Accueil Editorial CPI: 20 ans sur une mer de plus en plus houleuse!

CPI: 20 ans sur une mer de plus en plus houleuse!

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Le siège de la CPI à La Haye (Ph. Wikipédia)

20 ans d’existence faits de hauts et de bas mais surtout des intentions de plus en plus régulières de pays africains de quitter le bateau, parce que déçus de ce ce qu’ils dénoncent comme acharnement de la Cour contre les Etats du continent noir. Ainsi peut se résumer les deux décennies vécues par la Cour pénale internationale née de la signature du Statut de Rome, le traité international accouché par la Conférence de Rome qui s’est déroulée du 15 juin au 17 juillet 1998 dans la capitale italienne. Si le Statut de Rome n’entrera en vigueur qu’en juillet 2002 suite à sa ratification par 62 Etats, la CPI ne fera le plein qu’en 2016 avec la ratification de son traité géniteur par 124 Etats des 193 membres de l’Organisation des Nations Unies. Mais là encore, l’oiseau peine à prendre véritablement son envol, des puissants comme la Russie et les Etats-Unis qui ont apposé leurs griffes sur les documents du traité, se gardent toujours de le ratifier. La Chine et l’Inde, elles ne le signent même pas, lui reprochant plusieurs griefs. Malgré tous ces boulets au pied, l’institution s’attaque tout de même à ses premières affaires, en tant que «juridiction pénale universelle permanente chargée de juger les personnes accusées de génocide, de crime contre l’humanité, de crime d’agression et de crime de guerre. Le premier client de la CPI qui a implanté ses pénates à La Haye aux Pays-Bas, fut Thomas Lubanga, accusé de crimes de guerre et dont le procès qui a commencé le 26 janvier 2009, débouche sur la condamnation du Congolais le 14 mars 2012.

Le bal est donc ouvert, mais les «proies» de la CPI se suivent et ont toutes comme dénominateur commun de provenir de l’Afrique. Même si des affaires concernent des pays d’autres continents, comme l’enquête ouverte en Colombie, la CPI se hâte très lentement. Pourtant que de crimes à ciel ouvert sont commis par la France de Nicolas Sarkozy et ses alliés en Libye, les Etats Unis de George Walker Bush en Irak, pour ne citer que ces exemples. Mais, la justice internationale étant à géométrie variable et ne s’appliquant qu’aux vaincus et aux faibles, la CPI n’a jamais pu attraper des poissons ailleurs qu’en Afrique. Au lieu d’appliquer pleinement son universalité et faire preuve d’impartialité, dans sa chasse, qu’elle soit celle de l’Argentin Luis Moreno Ocampo ou de la Gambienne Fatou Bensouda, des procureurs régulièrement voués aux gémonies sous les tropiques, la CPI s’est érigée en «gendarme» en Afrique, devenue son champ de prédilection en matière de jugement. L’Ivoirien Laurent Gbagbo ou le Congolais Jean-Pierre Bemba, qui ont été «internés» à Scheveningen, la prison dorée de la CPI, juste pour leur ôter l’envie de jouer aux empêcheurs de gouverner en rond dans la Côte d’Ivoire de Alassane Ouattara et la République démocratique du Congo de Joseph Kabila en savent quelque chose. Sur eux, la glaive des «justiciers» de La Haye est implacable, même si l’étau se desserre autour de Jean Pierre Bemba, dont l’Occident veut certainement se servir comme épouvantail contre l’impertinent Kabila qui brave toute la fameuse communauté internationale.

20 ans, c’est la halte anniversaire dont la CPI, doit profiter pour montrer patte blanche en Afrique et s’attaquer plus sérieusement à la justice dans le monde. Certes l’Afrique constitue la majorité des Etats ayant signé le Traité de Rome, mais ce n’est pas une raison qu’elle soit transformée en laboratoire d’expérimentation de la justice des vainqueurs. Certes, nombre de dirigeants africains, candidats au pouvoir à vie, sont prêts à marcher sur les droits humains pour protéger leurs trônes, mais ils ne sont pas toujours les seuls responsables de ces initiatives, car bénéficiant souvent de la complicité active ou passive des «grands» de ce monde qui défendent bien des intérêts économiques en Afrique. Il urge donc pour la CPI, si elle veut encore commémorer d’autres 20 ans d’existence, de changer le fusil d’épaule en sensibilisant davantage sur ses objectifs et en évitant surtout la forte politisation de ses actions. Ce sont d’ailleurs, des conseils du Nigérian Muhammadu Buhari, qui a eu l’insigne honneur de prendre la parole à la tribune des 20 ans de la CPI.

Par Wakat Séra