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La Démocratie n’est pas en terre inconnue en Afrique

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Rond-point des nations unies à Ouagadougou (Photo d'illustration)

Ceci est une tribune de Moritié Camara Professeur Titulaire d’Histoire des Relations Internationales sur la démocratie en Afrique.

L’Afrique vivait la Démocratie avant sa capture et son annexion par les pays européens. Le spectacle macabre qu’offre les pays africains au reste du monde depuis l’avènement ce qui est réputé être « l’ouverture démocratique » des années 1990, fondent et même autorisent certains à questionner de bonne foi la compatibilité de ce mode de gouvernance avec les mœurs Africaines. Ces personnes n’ont aucun mal à conforter leurs soupçons à l’aide de vingt et cent exemples qui illustrent ce qui paraît alors comme une évidence ontologique.

Dire que quelqu’un n’est pas confortable avec une chose ou une situation revient à dire qu’il n’est pas habitué à cette chose d’ou la difficulté pour  lui de l’assimiler et de vivre avec. Ce n’est pourtant pas ce que nous enseigne l’histoire politique et institutionnelle de l’Afrique en matière de gouvernance inclusive et participative.

La démocratie représentative qui s’est imposée en Europe et aux États-Unis depuis trois siècles maintenant et qui fait office de modèle à déférer partout sur la Terre et sur Mars, n’est qu’une forme de démocratie lorsqu’on s’en tient au substrat de cette institution qui est avant tout de faire primer la volonté du peuple dans la gestion de la cité. D’ailleurs Churchill qui était un homme subtil dans ses prises de paroles dira qu’elle est le pire système de gouvernement, à l’exception de tous les autres qui ont pu être expérimentés dans l’histoire, mettant ainsi en lumière le génie humain à imaginer et mettre en pratique des mécanismes et modalités de gestion des sociétés humaines.

Les africains qui sont des êtres humains au même titre que les autres ont eux aussi expérimentés à travers leur très longue histoire, des systèmes de gouvernement qui restent largement méconnus du fait de stéréotypes et de préjugés qui obstruent les voies de leurs études. En effet, dans son organisation politique, l’Afrique contrairement à ce que pensent les autres avait, l’avant l’assaut des européens, des institutions étatiques finement structurées pour sa gouvernance.

Les États, qu’ils soient des royaumes ou des empires étaient gouvernés sur la base d’un consensus qui définissait les règles d’accession au pouvoir, les prérogatives des souverains, la gestion des biens publics et privés y compris ceux des rois et empereurs et les modalités des rapports entre les gouvernants et les gouvernés. Ce consensus faisait office de constitution non écrite à laquelle tout individu quel qu’il soit  était tenu de se référer pour assumer sa place et ses obligations dans la vie de la communauté.

Les décisions des rois et empereurs aussi puissants furent-ils étaient toujours l’expression et le résultat d’un consensus à la définition duquel les représentants des structures décentralisées, des couches de la population et des corporations ont activement participé : Chefs de villages, de provinces et de quartiers, agriculteurs, guerriers, griots, artisans, grands sacrificateurs et marabouts, chefs de terres etc.

Dans les grands Empires de la boucle du Niger, les rois et la notabilité des royaumes vassaux passaient plus de temps à la cour de l’empereur que dans leur propre royaume, participant ainsi de manière active à la gestion quotidienne de tout l’Empire à travers les consultations de l’Empereur et des avis qu’ils lui donnaient sur de sujet spécifiques ou généraux.

Ce mode de gestion de nos sociétés perdure encore de nos jours dans les royaumes et chefferies traditionnels. Des pays comme le Botswana réputé l’un des plus démocratiques du contient ou encore le Somaliland ont intégré certains aspects de ce type de gouvernance participative dans le fonctionnement  de certaines de leurs institutions étatiques modernes notamment le parlement.

Le Roi schématiquement à travers ses décisions ne faisait que communiquer ce qui a été arrêté ensemble. Le « ensemble » suppose la participation de tous à travers leurs représentants. On peut donc dire que nos Etats avant la colonisation étaient des démocraties participatives. Laquelle démocratie participative est vue aujourd’hui par beaucoup comme une alternative souhaitée à la démocratie représentative qui est dénoncée notamment en Europe été en Amérique comme celle des appareils politiques, de l’oligarchie et des politiciens professionnels qui ignorent très souvent les préoccupations et les aspirations des gens du commun, des vrais-gens.

L’essence de cette démocratie participative est plus proche de celle de la démocratie directe d’Athènes, basée sur l’expression de l’opinion de tous les citoyens directement consultés sur la gestion de la cité.

Il est donc déloyal et inexact de dire que les africains ne sont pas compatibles avec la démocratie parce que celle-ci leur est étrangère.

L’explication de cette démocratie sanglante qui a causé plus de morts, de disparus et de destructions que les 30 ans de règne des partis uniques et de l’ensemble de toutes les catastrophes naturelles ( famine, inondations et épidémies) en un siècle sur le continent, est à chercher dans ce que la gouvernance représente pour ceux qui se hissent au pouvoir depuis les ouvertures politiques des années 1990.

En absence de l’État de Droit qu’il faut dissocier de la démocratie même s’il demeure sa garantie vitale, les États africains sont avant tout  des Etats patrimoniaux et prédateurs.

Dès lors, la prise de leur contrôle permet à une personne ou à un groupe de personnes de s’accaparer de ses ressources, de limiter l’influence de la loi sur leurs agissements afin de privatiser sans conséquences judiciaires immédiates, les retombées de leur Gouvernance en contentant des clients qui deviennent leur soutien sociologique et politique.

L’appétit venant en mangeant, quitter ou perdre le pouvoir d’État revient à  se voir arracher le pain de la bouche et de celles également des nombreux clients. C’est tout l’enjeu des luttes souvent à mort pour la conquête, la gestion et la préservation du pouvoir en Afrique. Cette explication peut paraitre caricaturale ou même simpliste, mais hélas, c’est la réalité qui explique et justifie les alternances politiques incolores à la tête de nos Etats depuis 1990, car tous sont d’accord pour préserver la nature patrimoniale et prédatrice de l’Etat, moteur par excellence de toutes les vocations à faire de la politique sur le continent t noir.

L’Afrique n’est donc pas incompatible à la démocratie mais se trouve sous le joug d’oligarchies qui se succèdent à sa tête en rusant avec la Démocratie.

Moritié Camara

Professeur Titulaire d’Histoire des Relations Internationales