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Procès assassinat Thomas Sankara: «J’ai refusé d’être dans un camp ou l’autre» (Gilbert Diendéré)

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Le général Gilbert Diendéré

Le général Gilbert Diendéré a nié, ce mardi 9 novembre 2021, devant le tribunal militaire, toute implication, dans le coup d’Etat du 15 octobre 1987 qui s’est soldé par la mort du président Thomas Sankara et de 12 autres personnes, et la fin de la révolution d’août 1983.

«Des groupes politiques voulaient que la révolution explose»

Selon les faits relatés par le général Gilbert Diendéré, lieutenant au moment de l’assassinat du 15 octobre 1987, le drame est la résultante d’un climat de suspicion et de méfiance que des civils et des militaires ont contribué à entretenir entre le président Thomas Sankara et le numéro 2 de la révolution, le capitaine Blaise Compaoré.

Dans les explications de l’accusé, le climat était très pollué entre les deux camps à cause de la persistance des rumeurs et des tracts des groupes politiques communistes qui voulaient voir «la révolution exploser». A tel point que les éléments de sécurité affectés à la garde rapprochée des deux personnalités vivaient dans la totale méfiance et étaient sur le qui-vive. «Il y avait des rumeurs et des tracts orduriers ça et là qui attaquaient les deux (Sankara et Compaoré) de manière intime», a-t-il enchaîné.

Il dit avoir refusé en son temps de prendre partie, parce qu’il était dans une posture difficile. «J’étais entre le marteau et l’enclume. Certaines informations ne me parvenaient pas du fait de ma position», a-t-il martelé, faisant observer qu’il était soupçonné par le camp du capitaine Blaise Compaoré du fait qu’il soit de la même province que le président Sankara, alors que le camp de Thomas Sankra le soupçonnait d’appartenir au camp de Blaise Compaoré, son supérieur hiérarchique dans l’armée.

«C’est le régisseur Karim Tapsoba qui a enlevé et enterré les corps»

Après sa relation des faits tel qu’il les a vécus le jour fatidique des évènements du 15 octobre 1987, le général Gilbert Diendéré dit ne pas comprendre pourquoi le parquet militaire l’accuse de «recel de cadavres» dans l’affaire Thomas Sankara et de ses compagnons. Selon lui, les corps des 13 infortunés ont été enlevés et enterrés par le régisseur, à l’époque, de la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (Maco) Karim Tapsoba, sur instruction du commandant Boukari Lingani, commandant en chef de l’armée, l’équivalent de Chef d’état-major général des Armées (CEMGA) aujourd’hui.

Ce n’est que le lendemain, soit le 16 octobre 1987 que le régisseur Karim Tapsoba est venu lui tendre un bout de papier contenant la liste des victimes qu’il a enterrées. Dans ses propos, Karim Tapsoba a mis des étiquettes sur les tombes afin que leurs parents et proches puissent les identifier. Ces étiquettes, auraient d’ailleurs permis au génie militaire a d’aménager par la suite les tombes afin que les gens puissent se recueillir.

«Je n’avais jamais pensé qu’une telle action pouvait se mener à l’intérieur du Conseil de l’Entente»

Chargé de la sécurité du Conseil de l’Entente, le siège du CNR, situé sur une superficie d’à peu près trois hectares et demi, le général Gilbert Diendéré avoue sa surprise: «Je n’avais jamais pensé qu’une telle action pouvait se mener à l’intérieur du Conseil de l’Entente».

A l’écouter, seules les gardes rapprochées pouvaient éviter ce drame. Sinon, encore selon le général Diendéré, les éléments du cordon de sécurité postés aux entrées du site n’y pouvaient rien, puisqu’«ils ont été mis devant le fait accompli». Comme lui-même d’ailleurs qui a cherché à comprendre ce qui se passait, a-t-il précisé.

Sur le fait qu’une riposte n’a pas été opposée aux assaillants, le général Gilbert Diendéré a dit que ç’aurait été un grand risque d’affrontement entre frères d’armes. Aussi, avec la méfiance généralisée au sein du Conseil de l’Entente, lui-même «ne savait plus qui était pour un camp ou l’autre».

Mais, il dit avoir fait un compte rendu à chaud de la situation au commandant en chef de l’armée, Boukari Lengani, qui était habilité à donner les consignes à suivre.

Par Bernard BOUGOUM