Accueil Chez nos confrères Le Burkina Faso à l’heure chinoise (Le Monde)

Le Burkina Faso à l’heure chinoise (Le Monde)

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L'Ambassadeur de la Chine au Burkina Faso, Li Jian (ph. d'archives)
Le dernier don de Taïwan au Burkina Faso n’est jamais arrivé à destination. Le conteneur, chargé d’équipements destinés aux forces de gendarmerie, a été renvoyé vers Haïti, un allié de Taipei. A Ouagadougou, les diplomates taïwanais ont eu deux jours pour quitter le territoire, victimes du gambit géopolitique du pouvoir burkinabé qui, ce jeudi 24 mai 2018, a annoncé la fin officielle de vingt-quatre ans de relation diplomatique avec Taïwan, au profit de la République populaire de Chine. L’adieu est glacial, brutal, sans protocole.L’« ami » taïwanais, insiste aujourd’hui le ministre des affaires étrangères et de la coopération burkinabé, Alpha Barry, est devenu « un boulet ». Le temps où Taïwan pratiquait la diplomatie du chéquier, dans les années 1990, est révolu. L’île, qui se targuait de mettre en place pour ses alliés une assistance au développement conforme aux critères de l’OCDE et aux visées démocratiques, ne fait plus le poids face aux opérations de séduction de la Chine.« Malgré ce qu’affirmaient les Taïwanais, leur apport économique était dérisoire », martèle Alpha Barry. Dans le salon de sa résidence ministérielle s’entassent désormais des brochures de véhicules militaires chinois tapageurs. « On ne pouvait plus être l’un des deux pays d’Afrique à reconnaître Taipei, poursuit-il. Tous les projets de coopération avec Taïwan sont repris par Pékin. » Avec le Burkina, Taïwan a perdu son dernier partenaire crédible en Afrique. Ne lui reste plus que l’Eswatini (ex-Swaziland), dirigé par le fantasque roi Mswati III.« Une seule Chine dans le monde »« Le gouvernement du Burkina Faso reconnaît qu’il n’y a qu’une seule Chine dans le monde (…) et que Taïwan fait partie de [son] territoire », indiquait le communiqué sur le rétablissement des relations diplomatiques avec la Chine daté du 26 mai 2018. Les diplomates taïwanais sont partis ; sur l’île, l’ambassadrice du Burkina Faso est rappelée sur-le-champ.Dans le centre-ville de Ouagadougou, le drapeau rouge est hissé par Karim Démé. Ce commerçant de 56 ans, qui a prospéré dans l’import-export avant de créer sa société de BTP, est l’un des principaux acteurs de l’ombre d’une relation sino-burkinabée longtemps quasi-clandestine. « Depuis 2011, raconte ce fervent admirateur de la Chine où étudient ses deux enfants, des émissaires chinois venaient d’Abidjan tous les trois mois. On se retrouvait dans des endroits discrets, à l’abri des espions de Taïwan, pour discuter de la stratégie d’un rétablissement diplomatique. »Ce businessman raffiné gère toutes les demandes de visa pour la Chine, en lien étroit avec l’ambassade chinoise à Abidjan, depuis une vingtaine d’années : opérateurs économiques, ministres, diplomates… Tous passent par ce « consul » informel. Les quelque 400 Chinois résidant sur place recourent aussi à ses services, du paiement des impôts au rapatriement des corps. Efficace, Karim Démé n’a jamais oublié sa mission : replacer Ouagadougou dans le giron chinois.Avant de renouer, Pékin a multiplié les émissaires africains et occidentaux auprès du pouvoir burkinabé. Au début des années 2000, c’est le richissime homme d’affaires camerounais Yves Michel Fotso qui débarque en avion privé pour tenter de convaincre, en vain, le président Blaise Compaoré. Ce dernier avait une fois rompu avec Taipei, en 1973, deux ans après que Taïwan avait quitté les Nations unies, à la suite de l’entrée de la Chine.

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