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Côte d’Ivoire: pourquoi l’Eglise catholique ne marchera plus

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Jean-Pierre Cardinal Kutwa

La marche projetée le 15 février 2020 par l’Eglise catholique de Côte d’Ivoire, n’aura pas lieu. Ainsi en a décidé le clergé catholique au cours d’une conférence de presse animée ce dimanche 26 janvier 2020 à la cathédrale Saint Paul du Plateau, le cœur de la capitale ivoirienne, Abidjan. Le porte-parole de l’Eglise, le père Augustin Obrou, explique les raisons de cette volte-face. «Son Eminence Jean-Pierre Cardinal Kutwa, conscient de la primauté de Dieu et de la nécessité de la paix pour la réconciliation maintient cette prière rogatoire en faveur de la paix en Côte d’Ivoire qui se tiendra le samedi 15 février 2020. Cependant, face aux dangers d’infiltration et soucieux de la sécurité de ses fidèles, Son Eminence demande que cette journée de prière se tienne exclusivement au sein de la cathédrale Saint-Paul du Plateau», a dit le Père Obrou à la presse. Cette manifestation, baptisée «Allons à la paix», était initiée depuis octobre 2019 par les jeunes du diocèse d’Abidjan et n’est donc pas «une réaction relative aux messages des évêques à l’issue de leur 114è Assemblée plénière tenue le 19 janvier 2020 dans le diocèse de Korhogo», a fait savoir l’homme de Dieu. «Si l’on n’y prend garde, cela risque de dénaturer l’objectif premier de cette marche qui est la recherche de la paix et la sensibilisation contre la non-violence en période électorale», a ajouté le porte-voix des catholiques.

Il faut dire que le projet de cette marche était mal parti au regard de l’appel en renfort de certains partis politiques qui ont demandé à leurs militants de battre le pavé aux côtés des catholiques. «Vous savez par la presse, depuis quelques jours que même certains grands religieux appellent, le 15 février, à une marche pour soutenir ces exigences. Tous tant que vous êtes et qui partagez ces convictions qui sont d’ordre purement pratique, à tous, je vous demande de vous associer à cette marche pour la paix et faire en sorte que le pouvoir entende raison. Voici les missions essentielles que je vous demande au moment où vous allez vous mettre sur le terrain», a lancé, le 23 janvier 2020, depuis son fief de Daoukro, Henri Konan Bédié, le président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI). Cette sortie du «Sphinx» de Daoukro, était du pain bénit pour certains responsables du Rassemblement des Houphouétistes pour la paix et la démocratie (RHDP), le parti présidentiel, pour dénoncer une connivence entre l’Eglise et les catholiques. Sur les réseaux sociaux, des vidéos ont circulé appelant à faire la peau aux catholiques s’ils s’aventuraient dans la rue.  Sur Facebook, un individu répondant au nom de Kamagaté Youssouf n’a pas hésité à lancer l’appel à un «pogrom» contre les catholiques. «Le 15 février, ça sera à chacun son catholique. On va verser un peu leur sang comme pour leur Jésus là», a-t-il écrit. La police serait aux trousses de l’auteur de ces propos haineux, depuis la publication de ce post qui a vite disparu de la toile. «La police a bien pris connaissance et acte de la publication bien que le compte ait été supprimé quelques minutes après la publication condamnable. La police travaille à retrouver l’auteur et à faire appliquer la loi», a promis la direction générale de la police. Le sulfureux Touré Al Moustapha a, quant à lui, lancé une «fatwa» contre cette marche qui aurait été une première dans les annales de l’histoire de la Côte d’Ivoire.  «Ivoiriens, ivoiriennes, nous sommes dans un pays de paix. La Côte d’Ivoire aujourd’hui qu’on le veuille ou pas, est un pays émergent. Alors un appel aux religieux pour prier pour la paix, c’est dans l’église. Nous avons appris qu’il y a des chrétiens catholiques qui veulent marcher le 15 février 2020. Le mouvement Zéro Victime dit non à la marche du 15 février sinon, nous appellerons tout le peuple à les rejoindre pour cette marche», a annoncé Touré Al Moustapha, sous forme de menace, ce samedi 25 janvier 2020 à Yopougon.

Les catholiques qui ont pris la pleine mesure de ces menaces, ont donc confiné leur manifestation à une prière pour la paix.

Mahamadou Doumbia, correspondant Wakat Séra en Côte d’Ivoire