Accueil Culture Cimetière de Gounghin: Le Maestro inhumé après des hommages et témoignages

Cimetière de Gounghin: Le Maestro inhumé après des hommages et témoignages

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Enterrement de Idrissa Ouédraogo au cimetière municipal de Gounghin

Plusieurs personnes notamment des professionnels du cinéma et autorités politiques ont accompagné ce mardi 20 février le « Maestro » du Septième art burkinabè, Idrissa Ouédraogo, décédé dimanche des suites de maladies, à sa dernière demeure au cimetière municipal de Gounghin à Ouagadougou. Distinction et témoignages ont été les moments qui ont ponctué la cérémonie en hommage au baobab du cinéma burkinabè. Le « Maestro » que le monde de la culture pleure aujourd’hui est reconnu pour son « esprit d’ouverture, sa vision, son génie, sa disponibilité, sa générosité et son franc-parler ».

Que de superlatifs pour qualifier l’œuvre de Idrissa Ouédraogo, distingué à la Dignité de Grand Officier de l’Ordre national pour service rendu à la nation, car étant le porte-flambeau du cinéma burkinabè hors de nos frontières, avant son inhumation en présence, notamment, d’amis, parents et cinéastes.

Parti de Dassasgho, un quartier populaire situé à l’Est de Ouagadougou (la capitale du cinéma africain), pour le cimetière de Gounghin, le long cortège funèbre a marqué deux arrêts au niveau du rond-point des cinéastes dans le centre-ville de la capitale burkinabè, et au niveau du siège du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespcao) où le Maestro comme on l’appelle affectueusement, a reçu des hommages dus à son rang.

Le Directeur général du Festival panafricain et de la Télévision de Ouagadougou (FESPACO), Ardiouma Soma, lors de l’escale au siège de son institution pour présenter l’Etalon d’Or de Idrissa Ouédraogo

C’est sous une musique officielle du FESPACO qui a alerté les riverains de l’avenue du Kadiogo et autre curieux, que le Directeur général du Fespaco, Ardiouma Soma, la gorge nouée de douleur, a prononcé son discours d’au revoir à Idrissa Ouédraogo, l’une des « pièces maîtresses » de l’organisation du cinquantenaire du Fespaco prévu pour 2019.

« Félicitations Idrissa Ouédraogo et à Dieu ! Voici ton Etalon d’Or de Yennenga (remporté en 1991, NDLR) », a pu souffler M. Soma qui a demandé à l’assistance qui avait observé un silence total, de l’accompagner par des « applaudissements nourris (car) il le mérite ». « Tu nous quittes mais tu ne nous quittes pas. Nous sommes ensemble. Ton parcours artistique va nous inspirer au quotidien », a-t-il conclu, avant que le cortège ne reprenne la voie en direction du cimetière municipal de Gounghin.

« Tout homme doit mourir un jour, mais tous les morts n’ont pas  même la signification », introduit le maître de cérémonie, Guesbeogo Zango dit Alexandre le Grand, au début de la cérémonie au cimetière de Gounghin où la dépouille mortuaire de Idrissa Ouédraogo, le « visionnaire » a été exposé pour la distinction et les honneurs militaires dus à son immensité.

« Idrissa Ouédraogo dont nous pleurons la mort aujourd’hui a eu la chance et le talent de magnifier la culture africaine à un très haut niveau à travers ses œuvres cinématographiques, et surtout a donné ses lettres de noblesses au cinéma burkinabè. Salut l’artiste ! », poursuit-il avant de passer la parole au premier intervenant à savoir le représentant de la famille du défunt.

La fille de Idrissa Ouédraogo, faisant ses derniers adieux à son père

« Papa, tes appels vont nous manquer mais tes conseils seront toujours là. Je n’oublierai jamais quand tu me disais Nora, ne soit jamais complexé. N’ait jamais honte de qui tu es et d’où tu viens. Papa nous supportait dans tout », déclare une des filles de Idrissa Ouédraogo au nom de la famille. La Jeune fille qui a pu dominer sa peine et sa douleur le temps de son discours, termine en ces termes : « ce fut un honneur d’avoir été proche de toi papa. Qu’Allah te facilite! »

Emmanuel Sanon, porte-parole des cinéastes africains

Le représentant des cinéastes, Emmanuel Sanon, quant à lui a souhaité que leur collègue « aille en paix (car) un artiste ne meurt pas. Tu seras toujours dans nos esprits », avant de noter que Maestro « s’en est allé sans crier gare ». Il a promis devant l’assistance que les projets du baobab du cinéma, ses « derniers rêves, ne mourront pas ».

Témoignages après l’enterrement…

Ignace Hippolyte Ouangrawa dit M’Babouanga

« Nous pleurons aujourd’hui Idrissa Ouédraogo qui nous a quitté mais ne nous a pas quitté », nous fait savoir le célèbre acteur Ignace Hippolyte Ouangrawa, qui estime que le baobab du cinéma « a changé seulement de lieu. Nous devons continuer vu les œuvres qu’il a réalisées en amenant la jeune génération à comprendre ce qu’il a fait et à faire mieux  car c’est ce qui fera plus sa fierté ».

Selon lui, la spécificité de Idrissa Ouédraogo, est le fait qu’il est « quelqu’un d’imprévisible dans la création, c’est ça qui fait l’artiste. Il se remet toujours en cause pour mieux faire. Il a fait de moi un homme dans tous ses films où j’ai été acteur ».

La réalisatrice burkinabè Valérie Kaboré

« J’ai été à mes débuts, son attaché de presse au niveau national et international en 1992 quand il a fait son film Samba Traoré qui a eu grand succès », dit pour sa part la réalisatrice Valérie Kaboré, témoignant que le Maestro « était franc et direct en tant que conseiller et aîné dans le cinéma au Burkina ».

Elle affirme vivre face au décès, une « forte en émotion car la dernière fois (qu’ils s’étaient) vus le 1er février, c’était au cimetière de Gounghin (sur ce même lieu) à un enterrement ». Elle conclut en disant que : « Nous sommes tous des croyons car on ne meurt pas tant que son jour n’est pas arrivé. Nous prions seulement Dieu qu’il l’accepte auprès des siens et veille sur ses enfants et proches ici-bas ».

L’artiste musicien Oscibi Johann, à l’état civil Sibiri Ouédraogo

« J’ai connu l’homme (Idrissa Ouédraogo) à travers l’écran puisqu’étant né en Côte d’Ivoire. Il a été une motivation pour moi puisqu’à chaque fois quand on disait Idrissa Ouédraogo, grand cinéaste burkinabè, cela m’encourageait à connaître où se trouve mon pays », s’exprime, un peu détendu, l’artiste musicien Oscibi Johann à l’état civil Sibiri Ouédraogo qui avoue avoir « eu la chance de le connaître ». « C’est un monsieur très grand en matière de connaissance mais vraiment très simple sur le plan social », retient Oscibi Johann de ce cinéaste. Selon lui, Idrissa Ouédraogo, son « Kôrô, aimait taquiner, donner la joie de vivre. J’encourage les jeunes cinéastes burkinabè à perpétuer ses œuvres car il est un exemple en matière culturel ».

La cérémonie a connu la participation d’une forte délégation venue des peuples frères du Mali, Niger, Côte d’Ivoire, Sénégal et de la France, entre autres, pour marquer leur solidarité à leurs frères cinéastes burkinabè.

Par Mathias BAZIE