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Procès putsch manqué: «J’ai reçu un million FCFA du capitaine Dao» (ex-DG de la police)

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Photo d'archives

L’ex-directeur général de la Police nationale, le contrôleur général, Lazare Tarpaga, entendu comme témoin, a reconnu ce vendredi 8 février 2019, devant la barre du tribunal militaire qui juge l’affaire du coup d’Etat manqué de mi-septembre 2015, avoir reçu un million de francs CFA  du capitaine Abdoulaye Dao, l’un des responsables du Régiment de sécurité présidentielle, le RSP, accusé du coup de force, pour contribuer aux besoins du corps paramilitaire pour ses patrouilles. Mais le capitaine Dao, commandant du Groupement des unités spéciales (GUS) de l’ex-Régiment au moment des faits, a formellement contredit l’ex-patron de la police en avançant qu’à aucun moment «il n’a reçu l’argent» pour M. Tarpaga, donc ne lui a pas «remis» cette somme.

Le colonel-major Salif Tinguéri salue l’aide du sergent-chef Roger Koussoubé lors du désarmement

Le jugement du putsch manqué a débuté ce vendredi avec l’audition du colonel-major Salif Tenguéri, en qualité de témoin. Cet officier a dirigé la commission du désarmement qui a commencé ses opérations le 24 septembre 2015 après la remise en selle du pouvoir de la Transition.

Après avoir fait la reconnaissance des sites, l’équipe conduite par le colonel-major Tinguéri aurait débuté ses activités le 25 septembre, selon le témoin qui a noté que dans l’après-midi de cette journée, ils sont allés pour enlever le matériel au camp Naaba Koom II, le camp de l’ex-RSP. Bien avant, le capitaine Oussène Zoumbri, point focal de la commission, leur a fait une liste du matériel du RSP à récupérer, a-t-il fait remarquer. «Nous avons commencé l’enlèvement du matériel et nous avons constaté que des éléments venaient par petits groupes et tenaient des Kalachnikovs», a-t-il expliqué pour décrire le climat dans lequel les opérations se sont déroulées.

«Ils étaient menaçants dès le premier jour mais le capitaine Zoumbri est allé leur parler et ils se sont calmés», a déclaré M. Tinguéri, notant qu’à chaque fois, il faisait le compte rendu au Chef d’état-major général des Armées (CEMGA), d’alors, le général de brigade Pingrenoma Zagré. Le 26 septembre son équipe est repartie au camp Naaba Koom II mais cette fois-ci, des éléments du RSP se montraient «encore plus menaçants. Certains ont même chargé leurs armes et devenaient agressifs», a-t-il relaté, disant avoir «l’impression qu’ils voulaient en découdre» avec ses hommes.

A l’en croire, ces éléments de l’ex-RSP auraient «fait décharger les armes» et lui et ses hommes ont été obligés de repartir. Le troisième jour, soit le 27 septembre, «nous étions toujours là-bas mais nous avons été très inquiets». Il dit avoir envoyé un minimum d’hommes pour éviter de prendre des risques. A cette date du 27, «une de (ses) équipes a été séquestrée à la guérite au camp Naaba Koom II et leurs portables confisqués», a-t-il ajouté.

Le parquet militaire prend la parole et lit des déclarations d’un PV d’un soldat dans lequel il ressort que c’est le sergent-chef Ali Sanou et un certain Dah qui auraient arrêté les hommes du colonel-major Salif Tinguéri. Mais cette déposition a été réfutée à la barre par le sergent-chef qui souligne que ceux qui ont séquestré les éléments du responsable de la commission de désarmement ne sont pas dans le box des accusés.

A propos du sergent-chef Roger Koussoubé dit le «Touareg», considéré comme un élément incontrôlé de l’ex-RSP, le colonel-major a avancé que l’accusé «a travaillé à les aider pour le désarmement le 27 septembre». Le sergent-chef Roger Koussoubé a également indiqué que les soldats qui ont menacé les hommes du colonel-major, tout comme ceux qui ont séquestré son équipe, «ne se trouvent pas dans le box des accusés».

Quant aux capitaines Oussène Zoumbri, Abdoulaye Dao et le commandant Aziz Korogo appelés à la barre, ils ont dit ne rien avoir à ajouter à la déposition de Salif Tinguéri. Pour le général Gilbert Diendéré, à partir du 23 septembre quand il a rendu le pouvoir, on ne l’a plus associé à quoi que ce soit.

L’ex-DG de la police opposé principalement à trois officiers de l’ex-RSP

Après le colonel-major Salif Tinguéri, ce fut le contrôleur général de la police, Lazare Tarpaga qui a été appelé à la barre ce vendredi pour dire ce qu’il a fait, vu et entendu comme le requiert la qualité de témoin selon la loi. Après sa narration des faits, l’ex-premier responsable de la police a cité notamment les noms des personnes avec qui il a eu affaire, notamment le général Gilbert Diendéré, le colonel-major Boureima Kiéré et le capitaine Abdoulaye Dao.

Si l’ex-directeur général a dit formellement avoir reçu la somme d’un million FCFA en espèce du capitaine Dao le 17 septembre, l’officier militaire a lui réfuté cette déclaration. Après ce refus catégorique, le contrôleur général s’est ravisé en concédant qu’il n’a pas eu physiquement affaire à l’officier militaire mais qu’il a reçu un appel de ce dernier lui disant de venir à la radio nationale pour récupérer la somme. «Comment je peux imaginer son nom et envoyer quelqu’un qui est allé chercher l’argent revenir me donner. Un million ce n’est pas dix mille francs», s’est agacé Lazare Tarpaga qui a ajouté que M. Dao lui a aussi dit d’envoyer des véhicules de la police pour ravitailler en carburant au Conseil de l’Entente.

A la question de savoir ce que l’ex-patron de la police a fait avec la somme, il a rétorqué que «la somme a été intégralement remise à (ses) éléments qui faisaient les patrouilles à Ouagadougou». Aussi, répondant à une autre préoccupation du parquet militaire qui voulait savoir si le fait de répondre aux invitations, appels ou sms de Gilbert Diendéré n’est pas une caution au coup d’Etat, M. Tarpaga, a estimé que toutes ses questions n’étaient relevaient du «dilatoire» puisqu’il ne pouvait pas «dire frontalement non» au général. «Mon éducation et mon vécu me commandent dans ces genres de circonstance, de la prudence», a-t-il renchéri. A la différence de la gendarmerie, Lazare Tarpaga a signifié que ses hommes faisaient les patrouilles jours et nuits mais avaient reçu ses instructions qui étaient de ne pas s’opposer aux manifestants.

Appelé à la barre, après avoir présenté ses respects au tribunal, le général Gilbert Diendéré, a d’abord dit qu’il connaissait le contrôleur général depuis 1982. «Monsieur le président (du tribunal militaire), le contrôleur général présent ici est le prototype de faux témoin», a dit le général en contestant avoir appelé l’ex-directeur général de la police le 16 septembre car il était préoccupé par une rencontre avec la hiérarchie. Selon le présumé cerveau du coup de force, «quand l’ancien directeur général de la police faisait ses déclarations à l’instruction, il n’avait pas pensé qu’un jour on sera face à face devant une barre de jugement».

Reprenant la parole pour réagir sur les dépositions du général de brigade qui a presque remis tous ses propos en cause, Lazare Tarpaga a affirmé: «Je regrette, mais, mon général, votre mémoire vous joue des tours». Rire dans la salle. Répondant à une question de Me Mireille Barry de la Défense qui demandait pourquoi le contrôleur général n’a pas signalé l’affaire du million de francs CFA dans le Procès-verbal (PV) lors de son passage à l’instruction, celui-ci a encore dit: «Ma mémoire m’a joué des tours». Rire encore dans le salle. «Malgré le traitement de déférence que j’ai reçu, j’ai oublié des choses», a-t-il enchaîné en s’excusant de ne pas avoir une mémoire d’éléphant comme certains.

L’audience a été suspendue vers 17h et reprendra le lundi prochain à partir de 9h avec toujours le témoignage du contrôleur général de police et les trois accusés ci-dessus cités.

Par Bernard BOUGOUM