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Dr Salifou Napon: « Le Burkina Faso doit prendre en main la gestion transparente de ses ressources minières »

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(photo d'illustration)

Cet écrit est le fruit d’une contribution qui se veut patriotique produite par des géologues professionnels burkinabè. Son contenu ne prétend pas être exhaustif ; il est ouvert aux débats et commentaires.

Les géologues qui ont contribué à la rédaction de ce document ne l’ont pas fait dans un but de clientélisme pour un poste. C’est simplement de mettre un document à la disposition des gouvernants afin qu’ils puissent s’en inspirer.

Une chose est certaine, nombreux sont nos compatriotes qui s’interrogent et à juste titre sur le secteur minier. Cet écrit ne répond pas à toutes leurs interrogations mais veut apporter un peu d’éclairage et avancer des recommandations afin d’améliorer le secteur au profit du plus grand nombre.

Il faut rappeler que les ressources minières sont des ressources non renouvelables et que par conséquent leur exploitation commande une clairvoyance et une vigilance de tous les instants dans la gestion.

Il est donc important que l’Etat Burkinabè accorde une grande importance à ce secteur et s’assure de la qualité morale, des compétences et de l’expérience des personnels chargés de sa gestion.

Avec 17 mines en exploitation, l’or est le premier produit d’exportation du pays et a généré 1 420 milliards de recette en 2019. Burkina Faso : La production industrielle d’or atteint plus de 27 tonnes à fin m (sikafinance.com).

Le Tableau 1 résume la situation des principales sociétés extractives de l’or et de zinc au Burkina

Tableau 1 : Liste des sociétés extractives or et zinc.

Société minière Groupe Nationalité Phase d’activité Date du permis Durée du permis Commune et Province
Essakane Sa Iamgold Corporation Canadienne Production d’or 4/28/2008 20 ans Gorom-gorom et Falangountou (Oudalan et Seno)
Houndé Gold Opération Endeavour Mining Canadienne Production d’or 2/5/2015 20 ans Houndé (Tuy)
Bouéré-Dohoun Gold Opération SA (extension de la mine de Houndé) Endeavour Mining Canadienne Production d’or 1/23/2017 5 ans Houndé (Tuy)
Kari Nord (extension de la mine de Houndé) Endeavour Mining Canadienne Permis octroyé 7/1/2019 NC Houndé (Tuy)
Riverstone Karma SA Endeavour Mining Canadienne Production d’or par lixiviation en tas 12/31/2013 20 ans Namissiguima et Oula (Yatenga)
Semafo Burkina Faso/Mana Endeavour Mining Canadienne Production d’or 3/20/2007 20 ans Wona-Fobiri (Balé)
Semafo-Boungou Sa Endeavour Mining Canadienne Production d’or (reprise en fév 2020) 1/23/2017 7 ans initialement Partiaga (Tapoa)
Orezone Bomboré SA Orezone Canadienne Construction pour production d’or, arrêtée faute de financement 12/30/2016 10,7 ans Mogtédo (Ganzourgou)
RoxGold Sanu SA Roxgold Canadienne Production d’or 1/30/2015 20 ans Bagassi (Balé)
Waghnion Gold Sa Endeavour Mining Canadienne Production d’or 8/1/2014 20 ans Niankorodougou (Léraba)
Kiaka Gold B2Gold Canadienne Construction pour production d’or 8/8/2016 20 ans Gogo (Zounwéogo)
Bissa Gold SA Nordgold Russe Production d’or 6/23/2011 20 ans Sabcé (Bam)
NordGold Yéou SA NordGold Russe Arrêt de production d’or                                  (extension  Taparko) 3/13/2017 3 ans Bouroum (Namentenga)
Somita/TAPARKO NordGold Russe Production d’or (en fin de vie) 8/4/2004 20 ans Yalgo (Namentenga)
Nord Gold Samtenga (extension de la mine de Bissa Gold) NordGold Russe Production d’or 12/6/2009 3 ans Barsalogo et Zitenga (Oubritenga et Sanmatenga)
Société Balaji Group Mining Kalsaka (BGMK) SA Baladji Indienne Société liquidée, mine fermée 8/4/2004 20 ans Kalsaka ( Yatenga)
Société des Mines de Bélahouro SA (SMB) Baladji (rachat en 2017) Indienne Arrêt de production d’or (insécurité, problèmes judiciaires) relance en cours 5/25/2007 20 ans Inata (Soum)
Séguénéga Mining (extension de la mine de Kalsaka) Baladji (rachat en 2018) Indienne Société liquidée, mine fermée 7/17/2013 20 ans Séguénéga (Yatenga)
Sahelian Mining SA Diamond Cement Burkina Indienne Exploitation de calcaire Demande de suspension en cours (insecurité) 3/13/2017 20 ans Tin-Dioulaf (Oudalan)
Burkina Mining company SA (BMC) Avesoro resources (rachat en 2019) Turque Production d’or 4/8/2003 20 ans Zabré (Boulgou)
Nétiana Mining Company Avesoro resources Turque Arrêt de production d’or, extension en mine souterraine 1/23/2017 4 ans Guiaro (Nahouri)
Société minière de Sanbrado, SOMISA Tanlouka West African Resources Australienne Production d’or 3/13/2017 7 ans initialement Boudry (Ganzourgou)
Komet Ressource Afrique CINI Solutions (rachat au groupe canadien Kometgold en sept 2019) Qatari Arrêt de production d’or (contentieux avec l’Etat) 5/12/2015 20 ans Guiro et Diouga (Namentenga et Séno)
Konkéra SA Centamine Britannique Production d’or, relance de la contruction en cours demande d’extension du renouvellement en raison de la crise sanitaire 3/5/2015 20 ans Batié (Noumbiel)
Nantou Mining SA/PERKOA Trevali Mining Corporation Canadienne Production de zinc 3/20/2007 20 ans Réo (Sanguié)

Sources : Direction Générale des Mines et Carrières (DGMC), ORCADE, Chambre des Mines du Burkina (GMB)

Trois pays de la sous-région font aujourd’hui partie des 20 principaux producteurs mondiaux d’or. Le Ghana (7ème mondial) est devenu le premier producteur du continent, avec 147 tonnes extraites en 2019, devant le Mali (73 tonnes), 16eème mondial et le Burkina Faso (64 tonnes)17ème mondiale. https://www.lemonde.fr/afrique/article/2021/04/14/en-afrique-de-l-ouest-une-ruee-vers-l-or-a-hauts-risques_6076782_3212.html

A         SITUATION DU SECTEUR MINIER BURKINABE : POINTS SAILLANTS

 Quatrième producteur d’or du continent (Qui sont les plus grands producteurs d’or en Afrique ? (ilboursa.com) avec 17 mines industrielles (or et zinc), un gisement de taille mondiale de manganèse (100 millions de tonnes métriques) et divers indices de nickel, chrome, fer, graphite, plomb, zinc, antimoine, phosphates, le secteur minier du Burkina n’a pas fini de révéler son potentiel réel.

L’apport de la production minière (Tableau 2) au budget de l’état était estimé ces dernières années à environ 20% sans compter l’impact réel sur la survie d’une partie non négligeable des populations désœuvrées.

Cette position du secteur minier en pleine croissance le place au cœur des enjeux du développement et appelle par voie de conséquence à la bonne gouvernance, ce que réclame notre peuple dans toutes ses composantes depuis plusieurs années.

Tableau 2 : Production d’or, zinc et phosphate en 2018

Source : Rapport ITIE, Dec.2018. Initiative pour la Transparence des Industries Extractives du Burkina Faso (itie-bf.gov.bf)

Quelle est la situation du secteur minier burkinabè ?

  1. Le ministère, son personnel et le management

Il est admis que la première condition que doit remplir tout état responsable pour son développement est de disposer d’un potentiel humain, en qualité et en nombre suffisant convenablement utilisé : « l’homme qu’il faut à la place qu’il faut ».

On constate depuis plusieurs années avec la ruée des sociétés sur le Burkina que la haute administration du ministère en charge des mines, du ministre aux directeurs généraux, en passant par les secrétaires généraux sont des cadres essentiellement politiques à 100 lieues des questions minières. Alors même, que le secteur est dans sa phase de construction et a besoin d’une gestion rigoureuse et non politicienne !

Ce constat est une réalité depuis plusieurs décennies. Une grande majorité du personnel de décision n’était pas du domaine ; juste quelques géologues inexpérimentés ! Avec toutes les conséquences que l’on sait sur la mise en œuvre de nos politiques, la définition de nos programmes, le contrôle de l’activité minière, sans oublier la conduite des contrats miniers qui ont quelques fois mis à mal l’état burkinabè tout entier (affaire Tambao).

  1. Les représentants de l’état dans les conseils d’administration

L’Etat détient seulement 10% de parts dans toutes les sociétés minières en exploitation. C’est à ce titre que des représentants sont désignés dans les conseils d’administration au sein desquelles ils sont censés défendre les intérêts du Burkina.

Certains de ces représentants sont même désignés Président de Conseil d’Administration (PCA). N’y a-t ’il pas là un conflit d’intérêt ? Cette situation ouvre la porte à la corruption (avec les perdiems et autres avantages octroyés) entrainant un manque d’objectivité et une perte totale du sens de la responsabilité. Il est fort à croire que des cas de corruption et d’influence ont permis à certaines sociétés de contourner la règlementation avec certaines dérives que l’on a pu constater depuis le boom minier.

Recommandations

En termes de recommandations, l’Etat est ainsi interpellé à résoudre les questions suivantes :

  • Clarifier le rôle et la place de ses représentants aux conseils d’administration des sociétés minières ;
  • Etudier consciencieusement les dossiers dans un groupe de travail avec la contribution de personnes qualifiées (techniciens, juristes, comptables, économistes) ;
  • Donner aux représentants des directives claires sur les points d’ordre du jour des conseils d’administration ;
  • Désigner des cadres compétents empreints d’un minimum de personnalité et de patriotisme dans le rôle de contrôle.
  • Encadrer les perdiems et autres avantages octroyés afin d’éviter sinon limiter la corruption.
  1. La gestion des titres miniers
  • Sur le nombre d’agents censés gérer le cadastre minier, il n’y a pas assez de personnel du secteur minier (géologue, minier) expérimenté et qualifié. Les services sont dotés de juristes, économistes etc. qui, bien entendu jouent leur rôle, mais la question posée est pourquoi un domaine aussi complexe et sensible est géré par des professionnels inexpérimentés du secteur. Exemple : Gestion des titres miniers par des non professionnels (Un Inspecteur des impôts comme Directeur Général du Cadastre minier).
  • Quant au cadastre minier en question, sa gestion est opaque et les règles d’attribution (officiellement, le premier venu, premier servi) ne sont pas appliquées. En lieu et place d’autres règles internes inconnues du grand public sont appliquées pour éliminer les demandes non désirables et pour en monnayer d’autres.

Les sociétés minières dictent leur loi, de façon individuelle (pour qui a ses entrées) ou par des entités (Chambre des Mines).

  • Pour ce qui est du renouvellement des permis à priori assujetti à l’exécution de travaux prévus, des renouvellements sont faits avec des faux rapports. En principe, une équipe d’inspection est supposée faire des visites de terrain afin de vérifier la validité des travaux leurs quantités et leurs qualités. Pas sûr que les programmes annoncés et validés par les services aient pu même connaitre un début d’exécution et que ce travail ait été fait dans les normes.
  • La règlementation sur la limitation du nombre de permis par société et par personne n’est pas respectée et laisse à désirer ; les sociétés ayant un nombre supérieur à celui autorisé par la loi sont connues (ex. 7 permis de recherche maximum qu’une société peut détenir y compris ses succursales).

La création de nombreuses sociétés écran afin de contourner la limitation des titres est une technique utilisée.

Recommandations :

Un audit exhaustif des attributions de titres miniers à partir de 2016 pour compléter les résultats de l’enquête parlementaire dont les conclusions n’ont toujours pas été exécutées. Tous ces résultats doivent être publiés ; des décisions administratives sur la mauvaise gestion doivent être prises et donner lieu à des poursuites judiciaires le cas échéant.

  • Responsabiliser une équipe qualifiée et compétente comprenant : géologues, miniers, informaticiens, juristes et économistes, comptables pour l’analyse des dossiers et rapports.
  • Revoir les règles d’attribution en y ajoutant la capacité financière, la capacité technique ; procéder à la vérification des dépenses qui sont souvent non conformes.
  • Le renouvellement de titre serait assujetti à la production d’un rapport d’inspection de terrain, au paiement des différentes taxes et une présentation des travaux réalisés, les résultats et le programme futur devant un comité technique compétent.
  • Une relecture (amendement de certains chapitres) du code minier pour une mise à jour qui tienne compte du contexte régional et international.
  • La mise en place d’un guichet unique du minier, guichet qui va gérer toutes les demandes de titres de façon transparente, rapide et sérieuse.
  1. Un service d’inspection et de contrôle indépendant et efficace

Un service d’inspection et de contrôle, doit être indépendant pour être efficace

Les conditions de cette indépendance sont la moralité et la compétence technique des personnes affectées, le budget de fonctionnement mis à leur disposition pour effectuer les missions d’inspection et de contrôle.

Il n’est pas si rare de voir des véhicules de compagnies minières transporter les représentants de l’état devant assister à des coulées d’or qui requièrent des validations  administratives engageant la responsabilité de l’état.

Nous n’avons pas à préjuger de la bonne tenue d’une opération, cependant une inspection doit respecter des standards indépendants que nous devons définir en utilisant les techniques les plus modernes et en appliquant la règlementation en toute impartialité

  1. Situation des employés Burkinabès dans les sociétés minières

Dans les sociétés minières en exploitation, les nombreux Burkinabè qui y travaillent ne sont pas logés à la même enseigne.

Sur 17 mines en exploitation, les cadres de direction sont généralement des Directeurs Pays et Directeurs Exploration. A ce jour il n’y a qu’un seul vrai Vice-Président (IamGold).  Ceci n’est pas normal : cela est peu, voire ridicule. L’état a le droit de demander la promotion des cadres burkinabè qui à terme devraient prendre le leadership dans les mines.

Il en est de même de la désignation des directeurs-pays dont les critères de désignation sont loin de correspondre aux intérêts du pays. Il y’a lieu de s’intéresser de près à la désignation de ces personnes. Certains sont des professionnels désignés sur la base de leur personnalité , de leur expérience et de leur compétence,  à coté cependant,  un nombre de « yes-man » bien dociles, désignés sur des critères (politiques, pour service rendu etc.) qui sont incapables de défendre les intérêts de leurs compatriotes employés à plus forte raison ceux de leur propre pays.

 Les employés n’ont pas le même traitement salarial dans la même société, encore d’une mine à une autre de la même société Mère.

Les disparites salariales sont encore plus criardes pour des sociétés opérantes au Burkina et dans d’autres pays de la sous-région.

Les Burkinabè ont des salaires bas souvent même très bas. Au lieu de faire la promotion de ces agents, certaines sociétés préfèrent souvent faire venir des géologues expatriés (occidentaux) venus tout droit d’universités sans aucune expérience et à qui la gestion  est confiée et pour superviser des géologues nationaux qui ont plus de dix ans d’expérience.

Tous les expatriés voyagent en avion du site à Ouaga alors que les seniors Burkinabè prennent le bus : cela ressemble fort à de la discrimination.

Mieux, certains de nos compatriotes travaillent en CDD répétitifs de très courtes durées avec une rémunération en de ça du travail à accomplir et de leur expérience.   Tout cela doit cesser.

Les tableaux 3 et 4 ci-dessous donnent une idée de la répartition des employés dans 4 sociétés.

Tableau 3 : Effectif des employés à Essakane SA et Bissa Gold SA

Source : Rapport ITIE, Dec.2018. Initiative pour la Transparence des Industries Extractives du Burkina Faso (itie-bf.gov.bf)

Tableau 4 : Effectif des employés à Houndé Exploration BF SA et Houndé Gold Opération SA.

Source : Rapport ITIE, Dec.2018. Initiative pour la Transparence des Industries Extractives du Burkina Faso (itie-bf.gov.bf)

Les deux Tableaux appellent aux observations suivantes :

  • Si sur la Tableau 3, les deux sociétés ont donné à l’ITIE les statistiques de leur personnel, Houndé Exploration BF SA ne fournit aucune information alors que les travaux sont exécutés.
  • Sur le Tableau 4, Houndé Gold Opération SA, il y a plus de cadres étrangers que de Burkinabè

Il faut noter que les cadres Burkinabè sont rarement dans l’exécutif des Sociétés

Recommandations :

  • Exiger les contrats de travail des expatriés qui doivent être transmis au Ministère des Mines pour avis et recommandations avant toute embauche.
    • Exiger les diplômes et attestations des dossiers et ou CV des futurs expatriés ;
    • L’instauration et ou établissement d’un titre de travail et de séjour basé sur l’avis du ministère des mines ; ces titres de séjour et de travail seront payants et limités dans le temps par 1 seul renouvellement possible ;
  • Suivi rigoureux de l’effectivité du transfert de compétences aux nationaux conformément à la loi ;
  • Renforcement des inspections sur le lieu de travail afin de suivre tous les travailleurs non à jour quelle que soit leur origine.
  • Créer un secrétariat de suivi des cadres Burkinabè du secteur minier ;
  • Demander aux sociétés d’ajuster les salaires des Burkinabè sur celui des travailleurs des autres mines au Burkina. Pour la même société qui exploite l’or au Burkina, Côte d’Ivoire et Sénégal. L’éthique voudrait un alignement salarial car même produit exploité dans le même contexte avec en moyenne un cout de production de $880/once (agenceecofin.com).
  1. Transparence sur les actionnaires dans les sociétés minières exploitantes

Dans le capital local et/ou le capital international (cas des merger) des sociétés minières, il y a deux types d’actionnaires : ceux dont l’actionnariat est transparent et ceux dont l’actionnariat vient de l’argent de la corruption.

Pour plus de transparence, les sociétés doivent publier la liste des actionnaires et le mode d’acquisition de leurs actions.

Sur les tableaux 5 et 6, il n’apparait que le nom d’un seul Burkinabè avec 1% Semafo Burkina Faso en plus des 10% de l’Etat dans les différentes sociétés. Est-ce que c’est possible ? Si c’était le cas, alors il faut encourager l’actionnariat transparent des Burkinabè.

Il est opportun de poser le problème de « MERGER », en français facile, c’est quand une société englobe plusieurs sociétés sous son label. Dans ce type d’opération, il y a inévitablement des pertes d’emplois et une création de plus-value. Cette dernière s’observe sur le plan boursier. Le perdant dans cette opération est le pays qui détient les ressources objets de transaction.

Pour qu’un pays comme le Burkina rentre dans ses droits il faudrait :

  • Que le code minier et le code des impôts créent une taxe sur la valeur.
  • Que le Burkina Faso considère qu’il s’agit d’une forme d’achat et dans ce cas un impôt doit être payé. Il semble que la taxe sur la plus-value, serait mal maitrisée donc mal calculée. Il est souhaitable que les économistes et juristes réfléchissent sur la question et aviser.

Deux exemples concrets :

  • Glencore qui détenait à 90% des parts dans la mine de zinc de Perkoa l’a revendu à Trevali le 31/08/2017. Le montant de la transaction est connu. Sait-on seulement combien le Burkina a-t-il perçu comme taxe ?
  • Endeavour a repris SEMAFO puis TERANGA, il devait y avoir une plus-value à payer sur chaque permis de recherche et minier. Quels sont les montants payés ?

            Tableau 5 : Structure de capital et propriété réelle des sociétés

Tableau 6 : Structure de capital et propriété réelle des sociétés

Source : Rapport ITIE, Dec.2018. Initiative pour la Transparence des Industries Extractives du Burkina Faso (itie-bf.gov.bf)

  1. Transparence des contrats miniers

Selon le rapport décembre 2018 de l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives du Burkina Faso, du 1er juin 2012 au 22 février 2018, 22 conventions minières ont été signées pour les substances suivantes : or (18) ; manganèse (02) ; zinc (01) et calcaire a ciment (01).

Le Code minier (2015) consacre dans son article 15 la publication des titres miniers et autorisations ainsi que des contrats ou des conventions minières.

Actuellement, seuls 5 contrats peuvent être directement consultés en ligne. Le détail des titulaires et des liens d’accès se présente comme suit :

Tableau 7 : Liste des conventions publiées sur internet.

Source : Rapport ITIE, Dec.2018. Initiative pour la Transparence des Industries Extractives du Burkina Faso (itie-bf.gov.bf)

Pour plus de transparence, toutes ces conventions devraient être publiées

  1. Les sociétés sous-traitantes et les géo-services

Parmi ces sociétés il y a celles créées par des opérateurs économiques et celles créées par des hommes politiques et des agents de la fonction publique.

Il s’agira de demander à chaque société de fournir la liste exhaustive des actionnaires et de justifier leurs sources de financement pour une question de transparence.

Il est à noter l’arrêté pris récemment pour définir la part des sous-traitants nationaux dans le cadre des offres de service. Cela est louable mais demande un suivi rigoureux.

  1. Evaluation du contenu local

Au niveau des différentes mines, il a été mis en place un programme dénommé « contenu local ».

Sans connaitre les degrés de succès ou d’échec des projets de ce programme, il serait souhaitable de réunir les acteurs au niveau des différentes mines afin de faire une évaluation exhaustive des retombées.

  1. Décentralisation

La plupart des secteurs (santé, éducation, agriculture, élevage, environnement, énergie etc.) ont été décentralisés sauf le secteur minier.

Au regard des différents enjeux, il est impérieux d’entreprendre une décentralisation des services.

La décentralisation aura pour les retombées immédiates ci-dessous :

  • Une lutte plus efficace contre la fraude de l’or ;
  • Une meilleure connaissance de la situation des activités minières avec des rapports mensuels ;
  • Un contrôle plus facile des sociétés minières et autres activités minières ;
  • Faciliter la gestion administrative du secteur.
  1. Les projets financés par la banque mondiale et leurs résultats

Depuis plusieurs années, de nombreux projets du secteur minier ont été financés par la Banque Mondiale. Si certains ont donné des résultats probants, de nombreux projets ont été concoctés par des intellectuels peu honnêtes pour s’enrichir et les nombreux rapports ainsi élaborés finissent dans les tiroirs ou sur les étagères de bibliothèque. Ces sommes importantes sont engagées au nom du peuple burkinabé dans sa quête de progrès social.

Pour faire l’état des lieux, il est souhaitable qu’un vrai audit soit effectué sur les projets des 20 dernières années dans le secteur minier en vue d’une meilleure orientation et d’une meilleure gestion dans le futur.

  1. Les impacts environnementaux et sociaux des exploitations minières

Loin des yeux de ceux qui sont dans les bureaux climatisés de Ouagadougou, se déroule au nord-est à 125 km à Kalsaka, un exemple qui a d’ailleurs fait l’objet d’un film « Pas d’or pour Kalsaka » (Michel K. Zongo et Florian Schewe, 2019). En résumé, il s’agit d’une ancienne mine d’or aujourd’hui laissée à l’abandon avec toutes ses conséquences sur le plan environnemental.

Le Burkina devrait situer les responsabilités et tirer toutes les leçons pour prévenir ce qui va arriver au niveau des autres mines.

Pour l’instant de nombreuses sociétés trainent le pas dans le cadre des engagements environnementaux (Fermeture et réhabilitation des sites miniers).

  1. Réhabilitation des zones affectées par l’exploitation minière

Dans les prochaines années certaines des 17 mines actuellement en exploitation seront amener à fermer pour diverses raisons connues à l’avance. Parmi les principales raisons, il y a l’épuisement des ressources, la rentabilité etc.

Les dispositions doivent être prises pour une meilleure gestion.

  1. L’orpaillage et ses différents effets pervers

Ce sujet est si important qu’il a fait l’objet d’ateliers, colloques, projets avec des financements divers jusqu’à la création d’une agence dénommée « ANEEMAS » Agence Nationale d’Encadrement des Exploitations Artisanales et Semi -mécanisées créée par décret le 18/12/2015

En analysant les missions de cette agence, on très impressionné.   Selon les informations provenant de divers acteurs du secteur minier, les réalités du terrain indiquent que les objectifs sont loin d’être atteints et l’empreinte de cette agence est peu visible sur le terrain.

Il est alors important d’évaluer au plus vite cette agence afin de mieux faire.

  1. Etats généraux du secteur minier

Dans l’histoire du Burkina, la plupart des secteurs (agriculture, élevage, santé, éducation etc.) ont fait leurs états généraux.  Même si les retombées sont peu ou pas visibles, ces états généraux ont produit des résultats à même d’être analysés, mesurés avec ses implications possibles pour les mesures à prendre.

Il serait important par conséquent urgent d’organiser les états généraux du secteur minier qui est souvent méconnu ou abordé avec beaucoup d’appréhensions.

  1. Une relecture du code minier

L’application au quotidien du code minier de 2015, montre ses limites et ses contradictions. Par ailleurs, la comparaison de notre code avec les codes de pays africains ayant au minimum le même niveau de développement du secteur minier suggère une relecture de notre code.

D’ailleurs, il est bien connu que certaines sociétés exploitent les limites de notre code minier pour exploiter nos ressources minières dans les conditions les plus avantageuses pour eux seuls.

  1. Diversification de la recherche sur les substances minérales

La grande majorité des permis de recherches minières bien qu’indiquant or, cuivre, zinc, plomb, minéraux connexes, etc. ne sont investigués que pour la recherche de l’or.  Le résultat c’est que sur 17 mines en exploitation, 16 sont des mines d’or.

Les seuls gisements et indices connus sont les résultats des travaux antérieurs du BUMIGEB et du PNUD.

Afin de relancer l’exploration pour les substances comme, lithium, tantale, niobium, étain, terres rares et autres il faut :

  • Réviser le code minier pour permettre la sélection des substances lors de la demande de permis et payer en fonction des types de substances
  • Armer le BUMIGEB pour lui délimiter des zones exclusives pour mener les travaux d’exploration ou d’évaluation.

B  NECESSITE DE CREER UN MINISTERE DES MINES ET GEOLOGIE

Le secteur minier représente environ 12% du PIB du Burkina Faso et à ce titre une attention particulière doit lui être réservée.

Afin de lui donner toute sa splendeur et son efficacité, il est temps de confier la conduite de ce secteur à une personne qualifiée, avec une expérience reconnue dans le domaine et empreint d’un sens patriotique aigu.

Il s’agira pour ce ministère de mettre en place les fondements nationaux de la gouvernance des ressources naturelles qui sont non renouvelables.

Recommandations

Le gouvernement doit s’engager pour :

  • Une gestion des ressources naturelles qui doit apporter les meilleurs avantages aux citoyens grâce à une stratégie nationale inclusive, à un cadre juridique clair et à des institutions compétentes ;
  • Plus que jamais, faire un appel à candidature pour le recrutement des Directeurs Généraux des sociétés d’Etat du domaine minier (Définir des objectifs, évaluation des résultats)
  • Une bonne gouvernance des ressources naturelles qui ne peut être assurée que si les décideurs sont tenus de rendre des comptes à un public informé ;
  • Encourager la poursuite d’opérations d’exploration et de production efficaces et attribuer les droits y afférents de manière transparente ;
  • Un régime fiscal et les dispositions contractuelles qui doivent permettre au gouvernement de dégager la pleine valeur de ses ressources, en étant capable d’attirer les investissements nécessaires et de traverser sans heurts des situations changeantes ;
  • Rechercher les opportunités de dégager des avantages pour les communautés locales et prendre en compte, atténuer et compenser les coûts environnementaux et sociaux des projets extractifs ;
  • Faire en sorte que les entreprises nationales de ressources naturelles soient redevables, détenir des mandats bien définis et viser à l’efficacité commerciale ;
  • Re-investir les revenus extractifs de manière à produire des effets optimaux et équitables pour le bénéfice des générations actuelles et futures ;
  • Régulariser les dépenses intérieures effectuées à partir de des revenus extractifs afin de tenir compte de la volatilité de ces revenus ;
  • Utiliser les revenus extractifs en tant qu’occasion d’améliorer l’efficacité des dépenses publiques aux niveaux national et infranational ;
  • Faciliter les investissements du secteur privé pour diversifier l’économie et favoriser l’engagement des entreprises privées dans le secteur extractif ;
  • Les entreprises doivent s’engager à respecter les normes les plus élevées en matière d’environnement et de respect des droits sociaux et humains, ainsi qu’à promouvoir le développement durable ;
  • Le gouvernement et les organisations sous-régionales et internationales doivent promouvoir une harmonisation des normes toujours plus poussée dans leur soutien au développement durable.
  1. NECESSITE DE REPERTORIER ET ET DE PROMOUVOIR LES CADRES DU SECTEUR MINIER

Les ressources humaines sont une dimension importante du problème. Cela doit faire partie des états généraux et d’une réflexion approfondie.

Il est établi de plusieurs sources même des acteurs étrangers du secteur minier international que l’administration minière du Burkina est aujourd’hui l’administration publique la plus faible (techniquement) et la plus frileuse (incapacité de prise de décision, d’expertise technique assumées, par  peur des sanctions et autre black-listing du secteur privé) d’Afrique de l’Ouest. Comment comprendre que des listes de personnes à ne pas embaucher circulent et/ou ont circulé dans ce pays pour certaines communautés d’employeurs ?

Les différentes commissions montrent à loisir à quel point notre administration n’est pas formée pour les aspects spécifiques des tâches de ce secteur. Un géologue classique sans formation spécifique est-il habilité à discuter de l’obtention d’un permis d’exploitation ? Par exemple, un très bon comptable, mais non-formé au SYSCOHADA peut-il être pertinent sur la comptabilité au Burkina ?

De la formation des cadres du secteur par les instituts privés :

Aujourd’hui de nombreux établissements privés d’enseignement en géologie, mines, QHSE, etc. échappent à tout contrôle, délivrant des formations non reconnues (par le CAMES) sans aucun savoir-faire. Doit-on laisser arriver dans ce secteur, ce qui a déjà fait des dégâts dans d’autres secteurs (infirmiers, éducation, etc.), alors qu’en 1990 par exemple, la formation en géologie de l’université de Ouagadougou était la meilleure d’Afrique de l’Ouest, au même titre que celle de l’IST à Dakar ?

 Les universités privées et autres instituts doivent être encadrés, règlementés et suivis.

Il faut s’assurer d’avoir des offres de formation de professionnels compétents, réfléchir à l’établissement d’ordres professionnels efficaces, mettre en place des grilles de promotions (pour passer de junior a senior par exemple), et échelle de salaire minimas, etc.

D         NECESSITE DE CONSTRUIRE UN IMMEUBLE GROUPANT LES DIRECTIONS GENERALES DU MINISTERE ET LES PRINCIPAUX SERVICES RATTACHES

            Depuis plusieurs années, le Ministère des Mines et des Carrières est celui dont certains de ces services rattachés ont été dispersés aux quatre coins de Ouagadougou.

            Cela a été encouragé par la volonté de certains des ministres de vouloir louer la maison ou l’immeuble de leurs amis, parents etc. Cette attitude affairiste a conduit à louer des maisons totalement inadaptées

            Il faut remédier à cette situation et parmi les choses que nous pouvons laisser aux générations futures c’est un immeuble digne de ce nom dans lequel, outre un musée, prévoir le ministère et tous les services rattachés.

E          CONSTRUCTION DE SIEGE DES SOCIETES MINIERES EN EXPLOITATION

            De nombreuses sociétés exploitant nos substances minérales préfèrent louer au lieu de construire un siège à l’image de l’importance de leurs activités dans la capitale ou dans les communes où elles opèrent. L’instauration d’une obligation de construction de siège  pourra être inscrite dans les conventions en fonction des paramètres de durée de vie de la mine, du nombre de mines détenues par une société ; ceci fera donc partie de leurs investissements dans le cadre du développement economique du pays.

             F          DECORATION DES PERSONNES AYANT CONTRIBUES AU SECTEUR MINIER

L’histoire des travaux de recherches minières et des découverts remonte avant les indépendances.

Depuis l’indépendance de notre pays a nos jours, de nombreuses personnes ont largement contribuée aux travaux de recherche minières à travers la Direction Générale des Mines (DGM) et du Bureau des de Mines et de la Géologie du Burkina (BUMIGEB). Certaines sont décédées sans avoir récolté les fruits de leurs efforts. D’autres même vivants n’ont jamais reçu une reconnaissance par la nation (décoration).

Il serait grand temps que l’Etat pense à toutes ces personnes qui ont contribuées au développement du secteur minier du Burkina.

Par ailleurs, plus d’un géologue qui connait l’histoire de la géologie et des découvertes est choqué en allant a des rencontres minières telle que la SAMAO (au Burkina) de voir que pas une seule salle de conférence ne porte le nom de GAMSONRE Patoin Emile, le père de la mise en place du BUMIGEB, de la SONABHY et qui a participé à la formation et à l’encadrement de dizaine de géologues qui à leur tour ont découvert de nombreuses mines et indices dont certains sont encore en exploitation.

On pourrait citer de nombreux autres noms de personnes dont les travaux profitent directement au peuple du Burkina Faso tels que Adama Pierre Traore et bien d’autres qui vivent dans l’anonymat ou sont décédés dans l’anonymat.

Il serait bien qu’une reconnaissance soit fait à leur égard, pendant qu’ils sont vivants ou même à titre posthume pour certains d’entre eux.

De nombreux géologues vivent avec cette frustration, ceux qui jadis allaient là où personne ne voulait aller se voient écartés après avoir transformé ces endroits en paradis et en source de revenus pour le pays.

Groupe de géologues professionnels

Contact : Dr. Salifou Napon

Email : salifnapon@yahoo.fr