Accueil Communiqué de presse Education au Burkina: «prémisses d’une nouvelle crise», selon la F-SYNTER

Education au Burkina: «prémisses d’une nouvelle crise», selon la F-SYNTER

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photo d'archives

Dans sa déclaration de rentrée, la Fédération des Syndicats nationaux des Travailleurs de l’Education et de la Recherche (F-SYNTER) a invité « les structures et les militant(e) à renforcer les cadres organisationnels, à se mobiliser pour des actions de défense d’une école démocratique et de qualité, de meilleures conditions de vie des travailleurs de l’éducation et de la recherche ».

La rentrée scolaire et universitaire 2018-2019 s’effectue dans un contexte national de grande effervescence au triple plan social, économique et politique. En effet au plan social, les dirigeants du MPP et leurs alliés au pouvoir s’inscrivent dans une offensive antipopulaire se traduisant par une remise en causes des libertés démocratiques et syndicales ainsi que des acquis sociaux. Dans ce sens, se sont développés les actes suivants :

  • Répression de manifestations organisées le plus souvent pacifiquement par les populations ou les travailleurs (embastillement de populations de Niankorodougou dans la Région des Cascades, dispersion de travailleurs en sit-in, mise hors des portes du PMK d’enseignants, attaques de travailleurs en lutte au ministère de l’action sociale, etc.) ;
  • Tentatives de remise en cause du droit de grève avec des velléités d’adoption de texte liberticide sur l’organisation de la grève ;
  • Discours tendant à criminaliser les luttes en les présentant comme des actes anti patriotiques voire même terroristes ;
  • Convocation d’une conférence sur la mise à plat du système de rémunération des agents publics de l’Etat ;

Pendant ce temps, l’on enregistre une multiplication d’attaques terroristes dont la dernière en date a coûté la vie à huit (08) soldats le 26 septembre 2018 à Baraboulé. La F-SYNTER saisit l’occasion pour présenter ses condoléances aux familles endeuillées et présente ses vœux de prompt rétablissement à l’ensemble des victimes de ces actes barbares.  Outre les nombreuses vies fauchées aussi bien au sein de l’armée que de la population civile, ce phénomène a entrainé la fermeture de nombreuses écoles pendant toute l’année scolaire 2017-2018, l’incendie d’infrastructures scolaires, la prise en otage de citoyens, etc. Malgré l’implantation de base militaires étrangères dans notre pays sous le prétexte de lutte contre le terrorisme, les attaques s’intensifient. En clair donc l’existence de ces bases visent d’autres objectifs que d’assurer la sécurité des populations. La persistance et la recrudescence du phénomène met en lumière l’incurie du pouvoir MPP.

Toutefois, l’esprit de lutte qui a caractérisé notre peuple ces dernières années, matérialisé particulièrement par l’insurrection populaire d’octobre 2014 et la résistance au putsch de type fasciste de septembre 2015, avec en toile de fond le rejet d’un système scélérat et de prédation ne s’est point estompé. Ainsi, toutes les couches de notre société (paysans, sans emploi, travailleurs du secteur informel et formel), s’organisent et engagent chaque jour des luttes multiformes pour la conquête d’espace de liberté et la résolution de leurs préoccupations.

Si les luttes et la mobilisation populaire ont imposé la tenue d’un procès contre les auteurs du putsch de septembre 2015, il apparait un manque de volonté de faire manifester la vérité et marquer un coup d’exemple en matière de lutte contre l’impunité. De plus, le chômage notamment celui des jeunes est devenu un phénomène endémique. La réduction de 40% du taux de recrutement aux concours directs de la session de 2018 est la preuve patente que la réponse idoine à cette problématique ne se réalisera pas avec le régime actuel. Une telle option montre d’ailleurs à souhait que l’évocation du chômage des jeunes par les dirigeants l’est plus dans une recherche d’embrigadement de la jeunesse. Dans la réalité, ce phénomène préoccupe peu les tenants du pouvoir qui surfent sur cette préoccupation des jeunes et la misère d’autres couches vulnérables de la société.

Au niveau économique, l’application de programmes sous le diktat des institutions financières internationales que sont la Banque Mondiale et le FMI met notre pays davantage sous domination impérialiste. Le PNDES, une variante des Programmes d’Ajustement structurels (PAS) venté comme un miracle à même de sortir notre peuple du sous-développement, devient de jour en jour un mirage même pour ses laudateurs. L’échec du PNDES à l’instar des défunts CSLP et SCADD est si évident que ses porteurs commencent à chercher des subterfuges pour se dédouaner. C’est cela qui explique les jérémiades du genre « l’ébullition du front social empêche la réussite du PNDES ». En outre, le pillage des ressources de notre pays (or, coton, minerais de tout genre) qui s’est organisé sous Blaise Compaoré se poursuit allègrement avec ses serviteurs zélés d’hier devenus aujourd’hui principaux gestionnaires de l’appareil d’Etat.

Au plan politique, la perspective des élections de 2020 et la problématique de la réconciliation semblent être la préoccupation fondamentale de la classe politique ; celle au pouvoir de même que celle regroupée autour du Chef de file de l’Opposition politique (CFOP). Les joutes verbales ainsi que les campagnes avant la campagne électorale officielle visent la conquête d’un électorat plus que tout autre chose. Consécutivement, les choses sont peintes donnant l’impression que notre peuple est divisé. Dans la réalité, la bataille autour de la thématique de réconciliation exprime une vision de la classe politique, qui estime que l’insurrection de 2014 était une catastrophe, une erreur de l’histoire dans notre pays. Elle cherche donc à s’unir afin d’éviter de telles issues au combat que mène notre peuple depuis des années contre un système politique qui a induit des maux comme le chômage des jeunes, les licenciements, l’insécurité, l’insuffisance de l’offre éducative et de la couverture sanitaire, la corruption, l’impunité des crimes économique et de sang, etc. exacerbant chaque année une pauvreté de masse. Véritablement, aucune alternative crédible n’est présentée aux populations qui se battent quotidiennement pour un lendemain plus rassurant, plus prospère. La forte aspiration du peuple burkinabé aujourd’hui, est l’avènement d’un système politique qui rompt avec les politiques néolibérales actuelles synonymes de domination impérialiste.

A contrario, la ville bruisse, les réseaux sociaux sont inondés, par les frasques et les impairs des dirigeants au plus haut niveau de l’appareil de l’Etat sans que l’on ne perçoive une action visant à siffler la fin de la récréation sur de telles pratiques qui n’honorent point la République.

Dans le secteur particulier de l’éducation, la situation n’est guère reluisante. Malgré la lutte historique menée par les acteurs de l’éducation et de la recherche pendant des mois au cours de l’année scolaire et universitaire 2017-2018 et qui s’est soldée par la signature d’un protocole d’accord entre la Coordination nationale des Syndicats de l’Education (CNSE) et le gouvernement, l’éducation demeure une problématique à la veille de cette rentrée 2018-2019.

En effet, la situation de nombreuses écoles qui n’ont pu fonctionner pendant l’année scolaire 2017-2018 du fait de l’insécurité reste posée avec grande acuité. Les grands maux qui asphyxient le système éducatif demeurent presque en l’état. Ils ont pour nom: insuffisance d’infrastructures, manque de personnels, effectifs pléthoriques, mauvaises conditions de vie des acteurs, insuffisance de formation initiale et continue, insuffisance de matériels didactique et de consommables, etc. A cela s’ajoute une politique de privatisation outrancière de l’école dans un pays où plus de 43% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté.

Des données produites par l’administration elle-même sur l’état du système éducatif en 2017 révèlent la situation suivante : « En 2017, on note une baisse du taux globale d’exécution physique passant de 73,70% en 2016 à 72,93% et toutes les cibles de 2017 n’ont pas été atteintes.

  • Au préscolaire : les cibles n’ont pas été atteintes au cours de 2017. On a enregistré un effectif de 67 733 contre une cible de 130.887 avec un taux de préscolarisation de 3.5%.
  • Au primaire : les indicateurs d’efficacité internes se sont dégradés en 2017 par rapport à 2014, indiquant une baisse de la qualité. Le coefficient global d’efficacité interne est passé de 75,10 en 2014 à 71,9 en 2017. En outre l’analyse du profil de scolarisation au primaire témoigne de la dégradation tendancielle des indicateurs d’efficacité interne qui se traduit par une baisse tendancielle de la qualité depuis 2014. « En, 2016/2017, sur 1000 élèves entrés au CP1, 654 parviendront au CM2 avec ou sans redoublement contre 686 en 2015/2016 et 688 en 2012/2013 » p19
  • Les activités portant sur la réforme curriculaire (52,83%), le développement des passerelles (46,67%) et l’évaluation et la certification des apprentissages (56,16%) ont tiré le taux d’exécution du programme Qualité vers le bas.
  • Au Post primaire et au secondaire : on constate une amélioration globale des indicateurs d’efficacité interne entre 2014 et 2016. Ainsi, les coefficients globaux d’efficacité interne sont passés respectivement de 69,60 à 85.30 et de 69.80 à 80.81%, mais aucune cible en matière d’accès n’a été atteinte en 2017. Sur les prévisions des constructions des lycées scientifiques, techniques et professionnelles aucune réalisation. Taux d’exécution 0%. Pas d’explication sur la question. PP 36-37 : Tableau II1 Situation d’exécution des constructions programmées 2017.

En AENF, tous les indicateurs de qualité et d’accès sont en baisse de façon tendancielle. » (Cf Appréciation du 6è Rapport de mise en œuvre du PDSEB)

Quant aux conditions de vie des personnels, elles sont d’une extrême gravité. Une étude commanditée par le MENA en décembre 2016 a conclu à un niveau élevé de démotivation des personnels. De même, le rapport parlementaire relève que seulement 9% des enseignants ont entre 40 et 60 ans ; signe que peu de gens restent longtemps dans le métier.

Ce tableau peu reluisant a été la cause de la révolte des personnels de l’éducation et de la recherche. Mobilisés dans le cadre de la CNSE, ils ont engagé une lutte autour d’une plate-forme minimale en quatre (4) points. Le protocole signé le 27 janvier 2018 entre le gouvernement et les syndicats pour mettre fin à cette crise d’une ampleur dans l’éducation a suscité un grand espoir chez les personnels. Convaincus que les points d’accord ne règlent pas tous les problèmes mais marquent une avancée dans la recherche des solutions aux maux du système éducatif, ils se sont investis sans compter pour conduire à terme l’année scolaire 2017-2018 et dans de bonnes conditions. C’est cela entre autres qui a donné les résultats satisfaisants aux examens scolaires avec les taux suivants : Baccalauréat : 40,93% ; BEPC : 42,91% ; BEP : 57,66% ; CEP : 67,77%.

C’est pourquoi, les tergiversations actuelles du gouvernement dans la mise en œuvre correcte des points du protocole suivant les échéances établies sont inadmissibles et inacceptables. Elles posent clairement les prémisses d’une nouvelle crise dans l’éducation et la recherche. Le gouvernement portera l’entière responsabilité d’une telle évolution.

Au regard de ce contexte au niveau national et particulièrement dans le secteur de l’éducation et de la recherche, l’alternative réside dans l’organisation, la mobilisation et la lutte. Aussi, la F-SYNTER invite-t-elle :

  • les structures et les militant(e) à renforcer les cadres organisationnels, à se mobiliser pour des actions de défense d’une école démocratique et de qualité, de meilleures conditions de vie des travailleurs de l’éducation et de la recherche ;
  • les travailleurs de l’éducation et de la recherche à se mobiliser davantage pour la résolution de leurs préoccupations et à contribuer à la lutte générale de notre peuple ;
  • les démocrates et progressistes à la défense des libertés sociaux et démocratiques et pour une alternative au système néolibéral, de domination dans notre pays.

Pain et liberté pour le peuple !

Pour le Bureau national fédéral

Souleymane BADIEL

Secrétaire Général