Accueil A la une Elections au Niger: la révolution politique en marche

Elections au Niger: la révolution politique en marche

0
Vote au Niger (Ph. d'illustration)
Le président Mahamadou Issoufou a félicité le peuple nigérien pour sa maturité

Les scrutins présidentiel et législatifs couplés se sont déroulés ce dimanche 27 décembre 2020, au Niger, rassemblant dans 26 000 bureaux de vote, près de 7,5 millions d’électeurs. Comme les élections locales du 13 décembre dernier, ces votes qui permettront aux Nigériennes et Nigériens de désigner les 171 députés de l’Assemblée nationale et un nouveau président, renforcent le processus démocratique dans un pays où, le combat contre l’insécurité et la lutte contre la pauvreté, constitueront les deux priorités du successeur de Mahamadou Issoufou. «Le processus électoral dans son ensemble se déroule bien et nous nous attendons à des élections crédibles, transparentes et démocratiques». C’est la conviction du Consortium pour l’observation des élections au Niger, présidé par Any Arouna, et composé, entre autres, d’étudiants, de magistrats, d’avocats, de greffiers.

Avec les deux mains on est sûr que le bulletin est bien rentré dans l’urne

Une première au Niger

Le dispositif particulier à l’hôtel de ville de Niamey, montrait bien que cette matinée dominicale était tout, sauf ordinaire pour les Nigériens et Nigériennes. Plus qu’un jour de vote, ce dimanche 27 décembre, était un moment historique qui doit, entre autres, déboucher sur la transmission du pouvoir par un président démocratiquement élu, à un autre président démocratiquement élu, sous les yeux d’observateurs nationaux et internationaux, témoins privilégiés de ces élections, présidentielle et législatives couplées. Comme le Consortium pour l’observation des élections au Niger, la CEN-SAD et ses 30 observateurs conduits par l’ancien président de la transition du Mali, Dioncounda Traoré, la CEDEAO, l’Union africaine, la Francophonie, pour ne citer que ces missions d’observation, n’ont pas marchandé leur disponibilité pour scruter ces élections dont, selon eux, la bonne organisation en amont, la discipline des électeurs, et la campagne électorale apaisée, tout comme la tenue du vote dans le calme, sont à relever.

Ils sont du Consortium de pour l’observation des élections au Niger

Montrer patte blanche

Un isoloir bien imaginé et l’électeur vote en toute discrétion!

Dès l’entrée de la mairie de la capitale nigérienne, il fallait montrer patte blanche. Fouille systématique des sacs et sacoches, passage minutieux de détecteur de métaux sur le corps. Résurgence du Covid-19 oblige, en plus du port obligatoire du masque, il fallait se soumettre à la prise de température, le nettoyage des mains au gel hydro-alcoolique et surtout emprunter le tunnel de désinfection solaire, qui, en 5 secondes, vous débarrasse de tous les agents pathogènes qui pourraient se nicher sur le corps et les habits. Les virus, notamment le Covid-19, étaient particulièrement visés. Et les microbes ont dû en avoir pour leur compte, car, Moulay Bachir Bendekken, le concepteur de ce bijou nettoyeur et le Groupe Benalya qui l’a fabriqué et l’a fait homologuer par le ministère nigérien en charge de la Santé, sont sûrs de leur affaire. «Il assure cinq passages par minute», révèle, un brin de satisfaction dans le regard, le «papa» du «tunnel de désinfection solaire, autonome, écologique et robuste».

Le tunnel de désinfection solaire

Elections historiques

La fin de l’ère Mahamadou Issoufou. C’est la marque que portent ces élections, auxquelles, le chef de l’Etat nigérien (68 ans), qui va vers la fin de son second mandat constitutionnel, ne prend pas part. Il a refusé de succomber au charme du 3è mandat qui, pourtant revient en force à la mode, dans une sous-région, où l’Ivoirien Alassane Dramane Ouattara (78 ans) et le Guinéen Alpha Condé (82 ans), en sont les porte-flambeaux. Que pense Mahamadou Issoufou de ces scrutins que tous les Nigériens souhaitent apaisés, à l’instar de la campagne électorale qui les a précédés? «Il y a deux semaines, c’était les locales. Aujourd’hui, ce sont les présidentielle et législatives couplées. Une présidentielle à laquelle je ne prends pas part, ce qui constitue, depuis 30 ans, une première au Niger. C’est un jour spécial pour notre pays qui connaîtra, pour la première fois une véritable alternance démocratique, que d’autres alternances démocratiques suivront.

Mahamadou Issoufou lors de son vote

Le Niger consolide ainsi son statut de modèle démocratique en Afrique, avec ces élections libres et transparentes. La Céni (Commission nationale électorale indépendante, NDLR) a pris toutes les dispositions pour cela.» L’occasion a été saisie par Mahamadou Issoufou, pour saluer, la détermination de tous les Nigériens qui font preuve d’esprit démocratique, et surtout le professionnalisme des Forces de défense et de sécurité qui assurent la défense du territoire. «Nous détribalisons la politique et la construisons autour de valeurs non identitaires», a affirmé, par ailleurs le président nigérien, pour qui, le Niger vient d’entamer une «révolution politique». Et, tout en saluant «la sagesse et la maturité» du peuple, Mahamadou Issoufou, qui venait de glisser son bulletin dans les urnes, pour la dernière fois sous son bonnet rouge grenat de président de la république, asséna, en père de toute la nation: «Quel que soit le vainqueur, c’est le Niger qui gagne».

Le favori, Mohamed Bazoum

«Une grande fierté». C’est le sentiment qui animait l’un des 30 candidats alignés dans les starting-blocks de cette présidentielle inédite au Niger. Le président du Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS-Tarayya), qui a parcouru, lors de sa tournée de proximité et la campagne électorale, 238 des 266 communes que compte le Niger. Il y a partagé le quotidien de ses concitoyens, notamment ceux dits ruraux. Il est considéré comme le favori de cette présidentielle pour laquelle ses partisans lui ont promis le «coup KO». Mais, ce qui a fasciné, ce jour de scrutin, le candidat Mohamed Bazoum, drapé dans un boubou blanc, c’est le grand patriotisme des Nigériens, l’efficacité des Forces de défense et de la sécurité, et la prouesse de la Céni, grâce à qui, pour «la première fois» depuis qu’il participe à des élections, dès la veille, «des bureaux de vote ont été mis en place, dans les coins les plus reculés, comme la circonscription de Tesker (le village de ses parents, NDLR)».

Le candidat Mohamed Bazoum accomplit son devoir de citoyen

Le «lion de Tesker», comme l’a chanté un slameur, lors d’un meeting de campagne électorale, dans la commune 5 de Niamey, en rendant grâce à Dieu, n’a pas manqué de relever la force démocratique de la loi électorale du Niger, qui met tous les candidats sur le même pied d’égalité, en leur donnant le droit de disposer de représentants dans tous les bureaux de vote. «Même au sein des président, secrétaire, et accesseurs, de la Céni, dans les bureaux de vote, la répartition est équitable au profit de tous les candidats», a souligné le candidat du PNDS-Tarayya, qui considère cette donne comme «une garantie de transparence et d’équité de ce vote».

Sans carte, pas de vote

Le président de bureau de vote, Al Moustapha Yayé

Catégorique, Al Moustapha Yayé, le président du bureau de vote 163, l’un des 5 bureaux de vote de l’école Foulan Koira I, dans la commune 2 de Niamey, ne cède pas face à Georges Souleymane Ausseil, qui insiste logiquement, pour jouir de son droit de citoyen. Ce dernier ne retrouve pas sa carte, bien qu’ayant son nom sur la liste électorale et disposant du récépissé qui atteste qu’il est bien un électeur en règle. «Moi je ne peux pas accepter qu’il vote, car je respecte le code électoral et la décisions de ma hiérarchie», note le président du bureau de vote, avec le soutien d’autres membres du bureau et de délégués des partis politiques.

Sans carte, Georges Souleymane Ausseil avait des difficultés pour voter

Avant la fermeture des bureaux de vote, fermeture qui n’est pas homogène sur l’ensemble des circonscriptions, car répondant aux heures d’ouverture, M. Ausseil a-t-il pu trouver une solution à son souci? Peut-être oui, peut-être non. Mais, ce sont, là, de petits couacs isolés, inhérents à toute tenue d’élection de ce gabarit.

Tout va bien

La présidente de vote, Kaltoum Ouma Daouda

Dans les autres bureaux de vote, comme ceux du CEG Yantala de la commune 1, du complexe scolaire public Amirou Djibo, au quartier Maouré de la Commune 2, l’équipe de la Céni, les observateurs et les électeurs reconnaissent, à l’unanimité, que «jusqu’à présent, tout se passe bien». Certes, à l’heure de notre passage, autour de 10H, l’affluence n’était pas encore à sa pointe, «le dimanche étant jour de baptême et d’autres obligations sociales auxquelles on ne saurait se soustraire», note, Ibrahim. La présidente du bureau de vote 8 du CEG de Yantala, Kaltoum Ouma Daouda, ne dit pas le contraire. Elle qui attendait les 412 inscrits de son bureau de vote.

Le président du Mouvement des jeunes socialistes du Niger, Papou Hamza

Papou Hamza, lui, est le président du Mouvement des jeunes socialistes du Niger. Entre deux tournées, il a le temps de s’adresser aux journalistes. «Les gens ont répondu à notre appel et sont sortis, massivement, pour voter. Nous remercions Dieu pour l’alternance démocratique qui s’annonce, rendant, ainsi, réalité, le rêve du Président Mahamadou Issoufou». Pour lui également, «quel que soit le vainqueur, c’est le Niger qui gagne».

«Il ne faut pas que les gens volent la caisse»

Heureux de voter

«L’élection se passe bien, mais il ne faut pas que les gens volent la caisse», murmure, Soumane Issaka Oumarou. Cet électeur, sagement arrêté dans la queue pour attendre son tour, attire, dans son français à lui, l’attention sur les fraudes qui pourraient être observées au cours de ces élections. C’est également l’inquiétude de ces délégués du parti d’opposition, le MODEN FA Lumana Africa, de l’opposant, Hama Amadou, disqualifié par la Cour constitutionnelle, sans doute parce que condamné, en 2017, par la justice de son pays, dans une affaire de trafic de bébés volés. «Que le meilleur, et non le plus fort gagne», soulignent, entre deux bouchées de pain, ces militants qui croient dur comme fer à la victoire de l’opposition et plus précisément de Lumana, aux législatives. «En tout cas, ici, nous, on ouvre l’œil», ont-ils ajouté, dans la bonne humeur qui caractérisait ce jour d’élection.

La Céni veille

Le président de la Céni, Issaka Souna

La Commission électorale nationale indépendante (Céni), elle ne doute pas de la transparence de ces votes qu’elle a organisés dans le respect des dispositions électorales. Pour son président, Issaka Souna, «avec les moyens qui ont été mis à sa disposition par l’Etat, la Céni a travaillé de manière très professionnelle afin que les 7,5 millions d’électeurs inscrits votent dans la sérénité dans le cadre de ces élections ouvertes et démocratiques». Mais comme les contestations ne peuvent pas manquer, ce qui conforte, du reste, la démocratie, «il faut qu’elles se fassent dans le respect de la loi», a fait remarquer le patron des élections. «Nous saluons le travail extraordinaire des Forces de défense et de sécurité pour la tenue de ces élections pour lesquelles il nous fallait relever des défis sécuritaires, sanitaires et logistiques», a conclu, M. Souna qui n’a pas manqué d’affirmer que les dispositions idoines ont été prises pour que le dépouillement, la compilation et la proclamation des résultats provisoires pour laquelle la Céni dispose de 5 jours, se fassent dans les règles de l’art.

Les Nigériens ont donc voté dans le calme, et c’est à raison que Mahamadou Issoufou, a affirmé que le seul vainqueur de ces élections, ce sera le Niger.

Un bon premier avant le vote, ça peut faire du bien

Par Morin YAMONGBE, à Niamey