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Me Hermann Yaméogo: «Il y’a transition et transition»

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Hermann Yaméogo

Ceci est une tribune de Me Hermann Yaméogo sur la transition actuelle au Gabon.

«Oui pour la condamnation par principe des coups d’Etat. Un démocrate et un républicain dans l’âme, en temps normal ne peut que condamner les coups d’Etat et refuser de s’y complaire. Ce d’autant plus qu’on en voit par ces temps qui courent, beaucoup qui se réalisent avec des promesses de refaire le monde au bon vouloir du peuple et qui se muent en mouroir pour lui.

Mais attention ! On ne peut pas, soit disant pour rester attaché à un principe, aller jusqu’à l’observer aveuglément alors qu’il est cause de décimation de population et d’atrocités les plus innommables.

Ce n’est assurément pas parce qu’on est démocrate et républicain qu’on doit manquer, de réalisme, de conséquence et d’humanité en soutenant par principe un régime qui s’en réclame mais qui est rongé par la corruption, qui est versé dans les violations les plus graves des droits de l’homme, et de ces principes démocratiques et républicains que nous prétendons encore une fois, justement défendre.

Une telle situation d’inconséquence manifeste et qui nous met en porte-à-faux avec le sacro-saint principe de la condamnation, se révèle à travers le coup d’Etat survenu au Gabon.

On ne peut pas dire en dépit de quelques condamnations ici et là, que le régime qui y prévalait était soucieux de la légalité et de la légitimité démocratique. On ne peut pas non plus nier qu’il n’était républicain que de nom.

Quand au mal-vivre social, à l’enrichissement illicite et à la corruption, les dossiers portés en justice en international sur la base de tels faits à l’encontre des dirigeants, on en trouve de retentissants.

Rares étaient du reste, au-delà même de ces considérations à proprement parler, les africains (sans parler des Gabonais eux mêmes), qui pouvaient regarder le président déchu marcher en tanguant avec un regard hagard dans les cérémonies internationales, sans des pincements de gêne au cœur, sinon de honte, tout en refluant en eux la pensée que son incapacité à gérer correctement l’État gabonais n’était pas seulement imputable à des considérations physiques mais aussi un rien intellectuelles. La compassion disons le avec le drame qui est le sien depuis son terrible AVC, ne pouvait pas occulter cette vérité.

On peut comprendre que la transition en cours dans ce pays après le coup d’Etat du général Brice Oligui Nguema puisse être appréciée comme étant salutaire, réparatrice, réhabilitante et restauratrice d’un ordre démocratique et républicain qui avait été noyé par un ordre familial et peu soucieux de partages et d’équilibres sociaux.

On peut d’autant plus le comprendre que joignant les actes à la parole, les nouvelles autorités ont immédiatement embrayé sur la première des mesures exigées en pareilles circonstances à savoir la réconciliation nationale. Après les rencontres avec les religieux, toutes les catégories socioprofessionnelles et les visites aux adversaires du pouvoir déchu, ce fut la libération non seulement des détenus politiques, mais aussi de l’ancien président Ali Bongo lui même. Le général s’est aussi engagé à « amnistier les prisonniers d’opinion ». « J’instruis le futur gouvernement » qui sera nommé « à réfléchir sur les mécanismes visant à amnistier les prisonniers d’opinion » et « faciliter le retour de tous les exilés », a-t-il déclaré.

L’annonce des mesures à venir pour lutter contre la corruption, poser les bases d’un meilleur partage des revenus nationaux et d’une meilleure gouvernance pour éviter les coups d’Etat électoraux et constitutionnels a été fortement appréciée. Il en va de même de la promesse d’un transfert du pouvoir aux civils par des voies désormais mieux protégées contre les fraudes et manipulations. Autant de signes d’encouragements qui laissent augurer une transition responsable et salvatrice.

Un encouragement par ailleurs renforcé par l’analyse lucide et courageuse faite des faits justifiants nombre de situations de crises qui conduisent aux coups d’Etat comme dans le cas du Gabon.

Le général n’a pas manqué à cette fin, de stigmatiser les politiques une fois au pouvoir qui dévoient les règles de la démocratie par la fraude, la corruption, les violations de la constitution et de l’ordre républicain. Il l’a fait aussi à l’égard de ceux qui dans le giron du pouvoir ou dans une opposition factice ont toujours préféré se prêter contre des avantages, à ces jeux condamnables plutôt que de les dénoncer par un engagement actif pour en venir à bout conformément à leur rôle de contre pouvoir.

Tout aussi historiquement louable fut la mise en cause de la responsabilité de certains partenaires qui ont aidé (en y allant souvent même de coups de pouce), à l’enracinement de ces pratiques néfastes, au final désastreuses pour les peuples africains qui en sont les plus grandes victimes. Le rejet aujourd’hui souvent blessant de ces partenaires apparaît comme l’un des effets boomerang de ces politiques nocives.

Pour autant si le général laisse entrevoir à ces niveaux des relations corrigées et repensées, il n’en induit aucunement des autodafés.

On peut, c’est vrai, rester prudent car rien ne prouve que la parole ne va pas bifurquer d’ici là.

En attendant trois remarques tout de même:

-L’intervention sans morts ni blessés, n’a pas ébranlé le droit hiérarchique dans l’armée, ni ébréché le sens de la discipline qui en découle en son sein. Elle n’a pas, jusqu’à preuve du contraire, ouvert une fenêtre pour l’installation durable de l’armée au pouvoir en érigeant le populisme et la désinformation en politique d’Etat.

C’est tout à l’honneur de l’armée et en garantie de sa crédibilité à assumer ses responsabilités sécuritaires.

-Les choses, plus que dans d’autres transitions, semblent très bien emprunter la voie de l’union sacrée, de la réconciliation et de la véritable refondation. Redonnant ainsi force à cette citation: « Quand on veut on peut, quand on peut on doit. » (Napoléon)

-Ensuite et enfin, pour ceux qui restent rivés sur la condamnation par principe de tout coup d’État, rappelons que c’est pour lutter contre des cas d’usurpations du pouvoir par des gouvernances perverties ou des coups d’Etat trompeurs, que des Constitutions parmi les plus démocratiques, les plus républicaines et les plus respectées vont jusqu’à reconnaître au peuple la désobéissance civile, la résistance à l’oppression et la révocation de mandat.

«LE GÉNÉRAL OLIGUI CLOTAIRE N’EST PAS UN ESPOIR POUR LE SEUL GABON. IL L’EST AUSSI POUR UNE BONNE PARTIE DE L’AFRIQUE»

Me Hermann Yaméogo