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Guinée: les procédures constitutionnelles pour changer une Constitution sont-elles respectées?

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Le président guinéen Alpha Condé (Ph. afriqueconfidentielle.com)

Dans cet écrit, Amadou Barry depuis la Belgique, affirme qu’il existe des procédures constitutionnelles pour changer une Constitution et se demande si elles sont respectées.

Parlons développement plutôt que de «nouvelle» constitution. Un ordre du jour construit de toutes pièces.

En Guinée, le débat public semble monopolisé par la question de la «nouvelle» Constitution. Une campagne politique qui ne dit pas son nom est actuellement menée par le pouvoir en place pour faire artificiellement de ce thème une préoccupation centrale.

Des moyens suspects sont employés pour y arriver. D’après les sites guinéens comme Vision Guinée et autres, l’argent circule et est utilisé pour acheter les consciences, pour remplir les lieux de manifestations, pour dire que la population soutient la nouvelle Constitution que, chose étrange, personne n’a encore vue.

Ce n’est pas l’intérêt de la Nation et de la population guinéenne qui est ainsi poursuivi, ce sont les visées privées de certains clans et du Président. Notons d’ailleurs ce paradoxe: à notre connaissance, le changement de Constitution décidé à l’initiative de certains, n’est pas  lui-même constitutionnel. Il existe des procédures constitutionnelles pour changer une Constitution. Sont-elles respectées?

Nous ne voudrions pas verser ici dans une critique facile qui accuse tout pouvoir d’être d’office abusif. Mais une analyse fine du groupement qui est à l’initiative de ce matraquage en faveur d’un changement constitutionnel montrerait sans doute que certains des militants actuels du «changement» appartenaient à l’entourage de Lansana Conté, ont été les bourreaux du RPG (Rassemblement du peuple de Guinée, pouvoir, NDLR) dont ils sont devenus des militants actifs.

Nous aimerions par exemple demander à Madame Rabiatou Diallo,qui nous a fait sortir dans la rue en 2006 et 2007 pour manifester contre le pouvoir en place, et qui a participé à la confection de la constitution en 2010, qui a présidé le CNT (Conseil national de transition, NDLR) ce qu’il en est de sa position par rapport à ce «changement» «constitutionnel»?

Alors aujourd’hui, c’est la même chose et on ne l’entend pas depuis qu’elle a eu un poste, on se demande si madame Rabiatou Diallo nous a fait sortir dans la rue pour avoir un poste ou elle nous a fait sortir pour l’intérêt de la population qui vivait dans une pauvreté ou elle a fait cela pour profiter de la mort de la jeunesse pour avoir un poste et de faire comme les autres l’ont fait, c’est-à-dire prendre pour elle comme on le dit souvent, il faut prendre pour toi aussi, c’est-à-dire rester au pouvoir pour voler des contribuables?

Ce qui devrait être à l’ordre du jour

Plutôt que parler de «nouvelle» constitution, ne faudrait-il pas plutôt parler de développement? Par exemple de l’électricité qui est un besoin nécessaire et fondamental et même obligatoire dans la vie quotidienne et pour le développement d’un pays. Ce besoin est inaccessible par son prix et par son manque.

Même chose pour l’eau qui est devenue aussi une denrée rare; le peu qui est accessible à la population n’est pas toujours potable et parfois même empoisonnée par l’arsenic, alors qu’on dit de la Guinée qu’elle est le château d’eau de l’Afrique de l’Ouest…

L’eau et l’électricité sont beaucoup trop chères pour la population. Un employé qui gagne entre 500 000 et 600 000 francs guinéens, comment peut-il payer 200 000 ou 300 000 gnf pour l’eau et l’électricité, ce qui correspond juste à la consommation d’une famille qui a un frigo, la télé et certaines ampoules, c’est tout?

Nous ne parlons même pas des promesses d’auto-suffisance alimentaire qui ont été faites par le pouvoir en place lors des  campagnes politiques de 2010 et 2015: où en sommes-nous à ce sujet? La population connaît la réponse à cette question-là parce qu’elle ne sait que trop bien comment elle vit au quotidien.

Comment un ministre ou un directeur peut avoir, acheter et construire deux maisons en Guinée? On ne va même pas parler de l’Europe, parce que c’est 5 ou 10 fois plus cher qu’en Guinée. Alors qu’on sait bien qu’un ministre a un salaire qui ne dépasse même pas 1500€ par mois, qu’ils nous expliquent d’où vient cet argent-là pour acheter deux maisons en Guinée. C’est pour cela qu’on doit parler de tout ça au lieu de parler de la nouvelle constitution.

Parlons de tout ça au lieu de parler de la nouvelle constitution qui a surtout le «mérite» de nous détourner du débat qui doit porter sur le bilan de 9 ans d’exercice du pouvoir, bilan qui est vraiment négatif sur le plan social et éducatif.

S’il fallait vraiment parler de constitution…

Le sens de la constitution est d’être la loi fondamentale qui définit dans un Etat les droits et les libertés des citoyens ainsi que l’organisation et la séparation des sphères du pouvoir (législatif, exécutif, judiciaire).

La constitution joue-t-elle ce rôle de garant? Nous craignons que non: trop peu de séparation des pouvoirs; trop peu de contrôle des institutions l’une par l’autre.

S’il fallait parler de constitution, ce serait alors pour voir comment obtenir plus de démocratie et de garanties pour la population. Est-cela que veut promouvoir la «nouvelle» constitution?

Est-ce que le changement de la constitution est fait dans l’intérêt de la population ou l’intérêt des clans et son président? Est-ce qu’il est mis dans la constitution qu’on peut changer directement la constitution par ce que certaines personnes le veulent?

Que faire?

Nous observons actuellement, dans bien des pays du monde, des mobilisations importantes de la jeunesse dites «pour le climat». La jeunesse se mobilise en fait pour que des mesures politiques soient prises de toute urgence pour assurer la survie même de la planète. Ces actions commencent à rencontrer des succès.

Dans notre pays, l’avenir de la jeunesse est aussi extrêmement compromis. Nous ne pensons pas que la jeunesse guinéenne va rester indifférente à la question de la possibilité même, pour elle, d’un avenir. Est-il pareillement impossible d’imaginer une alliance de la société civile, des mouvements de jeunesse, de certains acteurs politiques, des vieux sages et des syndicats qui se mobiliseraient ensemble pour mettre à l’ordre du jour la question du développement, en laissant les egos respectifs de côté?

Et faut-il désespérer des institutions internationales au point de penser qu’elles ne vont pas réaliser un contrôle strict de l’usage des fonds qu’elles octroient et vérifier qu’ils sont véritablement utilisés pour le développement, avec des effets tangibles pour la population?

Telles nous semblent être les vraies questions qui doivent nous mobiliser, et non un débat monopolistique si ce n’est terroriste sur la question d’une «nouvelle» constitution.

Par Amadou Barry