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Le Burkina entre verdict du «procès Sankara» et le rapt de la Sœur Suellen

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Le président Thomas Sankara (DR)

Qui a tué Thomas Sankara? Une interrogation qui pourrait rester sans réponse encore longtemps, ou toujours.  Mais le couperet de la justice tombera, ce mercredi, sur les présumés auteurs de l’assassinat du père de la révolution burkinabè et icône de la jeunesse africaine. Le dossier avait connu un enterrement de première classe sous le régime de Blaise Compaoré à qui a profité le crime. L’affaire connaîtra contre toute attente, une résurrection non moins spectaculaire, à la suite de la chute de celui qui était considéré comme «l’ami» et « complice» du fringant capitaine mort le 15 octobre 1987, dans un coup d’Etat sanglant, en même temps que 12 de ses compagnons.

Le procès de l’assassinat de Thomas Sankara commencé, le 11 octobre 2021, après 35 années d’une attente interminable. 14 accusés se retrouvent face à la justice des hommes. Emaillé de plusieurs suspensions ce jugement qui a connu 6 mois d’audition et a vu défiler 110 témoins, et pas des moindres, n’aura certainement pas eu le pouvoir de ramener l’idole des africain à la vie, mais il a permis aux uns et aux autres d’avoir, jusqu’à un certain niveau, la confirmation ou l’infirmation sur des faits racontés à profusion, dans des ouvrages et articles de presse.

Le seul regret de ceux qui attendaient ce procès «pour mourir», comme on le dit trivialement, aura certainement été l’absence de l’ancien président burkinabè, le capitaine Blaise Compaoré et de son chef de la sécurité, l’adjudant Hyacinthe Kafando, tous deux en exil.  Mais le général de brigade Gilbert Diendéré, lieutenant au moment des faits, et portant bien son surnom de «boîte noire» des 27 ans du pouvoir Compaoré, lui, était bien là. Il a même été, sans doute malgré lui, la seule star de ce procès, les deux autres accusés emblématiques qui ont ramassé 30 ans de prison ferme ayant préféré être jugés par contumace.

Les conseils de l’ancien président burkinabè vivant en Côte d’Ivoire depuis sa démission et son départ précipités par une insurrection populaire, ont dénoncé une parodie de justice. En tout cas, en attendant le verdict, et suivant les réquisitions du parquet militaire, à eux seuls, les trois accusés les plus en vue dans ce procès, ont récolté 80 ans de prison ferme, soit 30 ans chacun, pour l’ancien président et son ancien chef de la sécurité et 20 ans, pour le général, au moment des faits, lieutenant et responsable de la sécurité au conseil de l’Entente, siège du Conseil national de la révolution.

Comme pour apporter à ce procès ce clin d’œil dont lui seul a le secret, le hasard fait tomber le verdict alors que, comme sous le CNR de Thomas Sankara, arrivé au pouvoir après le coup d’Etat militaire du 4 août 1983 contre le médecin colonel Jean-Baptiste Ouédraogo, le Burkina Faso est dirigé par un militaire, Paul-Henri Sandaogo Damiba, lieutenant-colonel de son armée, qui a déposé, le 24 janvier dernier, le désormais ancien président Roch Marc Christian Kaboré. Mais, le verdict tombe surtout à un moment où le «Pays des hommes intègres» est confronté à des attaques terroristes presqu’au quotidien.

Le dernier fait des «Hommes armés non identifiés», certes non encore revendiqué, est le rapt, à Yalgo, dans une paroisse située à 110 kilomètres de Kaya, capitale de la Région du centre-Nord, dans la nuit du lundi 4 au mardi 5 avril, de la sœur religieuse Suellen Tennyson, de la Congrégation des Soeurs Marianites de Sainte Croix, âgée de 83 ans et de nationalité américaine.

Ainsi va le Burkina de ces derniers jours, en pleins carêmes catholique et musulman, entre attaques armées, enlèvement d’une religieuse et le verdict du procès historique de l’assassinat de Thomas Sankara et douze de ses compagnons.

Par Wakat Séra