joué fortement sur l’état d’avancement du projet de l’interconnexion de la ligne moderne ferroviaire devant relier Tema à Ouagadougou. « Mais, aujourd’hui, 80% du projet est finalisé », a rassuré John Peter Amewu.

Le dossier final sera présenté à trois consortiums sélectionnés le 15 avril

Les différentes rencontres entre les deux pays, pilotées par le comité conjoint d’experts qui a travaillé alternativement au Burkina et au ghana, appuyé par la mission d’assistance technique, a permis de faire l’évaluation multicritère des entreprises et trois consortiums que sont « China Railway N°10, African Global Development et Frontline Capital Advisors » ont été retenus sur 16 entreprises au départ. Selon les explications des conférenciers, le 15 avril prochain à Accra, les deux pays présenteront le dossier final du projet aux trois entreprises afin qu’elles donnent leur avis final d’ici les trois mois qui vont suivre la rencontre. Ce qui permettra au Burkina et au Ghana de choisir leur partenaire avec qui ils vont négocier le contrat de partenariat public-privé (PPP) pour la réalisation du projet.

Pour les deux membres du gouvernement, la ligne ferroviaire entre leur deux pays ont des atouts énormes car le chemin de fer « est plus compétitif que la route pour l’acheminement des produits pondéreux (céréales, engrais, ciment, hydrocarbures, fibres de coton) sur des distances relativement longues en raison de la forte dégressivité des coûts en fonction de la distance à parcourir ». Le chemin de fer exploité dans des conditions normales, « permet d’évacuer rapidement des tonnages plus importants, notamment par la composition de trains blocs ». Aussi, il présente une « fiabilité sécuritaire pour les personnes et les biens, et est moins polluant ».

Ce projet, a ajouté M. Dabilgou, a, entre autres, pour objectifs : « l’amélioration de la balance commerciale des deux pays à travers une facilitation des transports et l’optimisation des coûts d’exploitation des véhicules automobiles par le basculement des surcharges sur le chemin de fer ; la stabilisation des coûts de transport entraînant une réduction du prix des marchandises ; la création de plus de 30 000 emplois directs et indirects pendant la phase de construction ».

Cette ligne ferroviaire vise également à « améliorer les conditions économiques des zones traversées et la création d’activités génératrices de revenus dans les gares et tout le long du chemin de fer ; amélioration de l’écoulement des produits de la zone de Bagré-pôle sur le marché ; l’amélioration des exportations de minerais vers les ports ; l’amélioration de la sécurité et de la sûreté des transports terrestres ; la réduction de la pauvreté locale et la préservation du réseau routier, sujet à des dégradations précoces résultant des surcharges ».

Les dispositions juridiques du projet

Pour ce projet, une sélection par appel d’offres international précédé de pré-qualification, d’un partenaire privé chargé, sur fonds propres, de construire, exploiter et transférer en fin de concession, la liaison ferroviaire a été lancée. Aussi, il a été lancé le recrutement d’une mission d’assistance-conseil pour assister les deux gouvernements dans les domaines de l’ingénierie ferroviaire, l’analyse juridique et l’évaluation économico-financière. Ainsi, le comité d’expert a recruté la mission d’assistance technique à savoir le consortium italo-ghanéen « Team Engineering/Vision Consult ».

Le ministre du Développement du Chemin de Fer du Ghana, John Peter Amewu

Cette structure est chargée de fournir aux deux pays, des services d’assistance-conseil en ingénierie ferroviaire, juridique et économico-financier. Plus précisément, la mission de l’Assistant technique porte sur « la réalisation des études préliminaires et de faisabilité, l’appui à la sélection du partenaire privé, la validation des études techniques, le suivi-contrôle et la réception des travaux de construction de la liaison ferroviaire », selon le ministre des transports burkinabè.

Seize entreprises ont manifesté leur intérêt pour le projet mais le comité conjoint d’expert a retenu douze entreprises dans cette phase dans un premier temps. Par la suite, ces entreprises ayant été toujours soumises à d’autres critères, c’est finalement trois entreprises consortiums, « techniquement aptes et financièrement fortes » pour réaliser le projet qui ont été retenues.

Pour la phase de construction de la liaison ferroviaire, le Burkina Faso et le Ghana doivent accompagner le partenaire privé, par l’établissement d’un régime fiscal et douanier particulier harmonisé en s’inspirant des dispositions favorables du code des investissements applicables au Burkina Faso et au Ghana.

Etat de l’exécution des activités programmées

Le tracé de la ligne ferroviaire est effectif. L’itinéraire en territoire burkinabè part de Ouagadougou, dessert Kombissiri, Manga, Béguédo, Garango, Tenkodogo, Bagré-Pôle, Zabré, Pô, et se termine au lien frontalier avec Dakola-Paga, soit une distance totale d’environ 320 KM. Quant au tracé en territoire ghanénen, il débute au port de Tema, longe la partie est du pays et chemine vers le port fluvial d’Akosombo pour desservir Ho et Yendi au Nord. La ligne rejoint ensuite Tamalé pour emprunter la colonne vertébrale centrale et continuer jusqu’à Paga en passant par Walewakle, Bolgatanga et Vavrongo, soit une distance totale de 782 KM. Il faut noter qu’environ « 90 kilomètres entre le port de Tema et Akosombo sont déjà en construction sur fonds propres du gouvernement ghanéen », a précisé Vincent Dabilgou.

Caractéristiques techniques du projet

Le projet sera exécuté selon les standards internationaux comme suit : « vitesse trains voyageurs 160 Km/h et trains marchandises 120 km/h, la ligne sera en une voie unique à écartement normal 1 435 millimètres, rails type UIC 60, charge à l’essieu : 25 tonnes (OA) et 23 tonnes (voie), systèmes de télécommunication et de signalisation par câbles à fibres optiques, emprise du couloir 60 mètres, 55 gares dont 10 au Burkina Faso ».

Les études préliminaires et de faisabilité doivent démontrer que le projet a un taux de Rentabilité Interne (TRI) minimal de 12,81% et dans le cas de ce projet, les ministres ghanéen et burkinabè y évoquent même « 14% de TRI » qui seront à même d’appâter le partenaire du contrat qu’ils vont choisir. Les deux pays comptent sur le potentiel minéralier de fer du Ghana, de manganèse et de phosphate au Burkina Faso qui ont permis de démontrer le TRI au-dessus de 14% à nos jours.

Par Bernard BOUGOUM