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Coup d’Etat manqué de 2015: «Le problème principal» du RSP était sa «dissolution» (sergent-chef Diallo)

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Le procès du dossier du coup d’Etat manqué de septembre 2015 a continué le 13 juillet 2018 à Ouagadougou avec les interrogatoires de trois accusés. Après les passages à la barre du sergent-chef Roger Koussoubé dit le «Touareg» et du soldat de première classe Boureima Zouré, le tribunal militaire a écouté le onzième accusé, le sergent-chef Adama Diallo qui a indiqué que sous la Transition, plus que les contradictions internes nourries par l’existence de clans, «le problème principal» de la crise au Régiment de sécurité présidentielle (RSP) était sa «dissolution» qui était à l’agenda du gouvernement.

Quand le sergent-chef Adama Diallo a été appelé à la barre, le tribunal s’est vu dans l’obligation de suspendre le jugement puisqu’il ne retrouvait pas la fiche d’identité de l’ex-garde présidentiel. Mais ce fut juste deux minutes d’interruption, ce après quoi le président du tribunal militaire, le juge civil Seydou Ouédraogo a repris la police des débats en lançant: «Sergent-chef Adama Diallo!». «Présent!», répond le sous-officier, habillé en « Terre du Burkina », la tenue nationale conventionnelle des militaires. Le sergent-chef Diallo, âgé de 34 ans, marié et père de trois enfants, n’ayant jamais été condamné, possède un casier judiciaire vierge, apprendra le public.

Après lui avoir signifié ses chefs d’inculpation, le magistrat Seydou Ouédraogo, a lancé encore à l’endroit de l’accusé: «Reconnaissez-vous les faits qui vous sont reprochés?» «Non je ne reconnais pas ces faits», a rétorqué l’ex-garde. Alors, «le tribunal vous écoute», a poursuivi son président.

Comment ce sergent-chef s’est retrouvé dans le coup…..

«Le 16 (septembre 2015) j’étais à la maison dans les préparatifs de mon mariage qui devait avoir lieu le 17 (du même mois) quand j’ai reçu un coup de file de l’adjudant Nion (Jean Florent) me disant que le major Badiel (Eloi) avait urgemment besoin de moi», a dit le sergent-chef Adama Diallo. «Dès que je suis arrivé au palais aux environs de 13H, j’ai aperçu beaucoup de jeunes soldats armés. Je ne les connaissais pas. J’étais habillé en tenue civile et l’adjudant Nion m’a sommé de porter un gilet para-balles», a poursuivi l’accusé. Alors, «j’ai été embarqué dans une voiture que Rambo (l’adjudant-chef Moussa Nébié) conduisait», pour la présidence. «Une fois arrivé (l’adjudant-chef) major Badiel m’a demandé d’aller chercher le major Koumbia (le chef de sécurité du jour du président Michel Kanfando)», a poursuivi Adama Diallo.

Le sergent-chef Adama Diallo nie avoir tiré sur des civils…

« Le 17 septembre (2015), j’ai demandé une permission pour aller me changer comme j’étais en civil. Le major Badiel m’a commis un jeune pour que j’aille me changer ». Le parquet sur cette affirmation, a posé cette question : « Quand vous parcouriez la ville, n’avez-vous pas rencontré des manifestants ? ». « Oui », a répondu l’accusé. « Avez-vous tiré ? », a lancé encore le parquet. « Négatif », a répondu le sergent-chef Adama Diallo qui a ajouté qu’il « n’était même pas armé ».

Ce que l’ex-garde de Blaise Compaoré a fait à Laïco…

A l’hôtel Laïco situé à Ouaga 2000, je suis allé sur « ordre du major Badiel » pour un maintien d’ordre parce qu’« il y avait des civils qui se battaient là-bas » et « j’y suis resté trois jours ». A en croire Adama Diallo, c’est lui et l’adjudant Jean Florent Nion qui ont aidé Roch Kaboré, l’actuel président du Faso, à avoir accès à l’hôtel. « Parmi ceux qui se battaient, il y en qui s’en sont pris au garde de corps de Roch Kaboré qui a même été blessé. C’est Nion et moi qui avions aidé Roch (Kaboré) à accéder à Laïco et aussi l’actuel Médiateur du Faso (Saran Sérémé) », a déclaré le militaire. Il nie totalement les exactions commises lors des patrouilles puisqu’il « est resté à l’hôtel jusqu’à rejoindre son détachement » une équipe qui assurait la sécurité de l’ex-président guinéen, Moussa Dadis Camara, dont il était le chef.

Quand le sergent-chef Adama Diallo a su que c’était un coup d’Etat …

« J’ai su qu’il y avait un coup d’Etat quand (le colonel Mamadou) Bamba a fait le communiqué à la télévision nationale », a dit l’ex-garde de sécurité, la main sur le cœur. « Vous n’avez pas su quand vous êtes arrivés à la présidence que les autorités de la Transition ont été arrêtées ? », a demandé le parquet. Il a répondu par un « négatif ».

Pour lui, au départ, il s’agit d’une interpellation des autorités pour résoudre « le problème principal du RSP que tout le monde connait, à savoir sa dissolution que l’ex-Premier ministre (Isaac Zida) voulait faire ». Et pour ce militaire, « il n’y avait rien d’anormal qu’on amène le président et son Premier ministre à rencontrer le général Gilbert Diendéré pour régler les crises » de leur corps.

Le sergent-chef Adama Diallo ne veut pas parler d’une somme (environ 2 000 000 FCFA) qu’il aurait reçue

Selon une déposition d’un accusé, appuyée par un sms que le parquet dit détenir, le sergent-chef Adama Diallo a reçu « un important fonds » qu’on lui a transféré depuis la Côte d’Ivoire. Mais sur ce sujet, malgré l’insistance du parquet et de la partie civile, l’ex-garde présidentiel a préféré qu’on pose la question directement à l’adjudant Jean Florient Nion. « Sur cette question je préfère que l’adjudant Nion vienne vous répondre », réaffirme-t-il à chaque fois qu’on lui pose la question sur le transfèrt de « 1 941 000 FCFA » qu’il aurait reçu.

Le sous-officier nie être impliqué à un coup d’Etat

« Pourquoi avez-vous accepté embarquer dans le véhicule alors que vous ne saviez pas ce que vous allez faire ?», a demandé le procureur militaire Alioune Zanré. Il a répondu avec un brin de nervosité en ces termes : « Je suis venu et on m’a donné des ordres. Mon commandant je fais quoi ? Peut-être que vous allez me dire de fuir, mais j’avais peur puisque si je fuyais, les jeunes pouvaient m’abattre et ce n’est pas sûr que j’allais être devant votre barre aujourd’hui ». Et, a-t-il continué, « je pense que ça c’est un sentiment que tout homme peut avoir ».

Sur ces faits est intervenu l’avocat du sergent-chef avec ce propos. « Mon client vous a expliqué les faits tels qu’il les a vécus ». « Je pense qu’il faut le croire. Il faut considérer que mon client est de bonne foi puisqu’il n’hésite pas à reconnaître ses propos dans le Procès-Verbal (PV) » que le parquet lui lit de temps à autres, a signifié Me Timothée Zongo, ajoutant de façon sereine que son client « se défendra dans la vérité ».

A la question du parquet de savoir ce qui l’a mis dans le coup d’Etat manqué de septembre 2015, il a fait observer qu’il a « seulement répondu à l’appel » de ses supérieurs militaires. Pour le parquet qui trouve « curieux » qu’il quitte son détachement pour Kosyam, il a affirmé qu’il « n’y a rien d’anormal à cela puisque la mission présidentielle prime sur les autres missions » et il « a toujours été commandé » par le major Eloi Badiel, qui est le commandant adjoint du Groupement de sécurité présidentielle (GSP).

Le sergent-chef Adama Diallo qui « a tenu à présenter (ses) condoléances et à souhaiter prompt rétablissement » aux victimes du putsch avorté est poursuivi pour « attentat à la sûreté de l’Etat, meurtre, coups et blessures volontaires et dégradation aggravée de biens ».

L’audience reprendra le lundi 16 juillet 2018 avec la comparution du sergent-chef Ali Sanou.

Par Bernard BOUGOUM