Accueil A la une Nelson Mandela, l’héritage galvaudé!

Nelson Mandela, l’héritage galvaudé!

0
Nelson Mandela; le père de la nation Arc-en-ciel

Alors que ce 5 décembre a été commémoré le 10e anniversaire de sa mort, Nelson Mandela a dû se retourner plusieurs fois dans sa tombe, les couleurs de l’arc-en-ciel qui a égayé le ciel de l’Afrique du sud post-apartheid étant devenues bien ternes, tout au moins très défraichies. Madiba qui a essayé de recoller les morceaux d’un pays, où blancs et noirs, fils et citoyens d’un même pays se faisaient toutes les misères du monde et s’entretuaient du simple fait de la différence de couleur de peau, ne doit plus reconnaître cette nation qu’il a malheureusement laissée comme au milieu du gué.

Pourtant, cette symphonie inachevée, car écourtée par la grande faucheuse, aurait pu reprendre sur les notes que n’a pu jouer de son vivant, le chef d’orchestre de la nouvelle Afrique du Sud, si les nouveaux leaders de l’ANC n’avaient détourné cette lutte historique contre l’apartheid au profit d’intérêts bassement matériels et égoïstes. Comme si les vingt-sept années de prison de Mandela, mais surtout sa détermination à donner une autre chance à l’Afrique du Sud de vivre débarrassée des aspérités purulentes de la ségrégation raciale, ont été passés par pertes et profits par des héritiers indignes.

Or, même s’il le voulait, le célèbre locataire au matricule 46664 de la prison-île de Robben Island, éprouvé par l’âge et les séquelles inaltérables des conditions rudes des années incarcération, ne pouvait continuer le combat avec la même énergie. La preuve en est que le premier président noir de l’Afrique du Sud et co-Nobel de la paix avec son prédécesseur, l’ancien président Frederik De Klerk, n’a pu effectuer qu’un seul et unique mandat du 10 mai 1994 au 16 juin 1999.

Mais, Mandela a pu jouer sa partition de chef de la paix et de la réconciliation, alors qu’il était à la tête d’un pays où tout était prioritaire, notamment l’élimination des inégalités économiques dont les victimes étaient les Noirs et l’extinction des fortes tensions sociales qui faisaient rage. Et si après sa retraite présidentielle, Madiba a continué à soutenir des associations engagées contre le Sida et la pauvreté et des organisations éprises du respect et de la défense des droits de l’homme, il ne connaîtra pas le bonheur d’avoir pu inoculer à ses successeurs, les vertus de l’altruisme, du patriotisme et de l’intégrité.

Très vite, le pouvoir est devenu pour les leaders de l’ANC le tremplin pour se constituer un patrimoine financier personnel astronomique. C’est ainsi que la corruption est devenue le sport national le mieux pratiqué au sommet sous le Congrès National Africain. Les plus grosses affaires de détournement et de pots-de-vin ont fait, et font, l’actualité en Afrique du Sud, tant sous le magistère de l’ancien président, Jacob Zuma que de l’actuel, Cyril Ramaphosa.

Dans le même temps, le chômage, la drogue, les braquages, les assassinats, les attaques criminelles de toutes sortes, sont les maux qui assaillent une jeunesse en manque de repère et surtout de perspectives d’avenir. Que dire des héritiers de Nelson Mandela qui se divisent constamment sur des questions de leadership sur le terrain politique ou le partage des richesses du pays! Même les querelles de succession n’ont pas épargné la propre famille, du rassembleur devant l’Eternel. Le bateau battant pavillon ANC tangue dangereusement et pour l’instant, évite comme par miracle les récifs d’une mer politique qui risque d’être houleuse, voire fatale, pour lui lors des prochaines élections en Afrique du Sud.

Le Madiba national va-t-il connaître sa deuxième mort avec la guerre fratricide que se livrent ses héritiers pour la conquête du pouvoir et l’accumulation des richesses dans leur seul propre intérêt? Rien n’est moins sûr, et ça sera dommage pour «la nation arc-en-ciel» de refaire ce grand bond en arrière qui la ramènera aux années de galère pour les Noirs et par ricochet pour une Afrique du Sud où l’insécurité va monter davantage. Alors, le seul regret qui animera tout un peuple: avoir perdu Nelson Mandela!

Par Wakat Séra