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Dénonciation de l’accord de coopération militaire: une « décision forte, claire et courageuse » (Abdoul Karim Sango)

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L'ancien ministre en charge de la Culture, Abdoul Karim Sango

Ceci est une tribune de l’ex-ministre burkinabè en charge de la Culture, Abdoul Karim Sango sur la dénonciation de l’accord de coopération militaire de 2018 entre le Burkina Faso et la France. Pour lui, cette décision de la transition est une « décision forte, claire et courageuse »

Par lettre adressée aux autorités françaises, le gouvernement du Burkina Faso dénonce l’accord de coopération militaire de 2018 entre les deux Etats. La même lettre exige le départ de la force militaire française présente sur le sol burkinabè.

Cette décision forte, claire et courageuse est en phase avec la doctrine défendue par les gouvernants actuels.

Je ne connais pas les contours exacts de ce qui a motivé cette décision mais dénoncer un accord international est quelque chose de tout à fait courant et normal. Récemment d’ailleurs, la Secrétaire d’Etat française au développement avait dit qu’il appartenait aux autorités burkinabè de décider de l’avenir de l’accord de coopération militaire de 2018.  Avec cette lettre, on peut dire qu’elle a été bien entendue.

Cette lettre s’inscrit dans une longue tradition des relations entre le Burkina Faso et la France dans le domaine militaire. Déjà, au lendemain des indépendances, les autorités politiques du Burkina Faso avaient dit non à la présence militaire française. Elle est également en phase avec une bonne partie de l’opinion publique burkinabè.

A titre personnel, sans rentrer dans une surenchère inutile, j’ai toujours défendu l’idée qu’il n’est pas admissible qu’une armée étrangère soit présente sur le territoire d’un autre État souverain. La seule exception admissible, c’est l’hypothèse dans laquelle l’autorisation est donnée par le Parlement.  Or, une des faiblesses de ces accords avec la France, et bien d’autres pays, c’est qu’ils ont été pris sans l’aval du parlement, et dans une opacité totale.

L’opinion publique est donc fondée légitimement à les rejeter. La France, elle-même, ne devrait pas rougir de cela. Dans ce pays, il n’est pas concevable que des forces étrangères interviennent sans l’autorisation du parlement. Il faut appliquer la réciprocité.

Dans le projet de constitution de la Ve République, de tels accords passeraient désormais devant le parlement pour être adoptés. Si ces aspects sont maintenus dans la nouvelle constitution, la ratification par le Parlement leur donnerait plus de transparence et de légitimité.

La coopération militaire a des domaines divers : formation, renseignements, logistiques. Il y a nécessairement matière à coopérer. Il n’y a aucune raison d’en faire une affaire singulière. Je souhaite le retour à un climat de sérénité et de respect mutuel dans nos rapports avec la France et tous nos partenaires afin d’établir des axes de coopération correspondant à nos attentes et à nos besoins réels. Nous sommes dans un monde d’interdépendance. Nous avons en commun des valeurs sur lesquelles, il faudra écrire les nouvelles pages de la coopération dans le seul intérêt des peuples et des nations.

Machiavel dans son traité de politique Le prince, disait que les meilleures troupes, les meilleures armes sont celles nationales. Autrement dit, seuls les citoyens organisés en armée nationale, avec leurs propres armes, peuvent fidèlement et loyalement défendre la patrie. Voilà le défi que nous Burkinabè devrions relever ensemble unis et solidaires. Tout le reste n’est qu’illusion !

Abdoul Karim SANGO