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Fièvre de Lassa: « Le Burkina n’est pas à l’abri à 100/% », Dr Ismaël Diallo (ENTRETIEN)

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Dr Ismaël Diallo, médecin infectiologue au Centre hospitalo-universitaire Yalgado Ouédraogo

Le docteur Ismaël Diallo, médecin infectiologue au Centre hospitalier universitaire Yalgado Ouédraogo, ayant pris part à l’investigation sur un cas de la fièvre hémorragique virale de Lassa, a invité les populations burkinabè dans un entretien accordé à Wakat Séra, « à éviter tout contact avec les rongeurs » qui transmettent la maladie. Dr Diallo, par ailleurs secrétaire général du Conseil régional de l’Ordre des médecins de Ouagadougou, a demandé aux populations « de se laver proprement et laver proprement tous les ustensiles de cuisine et les conserver à l’abri des rongeurs ».

Wakat Séra: Pouvez-vous nous en dire plus sur la fièvre de la Lassa ?

Dr Ismaël Diallo: Nous avons l’information effectivement que du côté de certains pays de l’Afrique de l’Ouest, il y a des cas qui ont été signalés. Donc il faut dire que la fièvre hémorragique virale de Lassa, fait partie du grand groupe de fièvre hémorragique. Ce grand groupe est un ensemble d’infections virales graves pouvant au cours de son évolution aboutir à un tableau de saignement, et c’est ce qui fait toute la gravité de cette maladie. La fièvre hémorragique virale de Lassa porte le nom de la ville où les premiers cas ont été décrits. Donc c’est une ville du Nigéria, et cette fièvre a été détectée en 1969. Elle sévit effectivement dans cette zone ouest-africaine, donc au Nigeria, en Guinée Conakry, en Sierra Leone et aussi Bénin où il y a eu quelques cas qui ont été signalés récemment.

Cette maladie virale a-t-elle été signalée ici au Burkina Faso ?

J’ai été dans le groupe de ceux qui ont investigué sur un cas de la fièvre de Lassa qu’on nous avait signalé mais Dieu merci il n’y a pas eu un risque d’épidémie par rapport à ce cas. Dès que les autorités ont été informées de la situation, elles ont pris les mesures qu’il fallait pour nous permettre d’aller voir s’il y a eu des risques de contamination.

Quels sont les symptômes de cette maladie ?

La fièvre de Lassa peut ressembler à beaucoup de maladies surtout au début. Elle commence par des fièvres, des douleurs notamment musculaires et articulaires, donc cette maladie peut être confondue à plusieurs autres maladies qui sévissent également dans notre pays.  On peut avoir une angine mais une angine purulente qui peut attirer l’attention également. Et lorsqu’elle évolue jusqu’à u certain niveau, le malade peut présenter des saignements.

Quel est le mode de transmission de cette maladie virale ?

La fièvre de la Lassa se transmet par le contact avec des excréments de rat, donc de rongeurs. Un des rongeurs que l’on appelle le Mastomys natalensis, nom scientifique qu’on a donné à cette maladie-là. Donc le contact avec les aliments ou les articles ménagers, contaminés par des urines ou des excréments peuvent contaminer quelqu’un. Et lorsqu’un homme est contaminé, on peut avoir une contamination interhumaine, donc d’homme à homme. En ce moment ça se fait avec les sécrétions biologiques de l’organisme que ce soit le sang ou les urines. Donc c’est une maladie comme je l’avais dit tantôt qui rentre dans le grand groupe des fièvres hémorragiques virales comme Ebola.

Y a-t-il risques actuellement de contamination de cette maladie au Burkina Faso ?

Vous savez que les distances entre les pays avec cette globalisation et cette mondialisation, le transport est devenu très facile. Pour l’instant nous n’avons pas de cas encore signalé, et les autorités sont en alerte mais quelqu’un peut prendre l’avion, d’un pays à l’autre, quelqu’un peut voyager d’un pays à l’autre facilement, donc c’est pour dire que pour l’instant nous n’avons pas de cas. On n’ose croire que ça ne va pas arriver mais ça peut arriver, il faut seulement être prudent. Quand vous prenez un pays comme la Côte d’Ivoire qui a déjà pris des mesures au niveau de sa frontière parce qu’elle est beaucoup proche des pays contaminés par  le virus de Lassa.  Le pays n’est pas à l’abri à 100/%.

L’Etat s’est-il préparé à faire face si un jour on signalait le cas de la fièvre de Lassa au Burkina Faso ?

Disons qu’avec l’Epidémie à virus Ebola (en son temps), il y a eu un système d’alerte que l’Etat a mis en place, qui est encore fonctionnel. Donc je pense que si des cas se présentaient, ce système sera réactivé rapidement pour que le malade puisse trouver une prise en charge adéquate.

Que doit-on faire pour éviter la fièvre de la Lassa ?

D’abord il faut dire que les mesures à prendre c’est de se laver proprement et laver proprement tous les ustensiles de cuisine et les conserver à l’abri des rongeurs. Il faut préciser que ce rongeur qui transmet la fièvre de Lassa, on l’appelle rat à mamelle multiple, parce que c’est un rongeur qui a beaucoup de mamelles et donc qui ne ressemble pas aux autres. Donc il faut éviter le contact des ustensiles avec les excréments et les urines des rongeurs. Vous savez que les rongeurs vont là où ils ont à manger. Donc si on laisse traîner les nourritures dans les maisons cela va les attirer.

Il faut éviter aussi de les manipuler. Il y en a qui mange les rongeurs. Donc il faut éviter de les consommer. Egalement il faut éviter de manipuler un malade qui souffre de la fièvre de Lassa. Par exemple éviter de manipuler le malade notamment ses sécrétions et ses urines sans moyen de protections sanitaires, cela évitera de facto les contaminations. Il faut aussi lutter contre la présence des rongeurs dans les maisons et autres lieux publics comme les restaurants et les hôtels où on stocke de la nourriture. Et si ces rongeurs sont présents dans votre maison il faut prendre des dispositions pour les anéantir.

Y a-t-il un risque d’épidémie au Burkina si cette maladie venait à être signalée ?

Mais bien sûr ! Tantôt je disais que les moyens de transports raccourcissent les distances de ces foyers d’épidémie. C’est une première chose. Vous imaginez quelqu’un qui est contaminé et qui voyage beaucoup, donc peut se retrouver n’importe où à n’importe quel moment. Deuxième chose, il faudrait que ces cas-là soient immédiatement signalés parce que c’est une maladie à déclaration obligatoire. Et c’est dans la rapidité de ce diagnostic que va dépendre l’explosion d’une épidémie ou pas. Donc si les cas sont signalés et que les agents de santé sont alertes, il faudrait aussi que les gens aillent consulter. Il ne faut surtout pas qu’on reste à la maison en pensant que c’est autre chose en attendant par exemple et que ça se complique. Ce patient-là peut mettre en danger son entourage et au-delà de son entourage ça peut être un foyer de départ d’une épidémie.

Le système qui avait été mis en place par les autorités dans le cadre de la lutte contre le virus Ebola est encore là. Nous avons également un laboratoire de référence qui pourrait aider au diagnostic. Donc comme conseils je vais me répéter, il faut éviter tout contact avec les rongeurs, il faut protéger les aliments, protéger son hygiène de vie dans son milieu.

 Entretien réalisé par Bernard BOUGOUM