Accueil Editorial Crise politique au Togo: de l’espérance au désespoir

Crise politique au Togo: de l’espérance au désespoir

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La rue reprend le pouvoir au Togo (Ph. Reuters)

La coalition des 14 partis politiques de l’opposition appellent de nouveau leurs militants à descendre dans la rue pour redire leur ras-le-bol du régime de Faure Gnassingbe dont ils ne veulent plus entendre parler. Problème, les manifestations sont interdites, affirment le pouvoir qui se dit respectueux des engagements pris par les parties en conflit et leur médiateur, le Ghanéen Nana Akufo-Addo. Du coup, c’est comme une chasse à l’homme qu’occasionne chaque sortie des opposants depuis hier mercredi 11 avril. Les leaders vivent même comme en clandestinité, répondant qu’ils sont «quelque part». La situation est bien explosive dans ce pays où le dialogue politique de tous les espoirs est au point mort. Que réservent les prochains jours, vu que la coalition tient à marcher pour empêcher toute initiative qui pourrait ramener Faure Gnassingbe au pouvoir en 2020? Le doute est total et l’inquiétude monstre.

Bien malin qui pourra prédire l’avenir du Togo empêtré dans une crise sans précédent qui prend surtout des allures d’une voie sans issue, depuis août 2017 avec des manifestations et contre-manifestations de partisans du pouvoir et de l’opposition. Le dialogue politique engagé le 19 février dernier sous la facilitation du voisin Nana Akufo-Addo s’est mué en dialogue de sourds, le retour ou non à la constitution de 1992 constituant un mur contre lequel viennent se bloquer toutes les initiatives de rapprochement des deux protagonistes. Cette muraille infranchissable a pris encore quelques mètres de hauteur avec les dernières évolutions d’une situation socio-politique qui de préoccupante devient inquiétante. Les «harcèlements,  intimidations,  menaces, enlèvements,  arrestations et détentions arbitraires», dénoncés par les 14 partis de la coalition sont comme l’étincelle qui pourrait raviver le brasier recouvert juste d’une fine couche d’accalmie pour cause de dialogue politique.

En tout cas, tout semble bloqué dans ce dialogue de mauvaise foi dont s’accusent mutuellement les deux parties en conflit. Persuadés que le seul objectif de ceux d’en face est de les faire partir des affaires avant la fin de leur mandat, Faure Gnassingbé et les siens imaginent tous les stratagèmes, même les plus radicaux, pour garder le gouvernail en main. Certes le pouvoir a la légalité avec lui, mais jouit-il encore de toute la légitimité qui peut lui permettre de vaincre les arguments jusqu’auboutistes de ses détracteurs? Rien n’est moins sûr,  d’autant plus que les dirigeants togolais n’ont pas toujours fait preuve de bonne foi, dans les mille et un dialogues politiques qui ont couronné de précédentes crises qui ont jalonnées la vie socio-politique de ce pays gouverné depuis 51 ans maintenant par la famille Gnassingbé. Ainsi, chat échaudé craignant l’eau froide, l’opposition, malgré la bonne volonté du médiateur ghanéen d’accorder les violons des frères ennemis, ne croit plus en rien, venant du pouvoir. Elle brandit d’ailleurs, à raison, les derniers durcissements de ton d’un pouvoir qui compte profiter du répit du dialogue pour reprendre du poil de la bête. Une chose est certaine, la coalition des 14 partis politiques, comme dans tout dialogue, fera monter davantage les enchères pour arriver à ses fins. Pour preuve, elle entend braver les interdictions et menaces du pouvoir, pour redescendre dans la rue dans les prochains jours.

Tout est visiblement à refaire, car le Togo est en train de retourner à la case départ, s’il n’y est pas déjà. Les démons de la division ont repris de l’ascendance sur les anges annonciateurs de paix. Il urge donc, pour libérer le peuple de la folie des politiciens, trouver les voies et moyens pour faire baisser à nouveau la tension et ramener tout ce beau monde sous l’arbre à palabres. Nana Akoufo-Addo a du pain sur la planche.

Par Wakat Séra