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Procès putsch manqué: quatre témoins à la barre

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Une vue des accusés dont les deux généraux Djibrill Bassolé (costume) et Gilbert Diendéré (tenue militaire) (Ph. Wakat Séra)

Ce mardi 5 mars 2019, le tribunal en charge du dossier du putsch manqué du 16 septembre 2015, a entendu quatre témoins, dont trois militaires et un civil. Il s’agissait des colonels major Pierre Sanou et Sié Toué, du lieutenant-colonel Paul Henri Damiba et de Jérémie Ilboudo, un agent de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.

Les deux premiers témoins, en l’occurrence le colonel major Pierre Sanou et le colonel major Sié Toué, de la hiérarchie militaire, qui ont fait leurs dépositions devant la Chambre de jugement du tribunal militaire, sont allés dans le même sens que les précédents témoins membres de la Commission de réflexion et d’aide à la décision (CRAD). Selon le colonel Sanou qui a pris part à la réunion des 16 et 17 septembre 2015 au ministère de la Défense et des Anciens combattants, après l’échec des négociations avec les éléments de l’ex-Régiment de sécurité présidentielle (RSP) qui avaient pris en otage les autorités de la transition, Monseigneur Paul Ouédraogo aurait déclaré qu’«il ne restait qu’à prier» et «les membres de la CRAD ont demandé au général Gilbert Diendéré d’assumer pour éviter le chaos». Le témoin répondant à une question de la partie civile, a indiqué que si la réunion du 16 septembre 2015 a pris du temps, c’était parce que la hiérarchie a tenté de chercher des solutions pour une sortie de crise.

Pour ce témoin, la réunion du 17 septembre 2015 a été une rencontre «d’information», au cours de laquelle le général Diendéré a annoncé l’arrivée de chefs d’Etat et une rencontre avec des ambassadeurs. Il a affirmé qu’au cours de cette réunion, le colonel major Tuandaba Coulibaly a soulevé un besoin en matériel de maintien de l’ordre.

Le colonel major Sié Toué, qui a participé uniquement à la réunion du 17 septembre 2015, a déclaré qu’au cours de cette rencontre, le général Diendéré, a informé son auditoire que c’est un mouvement d’humeur des éléments de l’ex-RSP qui s’est soldé par un coup d’Etat. Il a été également question de sécuriser le pays et entamer des négociations. Le général Diendéré a souhaité que la hiérarchie l’accompagne dans ce sens.

Communication entre le général Bassolé et le colonel Damiba

La troisième personne à témoigner à la barre ce mardi 5 mars 2019, fut le lieutenant-colonel Paul Henri Damiba. Il a déclaré avoir envoyé des messages au général Gilbert Diendéré et le chef de corps adjoint du RSP, le commandant Abdoul Aziz Korogo, notamment, quand il a appris qu’il y avait des problèmes à Kosyam. L’idée était de s’informer davantage sur la situation. Selon le témoin, lorsqu’il a eu le commandant Korogo au téléphone, celui-ci semblait «désemparé» et a souhaité «démissionner». «Si Korogo est dans cette situation, je pense que je suis en partie responsable car je lui ai suggéré de se référer au colonel major Boureima Kiéré et au général Diendéré», a affirmé le lieutenant-colonel Damiba.

Après il aurait reçu un message du général Diendéré l’invitant à venir le voir. «Arrivé, nous avons parlé de tout et de rien. Nous avons parlé essentiellement du saccage de son domicile à Yako (Centre-Nord du Burkina)», a affirmé le témoin qui a précisé qu’il a demandé au préalable l’autorisation à ses supérieurs avant de se rendre au bureau du général Gilbert Diendéré.

Une autre information qu’apporte le témoin est qu’il a été contacté le 16 septembre 2015, dans la soirée, par le colonel ivoirien Zakaria Koné qui lui disait que ce qui se passe «n’est pas un mouvement d’humeur» mais «un coup d’Etat».

De même, le lieutenant-colonel Paul Henri Damiba, interrogé sur les écoutes téléphoniques entre lui et le général Djibrill Bassolé, a déclaré au tribunal que cette «communication est réelle», soutenant que l’audio qu’il a écouté devant le juge d’instruction est celle qu’il a eu avec l’ex-ministre burkinabè des Affaires étrangères. Mais celui-ci a réfuté des passages de la retranscription que le parquet militaire a bien voulu lire. «Dans la retranscription tout n’est pas exact», a-t-il dit, rejetant des phrases comme «je n’ai pas l’intégralité», «ce n’est pas à l’ordre du jour», retrouvées dans la conversation.

Des agents de l’ARCEP ont été «menacés»

Le quatrième témoin, Jérémie Ilboudo, un agent de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) a déclaré que lui et d’autres ont été victimes de menaces quand les militaires de l’ex-RSP voulaient localiser la radio qui émettait pendant les événements du 16 septembre 2015 et jours suivants. Il a indiqué que les militaires qui s’étaient rendus dans leur locaux ont cassé la porte d’un des bureaux de l’ARCEP pour récupérer du matériel de détection d’émetteurs.

La radio aurait été localisée à Savane FM. «Ils ont forcé le gardien à ouvrir les portes et ils ont emporté du matériel», a affirmé M. Ilboudo.

Invité à la barre le sergent Hamidou Pagbelem qui a fait partie de la mission de détection de la radio, a soutenu que le témoin n’a pas été l’objet de menaces comme il le dit devant le tribunal.

L’audience a été suspendue et reprendra demain mercredi 6 mars 2019 avec la poursuite de l’audition du témoin Jérémie Ilboudo.

Par Daouda ZONGO