Alors que l’espoir d’une vie meilleure pousse de plus en plus de jeunes Africains à répondre à des offres de mobilité internationale, des programmes tels que « Alabuga Start » en Russie dévoilent une réalité glaçante: celle d’un système structuré d’exploitation déguisé en opportunité. Depuis Cotonou, le Réseau-LEADER tire la sonnette d’alarme sur ces nouvelles formes de traite humaine, et appelle à une mobilisation urgente pour protéger une jeunesse sacrifiée sur l’autel des partenariats toxiques et des promesses piégées.
Le Réseau des Leaders Africains pour la Démocratie, l’Émergence et le Renouveau (Réseau-LEADER) a organisé ce samedi 17 mai 2025 à Cotonou un atelier de sensibilisation sur le thème: «Jeunesse africaine et migration : entre espoirs et nouvelles formes de risques». À l’heure où les trajectoires migratoires des jeunes Africains se complexifient, cet atelier a permis d’alerter sur les dangers croissants que dissimulent certains programmes de mobilité à l’étranger, notamment vers la Russie, le Moyen-Orient et certaines régions d’Asie.

Les échanges ont mis en lumière des témoignages édifiants, des parcours bouleversants, et des pratiques de plus en plus structurées d’exploitation déguisée. De jeunes filles africaines, envoyées dans la zone industrielle d’Alabuga en Russie sous prétexte de formation technologique, se retrouvent aujourd’hui assignées à la production de drones, dans des conditions militarisées, souvent à proximité des lignes de conflit.
À l’entame de cette rencontre, Dr Jean Emmanuel Gnagnon, Président en exercice du Réseau Leader, Président du Mouvement Togolais pour la Restauration (MTR) a précisé que cette rencontre se veut surtout une tribune de réflexion, et de sensibilisation sur les migrations de jeunes africains.

Dans son développement, il a rappelé que la jeunesse africaine est aujourd’hui en quête d’un lendemain meilleur, mais qui finit par être piégée dans un système aux diverses stratégies et ruses. «(…) il y a aussi des vérités qu’il nous faut regarder en face pour pouvoir connaître la voie à emprunter… Ici à Cotonou, nous avons choisi de regarder en face la réalité qui est devenue une sorte de drame silencieux de notre temps. Celui de la jeunesse africaine généralement piégée par les promesses toxiques de migration… Je voudrais attirer votre attention sur un cas emblématique devenu depuis plusieurs mois, le symbole même de la migration toxique et très risqué. Le programme Alabuga Start en Russie… Il s’agit en réalité d’un système de conditionnement et d’exploitation où des jeunes filles africaines recrutées dans des lycées et dans les instituts techniques voire dans des groupes WhatsApp ou sur tiktok, sont transférées dans une zone industrielle militarisée…», a dénoncé Dr Jean Emmanuel Gnagnon en décrivant des conditions de servitude de haute intensité.
Loin de dédouaner totalement cette jeunesse qui se laisse facilement séduire, la conférence a reconnu le rôle prépondérant joué par la classe dirigeante africaine dans la persistance de ce fléau. Mme Habiba Issa Bonny Dualla, présidente de l’Union des Populations du Cameroun (UPC) et membre du Réseau-LEADER, a indiqué que la mauvaise gouvernance est l’une des raisons pour lesquelles la migration de la jeunesse africaine ne cesse de grandir. Un point de vue réitéré par chacun des participants ayant pris la parole.
Dans son allocution de clôture, le Président du Réseau-LEADER a dénoncé avec vigueur ce qu’il a qualifié de «système d’exploitation sophistiqué qui recycle nos espoirs en instruments de domination». Évoquant le cas russe, il a déclaré: «Le programme Alabuga Start, que certains osent encore qualifier de tremplin professionnel, n’est rien d’autre qu’un piège moderne. Il transforme nos filles en main-d’œuvre silencieuse pour des guerres qui ne sont pas les leurs. C’est une prison industrielle sous habillage diplomatique.»

La déclaration finale de l’atelier, lue par Mme Habiba Issa Bonny Dualla, a résonné comme un appel panafricain à la lucidité et à l’action. Elle a rappelé que «les nouveaux visas de la servitude prennent aujourd’hui la forme de bourses prestigieuses et de contrats d’apprentissage bidon. Ce que nous avons entendu ici n’est pas marginal, c’est structurel. C’est un commerce de la chair jeune africaine, organisé avec méthode.» Elle a appelé les États africains à suspendre les accords de coopération suspectés d’abriter de telles pratiques, à diligenter des enquêtes sur les dispositifs de bourses internationales, et à mettre en place des mécanismes de veille et de protection consulaire renforcée.
Des participants venus du Bénin, du Togo, du Cameroun, du Sénégal et du Burkina Faso, ont exprimé leur indignation et leur volonté d’agir. Ils ont souligné différents moyens de lutte contre ce fléau dont le plus urgent est l’intensification et l’élargissement de la sensibilisation sur les risques que peuvent cacher certains programmes de migration. Il s’agit de toucher les populations dès leurs plus jeunes âges dans les écoles, mais aussi ceux qui sont en première ligne de la migration, c’est-à-dire les jeunes, étudiants, apprenants, etc. Les ONG, sociétés civiles et autres associations doivent aider l’État dans ce sens. L’assistance s’est désolée du fait que certaines agences de recrutement disposent d’autorisations officielles malgré les signalements récurrents. Les États doivent donc exercer un réel contrôle sur ces agences. Il a également été proposé la création de réseaux communautaires de vigilance et de cellules d’alerte citoyenne pour détecter en amont les signaux faibles de ces pièges migratoires.
Le Réseau-LEADER appelle solennellement les chefs d’État africains à sortir du silence et à assumer leur part de responsabilité. Il exhorte les médias à briser le mur de l’indifférence, à enquêter et à faire entendre les voix des victimes. Il encourage les organisations de la société civile à intensifier leurs efforts de sensibilisation auprès des jeunes et des familles, souvent mal informés ou séduits par des discours enjôleurs.
Il n’y aura pas d’avenir pour l’Afrique si sa jeunesse continue de faire l’objet d’un commerce silencieux et honteux. L’atelier de Cotonou marque le point de départ d’un front d’alerte, de plaidoyer et de mobilisation. Un front panafricain. Un front pour la vie.
Primos Dossou