Accueil Editorial Kenya: pourvu que les dieux ne tombent plus sur la tête!

Kenya: pourvu que les dieux ne tombent plus sur la tête!

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La justice mise à l'index par le président Uhuru Kenyatta (Ph Le Monde)

Où trouver une planche de salut pour le Kenya tiraillé entre deux familles qui ont pris la vie politique de ce pays en otage, l’endeuillant régulièrement à l’occasion des élections?  De père en fils, les Kenyatta et les Odinga, comme dans une arène se défient dans des duels à mort pour diriger le Kenya. L’histoire se répète encore avec Uhuru Kenyatta, le fils du premier président du Kenya, Jomo Kenyatta, engagé dans un combat de gladiateurs avec l’opposant historique, Raïla Amolo Odinga, dernier premier ministre de son pays et dont le père n’est autre que Feu Oginga Odinga, premier vice-président de la République. Comme un cycle interrompu, et pour la quatrième fois, Raïla Odinga s’est incliné devant la porte de la présidence, suite aux élections générales du 8 août 2017, la Commission électorale indépendante ayant déclaré vainqueur, son challenger, Uhuru Kenyatta. Même les observateurs étrangers qui avaient le devoir de jouer les sentinelles pour des scrutins démocratiques et transparentes avaient seriné le refrain classique comme enregistré pour les circonstances élections. De façon péremptoire, ils ont déclaré ces élections bien organisées, juste entachées de petits dysfonctionnements, «ne pouvant mettre en cause» les résultats sortis des urnes. Mais comme en 2007 et plusq récemment en 2013, le camp Raïla Odinga dénonça des fraudes massives qui l’ont délesté de sa victoire. Et comme un rituel inévitable, le Kenya s’est aussitôt embrasé sous les slogans de «No Raïla, no peace», l’opposition signifiant clairement qu’il n’y aura pas de paix sans son champion. Les morts et les blessés enregistrés accompagnés des menaces des opposants de mettre le pays à feu et à sang ont visiblement rééquilibré la situation, la Cour suprême devant laquelle Raïla Odinga s’est finalement résolu à déposer des recours a annulé ces élections qui conduisaient encore le Kenya vers le chaos.

Véritable coup de tonnerre dans le paysage politique kényan, cette décision historique dans une Afrique où les institutions du genre sont à la solde des princes de l’heure a remis en cause les certitudes de Uhuru Kényatta, qui n’a pas hésité à qualifier «ses» juges d’ «escrocs». Toutefois les cris d’orfraie du président «sortant» et «entrant» selon la proclamation de la Commission électorale mais de nouveau «sortant» par décision courageuse de la Cour suprême kényane, n’empêcheront visiblement pas la réorganisation de ces élections. Mais par quelle structure? La grosse équation à résoudre par le Kenya, les opposants encore dans l’euphorie de cette première victoire sur le pouvoir en place, déterminés à pousser vers la sortie, les membres de la commission électorale qu’ils vouent aux gémonies, les indexant comme ceux par qui le scandale des fraudes massives est arrivé. Retour à la case départ pour le Kenya pris entre deux feux et contraint à trouver justement un pompier de service pour s’éviter de revivre, comme en 2007-2008, les violences qui ont fait fuir du pays nombre de ces fils et filles dont plus de 75 000 sont encore en exil. Pire, la comptabilité macabre de cette sanglante parenthèse électorale a dénombre plus de 1 000 morts. La communauté internationale qui a fait pression sur Raïla Odinga en le poussant vers la Cour suprême pour régler ses différends électoraux et a sans doute pesé sur le verdict de cette même institution, saura-t-elle aller jusqu’au bout de son entreprise pour permettre la tenue dans 60 jours, d’une nouvelle élection présidentielle? En vrais gentlemans, les deux protagonistes de la crise trouveront-ils  un modus vivendi à même de sauver le Kenya de cette impasse qui ne lui augure que des lendemains incertains? Et si les élections doivent tenir, les fameux observateurs internationaux sauront-ils trouver la bonne formule pour tourner le dos au «tourisme électoral»? Car c’est leur sport favori dans lequel ils excellent, se contentant comme partout ailleurs en Afrique, de ne débarquer que la veille des élections, occuper des suites d’hôtels luxueux et observer les votes de leurs belles voitures climatisées et repartir souvent avant les résultats, se fendant de leur laconique «les élections se sont bien déroulées».

Pourvu que les dieux kényans ne tombent pas encore sur la tête. En tout cas, la tension demeure vive au Kenya. Bien malin qui prédira la suite des événements et surtout l’issue de la nouvelle présidentielle. Quel que soit le vainqueur les revendications seront encore d’actualité. Tout en espérant que les différents camps fassent choisissent toujours l’option des juridictions adéquates pour faire aboutir leurs revendications, on ne peut que saluer la décision courageuse et historique de la cour suprême kényane qui ébranlera certainement plus d’un régime et les candidats aux élections gagnées avant même leur tenue.

Par Wakat Séra