Accueil A la une «La contagion des coups d’état et l’audace des transitions militaires» 

«La contagion des coups d’état et l’audace des transitions militaires» 

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Madina Tall

Principale nouvelle de ces derniers jours, la fièvre «Goïtarose» qui a subi une mutation sévère vers le Burkina Faso pour se transformer en «Damibarose», nouveau variant généralisé dans le pays des hommes intègres. Cependant, ce dernier variant a fait l’objet d’une 10e mutation (coup d’état) ratée en Guinée – Bissau le 1er février 2022 et dont le profil reste à examiner par les autorités.

Alors que les spécialistes s’interrogent sur la pandémie de la «Junterose» dans la zone ouest-africaine, la principale interrogation qui ravive les tensions est: à qui le tour?

Au grand dam des anti-coups d’étatistes qui ont le don des condamnations gratuites par principe et une mascarade de  pseudo-condamnations des violations constitutionnelles par exception, il convient d’orienter le débat vers l’après – condamnation.

Que cachent les coups d’état en Afrique de l’Ouest et que valent les militaires à l’assaut du pouvoir ?

A ces questions, certains ont tenté de répondre à coups de conformisme politique. Mais notre analyse s’inscrira dans l’esprit d’une citation de Thomas Sankara qui disait: «[…] il a fallu les fous d’hier pour que nous soyons capables d’agir avec une extrême clarté aujourd’hui. Je veux être un de ces fous. […]»

C’était encore impensable après le printemps africain des années 1990 de voir s’effondrer la démocratie telle que prônée par De Gaulle en Afrique lors du fameux discours de La Baule du 20 Juin 1990.  Pourtant c’est véritablement le contraire  que traduisent les coups d’état militaires en Afrique de l’Ouest: un effondrement et une perversion de la propagande post-indépendance de la démocratie.

En effet, le mythe de la Baule s’est révélé être un fantasme et s’est déconstruit par la montée en puissance des coups d’état. Ceux-ci traduisent une prise de conscience des responsabilités par les militaires face à des états «démons-cratiques» s’inscrivant dans une illégitimité à double vitesse: celle de la mauvaise gouvernance et du tripatouillage des processus électoraux.

Dans des sphères politiques où le constat de l’implosion socio-économique et sécuritaire domine le quotidien du peuple, quid des oppositions qui sont en panne d’offres politiques alternatives car noyées dans les déboires et malversations politiques. Le peuple, dernier survivant de ce chaos et  porte étendard de sa propre survie reste par ailleurs le catalyseur des forces militaires.

Dans un discours franc même déplaisant, il faut le reconnaître, les coups d’état ne réussissent que face à des états faibles, incapables ou faillis dans le but d’impulser de nouveaux modes de gestions des pouvoirs.

Comme une lettre à la poste, lorsque l’assaut militaire réussit, l’autre question est de savoir quelle est la compétence et la plus-value de l’arrivée des nouveaux résidents des palais présidentiels?

Ne doit pas être effacé de la mémoire collective un fait marquant, celui du coup d’état de De Gaulle d’Alger à Paris du 13 Mai au 1er Juin 1958.

Quel est donc ce procès de conjuration des temps anciens à l’endroit des militaires africains d’un nouveau genre, des intellectuels qui souhaitent trancher avec les résignations politiques aux lendemains incertains?

Si la question temporelle reste un déterminant, nous adoptons une position commune sur la mission républicaine des militaires qui répond à la défense de la patrie.

Néanmoins, l’intellectualisation des forces armées africaines aujourd’hui devient une nécessité pour sortir des sentiers battus et pour s’inscrire dans la construction de la gouvernance comme souhaitée par les détenteurs légitimes du pouvoir : le peuple.

Nous pourrions contester dans une certaine mesure la transversalité de leurs compétences et leurs acquis, mais l’importance de l’objectivité de leurs actions résidera dans le cadre (constitutionnel) qui organisera leurs ingérences dans les affaires politiques.

C’est peut-être cela le secret de la réussite du pouvoir de De Gaulle, l’idée non pas d’une doctrine de coup de force militaire, mais une volonté d’inventer le futur par une approche autrement composée.

Tall Madina

 ≠Colombe Noire 

Analyste politique et géostratégique, diplômée en Études Stratégiques, Sécurité et Politique de Défense. Chercheuse sur les questions de terrorisme dans la zone sahélo-saharienne, éditorialiste et écrivaine. Présidente du Mouvement Nouvel Afrique – Nouvelle Génération

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