
8 727 431 personnes sont enregistrées sur la liste électorale rendue publique par la Commission électorale indépendante (CEI). Soit près de neuf millions de potentiels électeurs. Mais comme il fallait s’y attendre, point de Tidjane Thiam, encore moins de Laurent Gbagbo, de Guillaume Soro ou de Charles Blé Goudé. Le miracle attendu par certains, n’a donc pas eu lieu!
Ainsi, si l’élection présidentielle se tient effectivement à la date prévue du 25 octobre 2025, ça sera sans quatre des grandes figures de l’opposition ivoirienne qui ont été écartées de la compétition, sur la base de décisions judiciaires. Le président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI-RDA) lui, s’est vu appliquer une disposition de la Constitution ivoirienne sur la nationalité. Selon des recours en justice, il ne jouissait pas de la nationalité ivoirienne au moment de son inscription sur la liste électorale en 2022 et lors de son élection en tant que président de son part en décembre 2023. La réélection comme président, le 14 mai 2025, en tant qu’Ivoirien plein, car ayant renoncé, le 20 mars 2025, à son statut de citoyen français, n’a pas pu sauver le leader du PDCI-RDA de la radiation de la liste électorale. Dura lex sed lex, dit implacablement le dicton. Une véritable douche froide pour l’ancien banquier et son parti politique.
Mais Tidjane Thiam peut se consoler de ne pas être le seul à vivre ce cauchemar. L’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo, patron et candidat du Parti des peuples africains de Côte d’Ivoire (PPA CI), l’ancien président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire Guillaume Soro, actuellement en exil, et l’ancien ministre Charles Blé Goudé, tous frappés par une condamnation de 20 ans de prison par la justice de leur pays, pour divers chefs d’accusation, sont également hors-course pour la présidentielle, car tous sont absents de la liste électorale. A l’unanimité, les opposants, dénonçant des éliminations politiques et surtout, calculées de la part du Rassemblement des houphoüétistes pour la démocratie et la paix (RHDP, au pouvoir), crient à la dérive démocratique et appellent à un dialogue politique. Des récriminations et des appels qui tombent, comme de l’eau versée sur le dos d’un canard. Le pouvoir, lui, ayant saisi, ainsi, l’opportunité de mettre à la touche, par justice interposée, des adversaires de gros calibres pour son candidat.
Qui donc est le candidat du pouvoir? Question qui ne se pose même pas pour le RHDP, son candidat naturel étant Alassane Ouattara. En tout cas, même s’il n’a pas encore déclaré publiquement son intention d’aller à la reconquête de son fauteuil, le président ivoirien, Alassane Ouattara, lui, figure bel et bien sur la liste électorale et n’est visé par aucune disposition légale. Et la Constitution de 2016, amendée le 19 mars 2020, lui permet bien de briguer un second mandat. Mais, le contexte politique ivoirien d’aujourd’hui et la crise postélectorale de 2010-2011 qui a fait de nombreux morts, ne sont pas à négliger dans une Côte d’Ivoire où les manifestations de l’opposition, contre la mise à l’écart de ses candidats, ont commencé à faire beaucoup de remous.
Faut-il une fois de plus, craindre le pire pour ce pays, où, comme ailleurs en Afrique, les élections riment avec psychose, violences et morts, les vieux démons rôdant toujours autour des urnes? Autant il peut être demandé au PDCI RDA, de trouver un candidat de substitution à Tidjane Thiam, autant il peut être demandé à Alassane Ouattara de se retirer du jeu, comme l’a fait, en son temps, son «ami» Macky Sall pour la présidentielle sénégalaise de février 2024. Sauf que pour l’instant, les positions sont d’une radicalité et d’une raideur inquiétantes. Pour Tidjane Thiam, il n’y a pas de plan B possible alors que pour le RHDP, le seul et unique candidat demeure Alassane Ouattara.
En attendant, l’Ivoirien lambda continue de manger son attiéké, le plat national fait à partie du manioc, en espérant que les politiciens n’y verseront pas du sable! Et pour Tidjane Thiam, le mouton de Tabaski de ce week-end aura un goût bien amer avec cette radiation de la liste électorale définitive pour la présidentielle.
Par Wakat Séra