Accueil Editorial Coup d’Etat au Burkina: la CEDEAO se rapproche-t-elle enfin des peuples?

Coup d’Etat au Burkina: la CEDEAO se rapproche-t-elle enfin des peuples?

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Le président de la transition burkinabè, le Lieutenant-colonel Paul Henri Sandaogo Damiba

Aucune sanction supplémentaire de la part de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) contre la junte qui a chassé du pouvoir le président démocratiquement élu et réélu du Burkina Faso, Roch Marc Christian Kaboré. Ce dernier, pour éviter un bain de sang pour son pays, a-t-il dit, a signé sa lettre de démission, en un temps record, le même lundi 24 janvier, jour du coup de force. Le locataire de Kosyam, le palais présidentiel, abandonne ainsi, les clés de la maison dans les mains du lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, le balayeur en chef d’un régime auquel il est reproché la mal gouvernance et son incapacité à faire face aux attaques armées qui endeuillent, presque chaque jour, les populations civiles et les Forces de défense et de sécurité. L’histoire qui a commencé sur les bords du Djoliba, pour faire une halte sur les sommets du Mont Nimba avant de mettre pleins gaz sur la capitale du cinéma africain.

Mais cette fois-ci l’Etalon d’or de Yennenga n’a pas récompensé une œuvre de fiction. Et tous les regards se sont alors tournés vers la CEDEAO, qui, comme à l’accoutumée, a dégainé aussitôt, condamnant, comme le reste de la communauté internationale, ce putsch de trop qui atterrit sur la table de ceux qui nous gouvernent, au moment où la junte malienne cherche à s’enkyster au palais de Koulouba pour une transition de 5 années supplémentaires, et sans doute plus si affinités. Une forfaiture inadmissible que la CEDEAO a logiquement condamnée et punie, en durcissant ses sanctions contre le colonel Assimi Goïta et son gouvernement de transition.

Pour son deuxième sommet, cette fois-ci en présentiel, sur le Burkina, la CEDEAO ne respectera pas, en toute logique, le parallélisme des formes. Comme si elle jouait un match décisif de la Coupe d’Afrique des nations qui bat son plein au Cameroun, la CEDEAO, dans un contrepied parfait, a dérouté ses détracteurs en épargnant le Burkina de sanctions additionnelles à la suspension du pays de ses instances. La CEDEAO pouvait-elle agir autrement, elle qui cherche à se redonner une crédibilité perdue dans sa politique de l’autruche sur l’incurie de certains chefs de l’Etat des pays membres qui, en plus de faire subir le martyre à leurs peuples, s’ouvrent royalement un boulevard vers la présidence à vie, par les troisièmes mandats? Qui plus est, en dehors du fait d’avoir été applaudis par les populations burkinabè pour leur acte paradoxalement condamnable, le Colonel Damiba et ses éléments, ont, de l’avis de l’organisation sous-régionale, donné des gages d’une transition rapide.

Même si, pour l’instant, le nouvel homme fort de Ouagadougou n’a fixé aucune date pour la transmission du pouvoir aux civils. La junte se préoccupe d’abord du retour à la sécurité au Burkina, discutant, pour l’heure, avec des composantes socio-politiques du «pays des hommes intègres», désintégré par les attaques armées. La CEDEAO, qui ne manque pas d’exiger la libération de l’ancien président Roch Marc Christian Kaboré et la mise en place d’un chronogramme raisonnable de transition,  a donc écouté la voix des populations burkinabè, mais aussi celle de tous ces politiciens experts en retournement de vestes qui, subitement ont changé de bord, découvrant maintenant que le peuple souffrait pendant qu’ils se remplissaient les poches.

L’organisation sous-régionale est-elle en train de devenir la CEDEAO des peuples, comme le réclament des populations qui voudraient être fière d’une institution qui, malgré ses insuffisances et ses limites, essaie de se constituer en rempart contre des dérives comme les coups d’Etat militaires et œuvre pour la libre circulation des biens et des personnes. Elle doit désormais accepter d’aller à une mue de fond en comble, pour ne défendre que les intérêts des populations contre les dérives autoritaires qui sont un terrain fertile sûr pour les prises de pouvoir par les armes. Sans nous ériger en défenseur de l’institution, on ne saurait la condamner d’avoir pris des sanctions contre des putschistes maliens qui utilisent sans vergogne, le peuple en surfant sur le sentiment anti-occident.

Le Burkina Faso, doit pouvoir éviter le piège malien pour que ce coup d’Etat soit vraiment transformé en opportunité pour redonner au pays, son intégrité morte avec la mort du digne fils de l’Afrique, le valeureux capitaine Thomas Sankara.

Par Wakat Séra